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19 avril 2011 2 19 /04 /avril /2011 10:01

Le naufrage aux Pierres Noires du Magnificent

 

Depuis la reprise des hostilités avec les Anglais, des escadres britanniques, fortes de quelques vaisseaux se relaient en Iroise pour contrarier les sorties et les entrées des navires de guerre du port de Brest et empêcher le passage des convois de ravitaillement.

 

Incursions anglaises :

Les Anglais, proches de  la côte et des îles, profitent de toutes les occasions pour envoyer des chaloupes à terre, causer des dégâts ou se ravitailler. A Saint-Mathieu par exemple, le 23 messidor an XI, ils essayent de rentrer dans le poste des signaux. Le gardien armé d’une hache met la petite troupe ennemie en déroute. Elle s’enfuit après avoir commis quelques avaries au mât du télégraphe.  Le 18 brumaire an XIV, une lettre du maire du Conquet à monsieur de Caffareli, préfet maritime, nous renseigne sur le préjudice subi par le fermier de Beniguet.  En résumé : « le sieur Corric (bourgeois et armateur conquétois), propriétaire de l’île de Béniguet, par bail du 12 prairial an X, la loua pour 6 ans à René Bergot, moyennant une somme annuelle de 100 francs, payable d’avance à compter du 8 vendémiaire an XI.

Le dit Bergot s’étant transporté dans cette île avec une nombreuse famille en bas-âge, y fit bâtir un logement, s’occupa ensuite de défricher la terre, avec beaucoup de peine et de dépense. Au début de l’an XII, époque où la guerre était survenue avec les Anglais, ceux-ci commencèrent à fréquenter cette île pour y puiser de l’eau.  Comme  cette fréquentation donnait quelque inquiétude aux chefs militaires, en station au Conquet, il fut forcé d’en abandonner la culture, sans même pourvoir enlever ses meubles… Pour comble de malheur, les Anglais ont ensuite incendié son habitation, enlevé les choux et les panais qu’il avait en terre. »

Pour le malheureux Bergot revenu malgré lui sur le continent, et sa pauvre famille dans la misère, le maire du Conquet demande une indemnité au gouvernement.

 

La perte du Magnificent

Dans ce cadre du début de l’an XII, à la fin du Consulat, se place l’évènement suivant : Napoléon Bonaparte est à quelques semaines du « senatus-consulte » du 18 mai 1804, qui va le proclamer « Empereur des Français ».

 

Le Magnificent  était un vaisseau anglais de 74 canons, classe Ramillies, construit en 1767 à Depford (U.K), d’environ 1 600 tonneaux, pour une longueur de 51 mètres, portant un équipage de 600 hommes. Refondu entre 1798 et 1800, il assurait au mois de mars 1804 (germinal an XII), avec trois autres vaisseaux, le blocus de Brest, pour empêcher les convois de munitions et de vivres d’entrer et de sortir du grand port du Ponant.

 

Le capitaine anglais Williams H. Jervis, qui devait un peu s’ennuyer à tirer des bords en Iroise, aperçut en se rapprochant de la côte, un convoi réfugié sur rade du Conquet, attendant un moment favorable pour se glisser jusqu’à Saint-Mathieu et de là,  longer la côte afin d’aller se mettre sous la protection des batteries de Bertheaume avant de gagner Brest. Ce groupe de navires venant du nord,  était composé d’un certain nombre de bâtiments marchands, escortés par trois canonnières de l’Etat, et la flûte la Salmonde, armée en guerre.

 

Dans la nuit du 24 mars, Jervis se décida à remonter le chenal du Four pour attaquer le convoi français, mais un fort courant défavorable et un mauvais temps menaçant, le contraignirent à faire demi-tour. Affronté à des vents d’ouest violents, le commandant du Magnificent essaya de contourner les roches extérieures des Pierres Noires (trying to get round the outermost of the Black Stones), mais son navire heurta un récif non mentionnée sur sa carte. Le vaisseau naufragea en peu de temps.

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BHC0534, Loss of the Magnificent, 25 mars 1804. National Maritime Museum. Greenwich.

Oeuvre de John Christian Schetky.

 

Selon un rapport anglais, des embarcations de l’escadre britannique se précipitèrent aussitôt au secours du Magnificent et les 600 hommes du bord furent tous sauvés, les malades et les estropiés en premier, puis les marins et les officiers et enfin, comme il convient dans les naufrages, le capitaine William H. Jervis, dont on rapporte qu’il a perdu 1 500 livres sterling dans l’accident. (Convoqué plus tard devant la cour martiale de l’Amirauté britannique, il ne reçut aucun blâme).

 

La version française diffère.

Dans un courrier adressé au sous-préfet à Brest, au préfet à Quimper et au préfet maritime à l’Amirauté, le maire du Conquet écrit le 5 germinal an XII, « l’un des vaisseaux ennemis fit hier, environ neuf heures du matin naufrage sur des rochers à deux lieues de notre port, par des vents d’ouest devenus forts. Tout l’équipage ne put se rendre à bord des autres vaisseaux, de façon à ce qu’une partie fut obligée de se réfugier à la dite île de Béniguet, distante d’une lieue du Conquet.

Les autorités civiles et militaires ayant eu connaissance de leur refuge, le commandant du Conquet envoya une dépêche à Brest pour avoir des ordres afin de se rendre sur la dite île.

Le général major étant arrivé ce matin, il a de suite fait passer de la troupe  qui a fait soixante-neuf anglais prisonniers, qui ont été amenés au Conquet.

Les bâtiments du convoi qui étaient ici en relâche ont pu par cet embarras de l’ennemi, les vents étant devenus favorables, se rendre à Brest. Ils étaient chargés de grains et de bois de construction ».

Et le maire en profite pour réclamer une fois de plus une digue pour la protection du port du Conquet.

 

Il semblerait que tous les marins naufragés anglais n’ont pas été capturés par cette expédition militaire, puisque le 15 germinal, soit une douzaine de jours plus tard, le préposé à l’Inscription Maritime, Bienaimé Labbé de Blanchard organise avec cinq marins une descente à Béniguet où il fait prisonniers 16 marins rescapés d’un vaisseau anglais naufragé. Ce dernier ne peut être que le Magnificent. Pour leur action, Labbé et ses hommes ont reçu du gouvernement une gratification de 125 francs.

 

On peut quand même s'étonner que ce drame n'ait occasionné aucune victime. Mais si cela fut, tant mieux.

 

Sources: National Maritime Museum Greenwich UK,    http://www.nmm.ac.uk/collections

                  Archives Municipales, Le Conquet.

 

                                                                                  JPC Avril 2011.

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commentaires

V
<br /> Toujours passionnantes ces histoires, merci du partage.<br /> <br /> <br />
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