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29 janvier 2010 5 29 /01 /janvier /2010 12:02

Le port du Conquet connut dans les années 1880-90, un projet de base avancée pour les torpilleurs côtiers.

 

En cette fin XIXe siècle, La Défense Mobile à Brest se composait d' un certain nombre de petites unités armées de torpilles, qui avaient leur poste d’amarrage au port de commerce, entre l’extrémité des bassins et la digue sud.  Les usagers du port du Conquet et la municipalité qui sollicitaient depuis longtemps des pouvoirs publics la construction d’une digue de protection à la pointe Sainte-Barbe, ont vanté à la Marine l’intérêt qu’elle pourrait avoir d’un mouillage abrité donnant directement sur le chenal du Four et de là sur l’Iroise. L'espoir des Conquetois de voir la préfecture maritime les aider a été déçu, le dossier a été classé sans suite.


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Les torpilleurs de La Défense Mobile à Brest , au centre faisant sécher ses pavillons, le torpilleur de haute-mer Audacieux, basé à Brest de 1901 à 1909, à sa droite la Trombe, navire identique de 130 tonneaux, 4 200 cv, 2 chaudières, 2 hélices, vitesse 28 noeuds, 50 hommes d'équipage, 2 canons de 47 mm et 2 torpilles. De part et d'autre, 2 petits torpilleurs numérotés. (CP collection JPC)


Les torpilleurs côtiers
, qui ne portaient pas de nom mais un numéro, jaugeaient pour les plus anciens,  une cinquantaine de tonneaux, pour une longueur d’une trentaine de mètres. Ils étaient propulsés par une machine de 300/400 cv.

L’escadre de son côté comprenait des torpilleurs et contre-torpilleurs dits de « haute mer »  d'un tonnage plus important.

 
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Torpilleurs de haute-mer vers 1900 en rade abri. Au premier plan le Mangini, construit en 1893, en station à Brest en 1903. (CP collection JPC)

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Voici quelques "heurts, malheurs et autres aventures" de ces torpilleurs,  que j’ai extraits des collections du journal « Le Yacht » (Archives de la Défense à Brest), il y a quelques années.

 

1895, Le Yacht Brest le 11/3, le 9/3, un accident de machine est arrivé au torpilleur 73 de la défense mobile de Brest, dans le S .E d’Ouessant. Le 73 remorqué par un autre torpilleur a pu gagner Le Conquet non sans que les secousses occasionnées par la grosse mer, eussent plusieurs fois cassé  les remorques. Le lendemain la mer ayant encore grossi, il fallut envoyer au Conquet le Haleur fort remorqueur de la DP qui ramena à Brest, non sans peine, le torpilleur avarié.

 

1895, Le Yacht du 29 juin, le ministre vient d’autoriser les réparations du torpilleur 84 qui s’était fait au mois de mai quelques avaries de coque en touchant une roche près de la pointe de Corsen. La réparation de la coque et de la chaudière (type Orioll), a coûté 9 000 francs.

 

tor-kmorvan.jpg




















Vers 1900-1905, un petit torpilleur remonte le chenal du Four. Je n'ai jamais su à quoi servait à cette époque la "mire" sur le fort de Kermorvan. On remarque dans la grève de Pors Seillon de grandes quantités de goémons épaves. Ce n'est plus jamais le cas.

1895, Le Yacht du samedi 22 juin, samedi dernier, le vapeur de 757 tonneaux de jauge Isebergues (ou Iceberg ?) de La Rochelle, s’est échoué par temps de brume sur la roche des Chats, à la pointe sud-est de l’île de Sein. Le remorqueur Laborieux a pu le déséchouer et l’escorter à Brest. Une partie du chargement de poteaux de mines à été jetée à la mer. Les torpilleurs 83 et 23 ont participé à l’opération

 

1896, Le Yacht du 21 novembre. Vers 3h ½ de l’après-midi, collision à la fin d‘un exercice entre les torpilleurs 83 et 61 de la défense mobile de Brest, à trois milles dans le nord-ouest du cap de la Chèvre, sur l’alignement des roches du Bouc et du Chevreau par des fonds de 25/30 mètres.

Les circonstances : après un tir fictif sur le  torpilleur 61, le torpilleur 83 au-lieu de dégager par derrière l’autre navire, a cru pouvoir passer devant et l’a abordé en plein milieu, lui crevant deux cloisons étanches. Le 83 a coulé, on déplore la mort d’un de ses apprentis chauffeurs dont le corps n’a pas été retrouvé.

La Glaneuse qui passait là, allant de Douarnenez sur Brest, ainsi que le cotre Jeanne d’Arc, ont pris des blessés à leur bord. Le torpilleur 81 dirigé par le préfet maritime sur zone a pris le 61 en remorque vers Brest, le convoi étant escorté par la Glaneuse, tandis qu’un médecin du Borda était expédié par le torpilleur 145 à la rencontre de la Jeanne D’arc qui accosta le Navarin, bâtiment base de la défense mobile à 9h30 du soir.

Le torpilleur 83 était de la classe des 35 mètres, d’une série de 50 bateaux identiques.

Le torpilleur 61 est un autre modèle construit par les chantiers Normand.

 

1897, Le Yacht du samedi 20 novembre, Brest le 17, jeudi le torpilleur de haute mer de réserve, Tourbillon en passant entre les Tas de Pois dans la brume et parmi des bateaux de pêche, aperçoit soudain devant lui le plus grand Tas de Pois. Le commandant met en arrière toute mais le bateau vient taper la roche de son étrave. Le choc a été amorti par le tube lance-torpille. Le Tourbillon a pu faire seul route Brest, les cloisons étanches ayant tenu.

 

1898 Le Yacht du samedi 2 avril, Brest le 29 mars, dimanche sortie d’un groupe de l’escadre du Nord (Croiseurs Friant et Epervier, torpilleurs de haute mer Mangini et Ariel plus des torpilleurs de la défense mobile : 183, 80, 73, 84), pour un exercice dont le but était de s’opposer à la deuxième division de l’escadre partie de Cherbourg.


torpilleurs-ARIEL.jpg





















Le torpilleur de haute-mer Ariel, (Histoire de la Marine. G. Toudouze 1934)

Au large de Labervrac’h, vers une heure du matin, le Friant à 10 nœuds voit l’Ariel à 14 nœuds croiser sa route. Abordage inévitable malgré la mise en arrière toute du Friant par le capitaine de vaisseau Melchior. Le Friant est entré par tribord dans la cabine des officiers de l’Ariel. Pas de blessés mais l’Ariel (lieutenant de vaisseau Benoît) a coulé par 60 m de fond à 10 milles dans le noroît de L’Abervrac’h.

 

1903, Archives SCSN, 1er décembre 1903, assistance au sloup Maria. Le sémaphore de Corsen vient de s'apercevoir  que le sloup Maria de Laberildut a démâté près de la pointe de Corsen dans un fort grain de nord-ouest, pluie et neige mêlées. L'alerte arrive par télégraphe au Conquet, on fait sonner le tocsin pour avertir les canotiers. Il est deux  heures de l'après-midi quand le canot appareille. Luttant contre la tempête les canotiers remontent le chenal du Four... Pendant ce temps l'aviso torpilleur La Salve croise par hasard le Maria et le prend en remorque. Les canotiers rencontrent le convoi dans le nord des Blancs-Sablons et font demi-tour. Devant Le Conquet Pierre Le Goaster prend le voilier en remorque, libérant le torpilleur. Il est plus de sept heures du soir quand transis et trempés les douze hommes du canot Mallats-Desmortiers 2 et les trois hommes du Maria débarquent au Conquet.


tor-salve.jpg
La Salve, aviso torpilleur construit en 1886, vitesse 18 nœuds. (CP collection JPC)

 

 1908, Sagaie, de Lorient, contre-torpilleur, 6 ans, 303 tonneaux, 69 hommes d’équipage, du large sur Molène. Echoué le 18 juin à l’entrée de Molène par beau temps et mer belle. Renfloué 24 heures plus tard. (AfMar Le Conquet)

 

Le Yacht du 27 juin 1908, long article. Dans la soirée du 18 juin, la Sagaie s’est échouée sur Basse-Suzanne en allant prendre son mouillage à  Molène à la fin d’un exercice. Le choc a été assez rude. Il a fallu accorer le bateau et débarquer son matériel car la marée baissait depuis 19 heures.

L’amiral Boué de Lapeyrère est venu sur place avec la Francisque (note : contre-torpilleur identique à la Sagaie) et les remorqueurs Laborieux et Haleur. Ce n’est qu’à la marée du vendredi soir, allégée de son charbon, de son armement et de matériels divers que la Sagaie a pu être remorquée à Brest entre deux allèges jusqu’au bassin de Pontaniou. Etrave écrasée, deux déchirures sur bâbord, quille abîmée, les arbres de couche faussés, gouvernail brisé etc… (Il avait fallu casser des têtes de roches pour faire flotter le bateau)

Note, La Sagaie sera réparée à Lorient et restera en flotte jusqu’en 1921.

 

1914, Le Yacht du 7 mars, Brest le 3 mars,  exercice de torpilleurs tous feux masqués dans le Goulet. Ils devaient forcer le Goulet sans attirer sur eux les projecteurs des guetteurs sur les deux pointes. « Il faut, dit le rapporteur de l’article, au commandant une énorme dose d’attention pour éviter les pointes et pour ne pas aborder les barques à voiles assez imprudentes pour s’aventurer dans cette bagarre. On est donc forcé de compter sur la chance et elle vous est fidèle 99 fois sur 100. Il y a hélas la centième,  et c’est sur elle qu’est tombé le torpilleur 367 dans la nuit de jeudi à la hauteur de la pointe des Espagnols vers  9 heures 30, en entrant brusquement dans la coque du sloop Elfine qui venait de Laber chargé de sable. Le choc fut violent, la mâture et le gréement tombèrent  à la mer et furent repérés lendemain  en dérive à la côte de Créac’h-Meur. Comme ils constituaient un danger pour la navigation, le baliseur Léon Bourdelles les a recherchés et retrouvés. Inutile d’ajouter que l’Elfine a coulé et avec lui son malheureux patron que le  torpilleur 367 a inutilement recherché après l’accident, ayant réussi à ne sauver que les deux hommes de l’équipage.

 

Note personnelle : contrairement à l’opinion du rédacteur de l’article du Yacht, ce n’est pas le torpilleur fonçant dans la nuit sans feux, qui a joué de malchance, mais bien les marins de la gabare de Lampaul-Plouarzel !!  Il faut dire que le chroniqueur du Yacht qui rédige les pages « Marine de l’Etat », a l'habitude de considérer que les navires de commerce et les navires de pêche n’ont rien à faire sur l’eau au voisinage des grands ports de guerre.  JPC

Les caractéristiques des différents navires de guerre cités peuvent être retrouvées dans le "Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours". Lt de Vaisseau Jean-Michel Roche.

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J'ai déjà évoqué dans le sujet sur les pilotes du Conquet cette possibilité pour des pilotes "civils", en l'occurence ceux du Conquet, de se qualifier par un examen comme pilote pratique de la flotte, et en cas de mobilisation d'être embarqués sur les navires de guerre.

torpill brevet le goaster

Pierre Marie Le Goaster a ainsi obtenu le brevet de pilote pratique titulaire des bateaux torpilleurs entre le passage du Four et Brest et du Toulinguet à l'île de Sein, c'est à dire dans sa zone d'exercice habituelle pour les navires de commerce.
24 juillet 1889.



torpill brevet le goaster verso - Copie

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HORS SUJET MAIS CONCERNANT LES "HEURTS ET MALHEURS DE TORPILLEURS"

 Un sacré coup de vent :

Le 26 octobre 1933, deux torpilleurs de 1 500 T  du type Bourrasque sont en manoeuvres en baie de Douarnenez quand, pour une raison que j'ignore, l'Ouragan vient aborder violemment l'Orage, s'occasionnant une sérieuse déchirure à l'étrave. Je ne sais pas quelles furent les avaries de l'Orage.


orage ouragan ct 23




















                                      L' Ouragan quand il portait le numéro de coque 23

orage ouragan



















                                          Après la collision, l' Ouragan est venu mouiller devant Morgat




orage ouragan ct 23 face
orage-ouragan-ct-23-emile.jpg



























Photos :
Album de famille JPC, mon oncle maternel, Emile Causeur faisait alors son service militaire à bord de l' Orage avant d'entamer une carrière dans la marine marchande. 


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HORS SUJET
: Un spécialiste pourrait-il m'identifier ce gros remorqueur à deux cheminées qui  attend pour passer sous le pont tournant que soit sorti le cargo de la compagnie BK. (Ces initiales peintes sur sa cheminée correspondent à l'armement Beck de Dunkerque). A ce même armement appartenait le Justin qui s'est perdu à la Vinotière en 1905
 remork-brest-copie-1.jpg


















                    Collection JPC, carte timbrée en 1914
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Et cet autre remorqueur qui sort le cuirassé République de Penfeld. Collection JPC, carte aussi timbrée en 1914.


remork-brest---republique.jpg


FIN DE L'ARTICLE ; janvier 2010/ JPC

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commentaires

A
Bonsoir,<br /> <br /> Le remorqueur à deux cheminées est l'Infatigable ex Roode Zee acheté par la Marine en 1898. Il est ici dans sa première configuration (1898-1912). De 1912 à 1915, ile est à Bizerte. Il revient à<br /> Brest en 1916 après refonte à Port de Bouc dans une nouvelle silhouette (1 cheminée). En 1940, rallie l'Angleterre et revient en France en 1945. Démoli en 1947.<br /> Le deuxième remorqueur avec la République est le Haleur (1885 - 1935). Il a fait toute sa carrière à Brest et même un séjour au fond de la Penfeld entre le 5 et le 20 mars 1935. Suite à cet<br /> accident, il est envoyé à la démolition à la fin de l'année sans avoir été réparé.<br /> <br /> Cordialement<br /> Alain Croce
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J
<br /> Le remorqueur à deux cheminées est l'Infatigable, ex Roode Zee (I), construit aux chantiers J & K Smit te Kinderijk en 1898, 540 tjb, 50,44 m 1500 cv, acheté par la Marine française en 1899, en<br /> même temps que l'Oostzee (I), de 750 cv devenu Taillebourg et basé à Rochefort. Ce sont les premiers vrais remorqueurs de haute mer du monde. On voit fréquemment Infatigable sur des CP de la<br /> Penfeld, rive droite, devant les bassins de Pontaniou.<br /> <br /> <br />
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