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25 mai 2009 1 25 /05 /mai /2009 18:37

L’église de Lochrist, trêve de la paroisse de Plougonvelin.

 

Le village d’origine s’étant installé sur une hauteur en retrait de la côte, c’est tout naturellement qu’on y trouva au XIe ou XIIe siècle la première église, dédiée à la « Sainte-Croix ». Bâtiment sommaire puis reconstruit moult fois, l’origine de celui qui nous intéresse ne m’est connu que par une mention dans un registre d’état-civil. (Voir aussi article sur Lochrist)


« L'édifice dont la construction a commencé vers l'an 1500, deux cents ans plus tard, ne possède toujours pas de flèche de clocher, faute d’argent. »

 


Ajout de la flèche :

 

Le monument est achevé grâce à une généreuse donatrice et au concours bénévole de certains paroissiens : l'évènement est rapporté par le recteur de l'époque dans le registre de l'état-civil de 1727 : "La même année que dessus, a été finie la tour de l'église de Lochrist qui était imparfaite, puisqu'elle était élevée seulement jusqu'à la première chambre, et est demeurée dans cet état plus de deux cents ans, et elle a été rendue dans l'état où elle est à présent sans qu'il n'en ait rien coûté à la fabrique de Lochrist,  ni aux habitants du Conquet.

Les tréviens de la campagne, plus zélés, ont fait le charroi gratis et cela par les soins du recteur qui régnait en ce temps et les deniers d'une personne dévote qui mérite qu'on prie pour le repos de son âme.

                                 Resquescat in pace"

 


Dessin de Le Guennec, d'après Lesage, vers 1848


eglise-loch-guennec.jpg

Sépulture de Dom Michel Le Nobletz :

 

Après sa mort le 5 mai 1652 au Conquet,le corps de  Dom Michel Le Nobletz, exposé un temps dans la chapelle Saint-Chrisophe,  fut inhumé dans l’enfeu de la famille du Halgouët, en l’église de Lochrist.  Le 25 juin 1701, en présence de monseigneur Le Neboux de La Brosse, évêque et comte de Léon, ses restes furent transférés dans un tombeau en marbre situé dans le chœur.  En 1750, Caffieri sculpta la statue en pierre blanche du missionnaire agenouillé en prière, placée sur le tombeau.

Le tombeau de Dom Michel Le Nobletz dans l'église du Conquet a été classé "monument historique" par arrêté du Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts  du 10 novembre 1906.

Confrérie du Rosaire : Archives de Léon, B1686, document disparu.
Aveu fourni par Paul Siviniant et Tanguy Le Drast, marguilliers de l'église de Lochrist, au nom de la dite église de la Confrérie du Rosaire qui y est érigée et du général de la paroisse de Plougonvelin pour les maisons presbytérales de Lochrist et de Plougonvelin, les halles et étaux situés à Lochrist et diverses terres.

L'organisation de la trêve :

 

Elle a à sa tête le recteur, assisté de plusieurs prêtres, elle est administrée par le « général de paroisse », composé du recteur et de plusieurs laïcs.

 

Pour donner un exemple, en 1763 le « général de la trêve de Lochrist-Le Conquet » se compose de :

Guillaume Carquet,    recteur                  
René François Le Verge, marguillier               

Maître Noël François Le Gléau,  procureur fiscal de St Mathieu

 Laurent Créac'h, Marc Du Bosq, Francois Provost, Joseph Lamour, Guillaume Siviniant, Corentin Lannuzel, Pierre Floc'h, Jacques Podeur, Guillaume Le Scao, François Menguy,   membres, tous anciens marguilliers ou syndics.

(Syndic: il désigne le représentant de la communauté, élu pour un an, chargé de défendre les intérêts de ses concitoyens auprès du seigneur suzerain. Le marguillier est lui aussi élu pour un an, il est chargé de la gestion financière et de la défense des intérêts de l'église.)

 

Les marguilliers sont au Conquet généralement des bourgeois, gens de mer. Si par exemple on regarde la liste des marguilliers de 1755 à 1763:

     1755...  François Provost

     1756...  Michel Helcun

     1757... Yves Masson

     1758... Yves Le Hir

     1759... Hervé Morain

     1760... Joseph Lamour

     1761... Pas de candidat (temps de guerre)

     1762... Pas de candidat (temps de guerre)

     1763... René François Le Verge

Tous sont capitaines de commerce, ayant des parts dans des barques.

 

Les réunions du conseil de paroisse se tiennent le dimanche matin après la grand-messe, dans une salle au-dessus de la sacristie. Le registre des délibérations se trouve dans un coffre fermé par trois serrures : le recteur a une clé, le marguillier une autre et l'un des membres du conseil la troisième.

 

On peut préciser que si en période calme la fonction de marguillier ou de syndic est acceptée comme un honneur pour celui qui est élu, en période troublée (en particulier occupation du Conquet par des troupes en temps de guerre), la charge est fuie par tous comme génératrice d'innombrables soucis. Pendant la guerre de 7 ans, (1756-1763), en janvier 1762, Philibert Le Hir, bourgeois et armateur, élu à son insu, syndic du Conquet s'est retrouvé emprisonné dans le colombier de Sainte-Barbe, par ordre de monsieur de Woarem, brigadier des armées du Roi, commandant au Conquet, pour n'avoir pas fourni les chevaux nécessaires à monsieur de Serrou, officier au corps royal d'artillerie au  Conquet.

 

Les prêtres :

 

Les différents prêtres de la paroisse, tirent une partie de leurs revenus de fondations faites par des particuliers à l’église. Pour exemple :

Nomination d’un prêtre à Lochrist :

Le 24 mars 1730, comparaît maître Jean François Fyot , sous-diacre, demeurant au Conquet, lequel nous a exposé que le jour-même, noble et discret messire Guillaume Carquet, recteur de Lochrist, discret messire Hervé Le Bris, prêtre curé de Lochrist, messire Jean Baptiste du Mescam, prêtre de Lochrist, et les sieurs Yves Cleirec, Allain François Provôt, François Le Bars, Ollivier Prigent, François Ollivier, Corentin Lannuzel et Barthelemy Ely, tous habitants et composant la « maire-voye » et corps politique de la dite trêve de Lochrist, lui ont accordé par délibération du dit jour, pour lui servir de titre clérical, les revenus de 9 livres de rente à prendre annuellement sur la fondation de 60 livres de rente annuelle léguée par fond d’héritage à l’église de Lochrist par demoiselle Marie Anne Mareau le 23 mars 1720. A charge de dire ou de faire dire pendant sa vie durant, chaque année, à l’autel marqué par la dite fondation, 6 messes à chant.

Pour la prise de possession, il est entré dans l’église,  a pris de l’eau bénite, et a adoré le Saint-Sacrement de l’autel.

 

Epoque de la Révolution, interdiction du culte, prêtres réfractaires et assermentés :

 

A l’époque de la Révolution, l’église est fermée au culte, et utilisée un temps comme atelier salpêtrier, étape dans la production de poudre à canon. Je traiterai une autre fois de l’exercice du culte au Conquet sous la Révolution et l’Empire).

 

Le transfert de l’église au Conquet :

 

L’édifice se dégrade. Au milieu du XIXe siècle son état est tel qu’il faut décider, ou bien le détruire et le reconstruire sur place ou bien le transférer au centre de la population agglomérée la plus nombreuse, c’est-à-dire en ville du Conquet.

 

Dilemme qui va pendant de longues années agiter les séances du conseil municipal. La municipalité du Conquet est traditionnellement coupée en deux, et cela était vrai aussi sous l'ancien régime. Il y a ceux de la campagne pour qui Lochrist est le lieu de ralliement, et ceux de la ville pour qui devoir faire les deux kilomètres qui séparent l'église du  centre du Conquet, est un pensum.

 

Si l'église est trop dégradée, excellente occasion pensent le maire Jean Marie Le Guerrannic (fils) et cinq de ses conseillers pour en faire construire une neuve en ville. Les sept conseillers « paysans » y sont farouchement opposés. En novembre 1850, la crise atteint son paroxysme, le maire et ses partisans démissionnent, puis reprennent leurs fonctions, pour défendre avec encore plus d'acharnement leur position.

1851: Les héritiers de mademoiselle Lannuzel de Kerraret offrent un terrain au-dessus du port pour y construire une église, à condition que les travaux  soient engagés avant le 1er mars 1853. Aucun accord municipal n'étant survenu, le legs s'est trouvé annulé, la date limite dépassée.

 

Enfin, le 4 avril 1855, à la faveur ou la défaveur de démissions, le vote du conseil à 6 voix contre 5 impose la construction d'une nouvelle église ... en ville.

Les intéressés voudraient une église pouvant accueillir 1 200 fidèles, pour un coût de construction inférieur à 70 000 francs. Ce qui est impossible de l'avis de l'architecte du département Jugelet.

 

 

Alors se met en place un scénario semble-t-il mûri d'avance : Le Guerrannic, maire du Conquet, marchand de vins et armateur, se propose de vendre pour 5 000 F, à Tissier directeur de l'usine d'iode, le 14 juillet 1855, un terrain en ville du Conquet ce qui est fait le 20 du même mois, par acte établi devant maître Le Roy, notaire au Conquet. Par un autre acte notarié, le même jour, en présence de Michel Patrice Marchand, lieutenant de vaisseau en retraite, et Félix Penfrat syndic des gens de mer,  Tissier offre à la ville du Conquet représentée par l'adjoint-maire François Marie Podeur, le terrain en question pour y construire une église. Le terrain a quarante mètre trente cinq d'ouverture sur la rue Poncelin, et il est mitoyen au nord avec celui de madame Le Coat de Saint-Renan.
Depuis ce jour et à perpétuité, la famille Tissier est titulaire de quatre places réservées dans l'église du Conquet.


 

La construction de l’église : le 25 septembre ,  Jézéquel, menuisier-entrepreneur au Conquet est adjudicataire des travaux. Aussitôt l'église de Lochrist lui est livrée pour démolition et on l'advise qu'il pourra disposer de la chapelle Saint-Christophe pour la démonter le 1er février 1856.

Le 29 janvier 1856, en présence du recteur Le Gloaguen, pose de la première pierre. Le plan du bâtiment a été dressé par l'architecte du département, monsieur Bigot, il est de "style ogival", dans le genre de celui de Landéda récemment achevé.

Les charrois sont faits gratuitement par des paysans ou par des particuliers disposant d'attelages, aidés par des paroissiens bénévoles. Les pierres proviennent de la démolition de l'église de Lochrist, de la chapelle Saint-Christophe et de carrières ouvertes aux Blancs-Sablons et à Laberildut.

Pendant les travaux qui durent 2 ans, la messe est dite dans les chais à vins de Le Guerrrannic, mis à la disposition du clergé et des fidèles.

 

Le coût des travaux s'est élevé à  62 380 Francs,  ainsi financés :

 Souscription populaire       31 932  F

 Fonds de la fabrique           4 000 F

 Secours départemental        3 000 F

 Emprunt                            15 000 F

Complément de l'Etat           8 448 F

 

Cette facture ne tient pas compte du mobilier. Le nouvel édifice, ouvert au culte en 1858,  a reçu deux tableaux : l'un "Assomption de la Vierge" par monsieur Paris Persenet, don du ministère de l'Intérieur, et l'autre "Adoration des bergers" offert par le ministre de l'Instruction Publique et des Cultes.

 

Consécration de l’église du Conquet, translation des restes de Dom Michel Le Nobletz.


Le marché du Conquet se tient "historiquement" tous les mardis. Mais à circonstance exceptionnelle, décision exceptionnelle : en raison de la consécration de l'église le 20 avril 1858, le marché a été décalé au 21.
 

Compte rendu de Jean Marie Le Guerrannic, maire du Conquet...

 

Nous, maire de la commune du Conquet, Finistère....Rapportons que pour consacrer notre église paroissiale, monseigneur Sergent, évêque de Quimper et de Léon était attendu le 19 avril, veille de cette fête brillante et, dès le matin les autorités du Conquet et les "étrangers de destination qui s'y trouvaient" (sic), ont été convoqués pour aller au premier son de cloches recevoir monseigneur l'évêque à son arrivée au Conquet.

Vers trois heures de l'après-midi, Monseigneur fut annoncé. Aussitôt le cortège réuni accompagna le dais, la croix, les bannières et le clergé jusqu'à l'entrée de la ville où le prélat venait de mettre pied à terre. Monsieur Gloaguen, recteur du Conquet, lui adressa une allocution touchante et après une de ces réponses improvisées et pénétrantes de monseigneur, il fut conduit processionnellement à la chapelle où reposaient les restes de Michel Le Nobletz. Monseigneur y pria quelques temps au pied du cercueil et, après avoir donné sa bénédiction, annonça la consécration pour le lendemain.

Puis la procession, musique en tête comme au moment de son arrivée, l'accompagna au presbytère où il reçut aussitôt toutes les autorités locales.

Le mardi 20 avril, la cérémonie protégée par un temps magnifique, commençait à 7 heures 1/2.

Un clergé composé de plus de cinquante prêtres entourait Monseigneur. Le curé archiprêtre de Châteaulin, malgré la distance, s'était joint aux curés de Brest, Saint-Renan, Ploudalmézeau, Ouessant, Plouguerneau etc..

Monseigneur (?), protonotaire apostolique, monsieur Evrard, chanoine secrétaire de l'évêché et monsieur l'abbé Téphany, pro-secrétaire assistaient le pontife consécrateur.

Monsieur le sous-préfet de Brest, le directeur des Douanes, le consul et le vice-consul anglais, monsieur Mével, membre du conseil général, monsieur Miorcec de Kerdanet, secrétaire de la commission nommée pour l'exhumation et la reconnaissance des restes de Michel Le Nobletz, monsieur Bigot, architecte du département, et monsieur L'Ermite de Saint Gonvel, accompagnaient le maire et les autorités du Conquet.

Tout le peuple s'était réuni devant l'église. La Douane et la Gendarmerie étaient sous les armes ayant à leur tête le capitaine et le lieutenant de Bertheaume. Les cérémonies préliminaires une fois terminées, tout le monde entra dans l'église. La musique se fit entendre et pendant un intervalle de suspension du chant religieux, un morceau d'ensemble fut exécuté à la tribune. Monseigneur fit alors la consécration du grand autel (la pierre d’autel est un don de François Tissier, elle porte une dédicace en bas à droite en regardant la nef)  et des douze croix, de murs et des piliers, puis la messe commença. Le pontife officiait et pendant la messe basse, les chants les plus harmonieux se firent entendre. Après le Domine Salvum, monsieur le curé de Brest est monté en chaire, puis la messe terminée, un Te Deum a complété l'auguste cérémonie. A une heure de l'après-midi, monsieur le recteur Gloaguen a réuni à un banquet dans le vaste local de l'église provisoire abandonnée, les 110 personnes qu'il avait invitées à l'honneur de dîner avec Monseigneur l'évêque. Pendant ce temps, le bateau à vapeur et les voitures publiques et particulières avaient répandu dans la ville une foule immense d'étrangers.

A trois heures, le nombreux clergé, le cortège des autorités et la population entière suivirent processionnellement Monseigneur jusqu'au lieu d'où devait partir le corps de Michel Le Nobletz, pour être transféré à l'église.

Des prêtres portaient le cercueil et se renouvelaient de distance en distance, les coins du poêle étaient tenus par messieurs les curés de St Renan, de Ploudalmezeau, d'Ouessant et par monsieur Yven, ancien curé de Plogoff. Le cercueil arrivé à l'église fut déposé entre la chaire et le monument. Quelques instants après, le curé de la paroisse natale du grand missionnaire, monsieur Rivoalen, monta en chaire. L'évêque monta après lui et son allocution terminée, il a fait l'absoute. On a enlevé les cachets qui scellaient la bière, la chape a été découverte, et on a pu voir les traits de Michel Le Nobletz qui étaient exactement reproduits par l'enveloppe de plomb qui contenait ses ossements. Puis le corps a été déposé dans le monument et la cérémonie religieuse s'est ainsi terminée. La musique avant de se séparer est allée donner une sérénade à monsieur le sous-préfet, à monsieur l'évêque et au maire.

Le lendemain, il restait deux autels à consacrer et une dernière solennité devait servir de complément à la fête religieuse. Cette consécration a eu lieu avec les mêmes cérémonies, Monseigneur (?) prélat apostolique et monsieur Mercier, curé de Saint-Louis de Brest ont eu les prémices des deux autels, en y célébrant aussitôt et en même temps le sacrifice de la messe. Puis Monseigneur l'évêque s'est disposé à donner la Confirmation aux personnes qui s'éaient préparées à recevoir ce sacrement et qui ont eu la communion de sa main, à la fin de la messe épiscopale.

Durant ces trois jours les édifices et les maisons particulières étaient pavoisés. Le mardi, jour de la consécration, le navire de l'Etat Le Capelan fut envoyé par ordre de l'amiral préfet maritime, en rade du Conquet. Par une salve il salua l'ouverture de la fête et en même temps on le vit se couvrir de pavillons des formes et des couleurs les plus variées.

Enfin, le soir du même jour, il y eut dans la ville de brillantes illuminations. Ainsi s'est terminée cette fête brillante qui laissera dans les coeurs des impressions ineffaçables.

       Au Conquet le 25 avril 1858

                                                         Le maire : Jean Marie Le Guerrannic.


Un don à l'église :
Par legs testamentaire du 9 mars 1869, Rose Félicité Lombard donne 2 000 francs à l'église du Conquet, à charge qu'il y soient célébrées douze messes par an à perpétuité.

 
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L'église du Conquet, par Maurice Utrillo.
Musée de Sannois.










Un inventaire difficile 1903-1906

L’église au début de ce siècle allait vivre des années lourdes de menaces. Sans doute ces années-là, la paroisse étant dans l’aisance avait-il été question de la doter d’un "Suisse" qui relèverait encore le faste des offices. Sans doute, pour la première fois avait eu lieu le 15 mars 1903, la bénédiction de la mer, cérémonie émouvante, mais la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, allait brusquement rompre les rapports de bon voisinage entre autorités civiles et religieuses. En arriverait-on à fermer les églises ?

En 1905, le maire avait voulu dresser l’inventaire de l’église du Conquet, on l’en empêcha. Il fut ensuite prévu pour le 14 mars 1906 à 9 heures, mais dès l’aube, femmes et enfants avaient pris place dans l’église qui fut refermée ensuite, les hommes entourant le recteur resté à l’extérieur pour attendre l’agent des Domaines qui fut contraint de s’en retourner sans avoir pu pénétrer à l’intérieur. Le lendemain mais par surprise, il fut plus heureux et mena tant bien que mal son inventaire. Malgré cette situation tendue, la messe de minuit de l’année 1906, la seule de la région sera célébrée avec une ferveur inaccoutumée. (Notes Le Boité, secrétaire de mairie).

*Suisse : employé d'église en grand uniforme, chargé d'organiser les cortèges et de veiller au bon déroulement des cérémonies.
 

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A propos des cloches :

 

La plus grosse est aussi la plus âgée, elle a été faite à Brest en septembre 1831 pour l’église de Lochrist, la moyenne et cadette a vu le jour en 1868, la benjamine est jeunette encore puisqu’elle a été baptisée le 15 juillet 1888, c’est sans doute cette cloche qui remplaça celle qui vit le jour au lendemain de la Révolution dans les circonstances suivantes. Le premier messidor an 12, le maire du Conquet écrivait à Caffarelli, préfet maritime à Brest sous le Consulat et l’Empire, pour l’informer que l’une des cloches fondue en 1699 « Jeanne Françoise », était actuellement fêlée et ne pouvait plus appeler les habitants aux armes en cas de débarquement de l’ennemi.

Une cloche neuve est donc fondue et le 17 thermidor an 12 : «  nous, maire de la commune du Conquet, rapportons avoir fait fondre à Brest une cloche pesant 1 285 livres pour servir à la desserte du culte catholique de l’église succursale de cette commune, et a été ce jour bénite par monsieur Poullaouec, curé de Saint Renan et a été de suite mise en place en la tour de l’église dite de Lochrist. Que cette cloche a été d’après une pétition par nous adressée à monsieur Joseph Caffarelli, préfet maritime à Brest, grand officier de la Légion d’Honneur, fondue par le citoyen Beurriée aux dépends de l’Etat, payée en matières délivrées au dit Beurriée par la bienveillance du dit Caffarelli et ce attendu qu’en cas de tentative de descente de l’ennemi ou d’incendie, la dite cloche doit servir pour assembler le peuple qui portera des forces de secours, qu’elle est enfin, une propriété communale.

 

Dans le clocher (1991) :

Cloche côté port :

Faite à Brest en septembre 1831,

Parrain Jean Marie Le Guerrannic, maire

Marraine madame Angelique Marie Jeanne Renée Provost, veuve Pitot (maire).

Monsieur François Tuviser, Recteur

Monsieur  Robert Marie Mazé, trésorier

Faite par Alphonse Viel à Brest

Cloche côté opposé :

En l’honneur de Saint Joseph j’ai été faite pour la paroisse du Conquet en 1868, mon parrain a été monsieur Dominique Masson, ma marraine madame Anne Massé

Monsieur Charles Gras, recteur

Monsieur Alexis Tanniou, trésorier

Faite à Brest par Briens aîné, fondeur.

Il existe au-dessus ce ces deux là, une troisième cloche plus petite.

 

1933 : installation des vitraux, (voir article Micheau-Vernez)  relatant la vie de Dom Michel (Recteur l’abbé Le Chat)

 

Le temps de la guerre 1939-45 :

egl-silh-44.jpg

 

Flèche détériorée, toit crevé.





































Le 8 mai 1941, un obus éclate dans la cour de la maison Raguénès, le vitrail de Dom Michel est criblé d’éclats.

1er septembre 1944, un obus frappe le transept, un autre la nef, le troisième endommage le vitrail du chœur.

Dans les jours suivants, le toit de l’église est crevé, le clocher très abîmé. Dans la joie de la Libération, il restait à panser de terribles blessures. Quelques jours plus tard, la flèche qui menaçait ruine est abattue à la hâte. Trop rapidement, puisqu’une pierre tomba, passa à travers le toit et alla briser les fonds baptismaux en marbre rose des Pyrénées.


 egl-ss-clocher-neige.jpg


Eglise du Conquet, photo prise sans doute, vu la neige exceptionnelle, le 1er mai 1949.















Février 1955 : le vitrail du chœur, représentant la passion du Christ,  est remis en place après avoir été restauré.

La flèche du clocher est reconstruite d’avril à septembre 1955. On a profité des travaux pour électrifier les cloches.

 

Les transformations :

 

Déplacement du tombeau de Dom Michel Le Nobletz (mars-avril 1970)egl-sarcophage-de-dmichel.jpg

 

Rapport de monsieur Le Goaster, recteur :

 

Dans le projet initial, ce déplacement devait s'opérer en même temps qu'on installait l'autel face au peuple (autel des Trépassés), c'est-à-dire en mars 1969. En réalité, la mission paroissiale obligea les ouvriers à scinder  les travaux en deux. Ce n'est que le mardi 31 mars à 18h30 que monsieur Jean Louis Kerguiduff, artisan marbrier à Taulé, me téléphona que ses ouvriers devaient arriver le lendemain. Je n'eus que le temps d'avertir monsieur le maire du Conquet qui ne jugea pas bon d'entrer en relation avec les Beaux-Arts comme prévu, (le tombeau et la statue étant monuments historiques), et avec l'évêché en la personne de monsieur Théodore Gélébart, notaire de l'Officialité Diocésaine. Par ailleurs je pus communiquer avec Monsieur Pierre Kervennic, vicaire général. Toute confiance me fut accordée, moyennant rédaction d'un rapport à faire signer par les témoins.

Donc le mercredi 1er avril 1970, à 13h30, les ouvriers de l'entreprise Kerguiduff de Taulé, à savoir messieurs Jean Kerguiduff, Gilbert Kerguiduff et Jean Quéré, tous trois de Taulé, commencèrent leurs travaux.

L'enlèvement de la statue à l'aide d'un palan fut une opération délicate, mais menée à la perfection. A 16h la dalle supérieure (plus d'une tonne) fut descellée et déposée sur le sol. On découvrit alors  une excavation parfaitement régulière, au fond de laquelle reposait, la tête appuyée sur une traverse de bois, la châsse de plomb contenant les restes de Dom Michel.

 

La châsse sortie, les personnes présentes constatèrent qu'elle répondait exactement à la description faite dans le "Journal de la Paroisse", lors de la reconnaissance canonique des restes en 1902 (pages 10 et 11 : le recteur d'alors, monsieur Henri Le Bihan y écrit..."Je fis alors (après le travail des soudeurs), adapter à la châsse un long cordon rouge qui l'enveloppa de manière qu'aucune ouverture ou section ne puisse se produire, sans que la violation de la sépulture soit évidente, si elle s'opérait jamais, et, à chaque extrémité de ce cordon, j'ai fixé une capsule en étain au fond de laquelle j'ai imprimé sur de la cire rouge le sceau de monseigneur l'évêque de Quimper. De plus sur le plomb même de la châsse, j'ai marqué deux soudures du même cachet, l'un du côté droit sur l'épaule, l'autre du côté gauche, au-dessus du genou de ce cercueil à forme humaine..."

Le 1er avril, nous trouvâmes les cachets, et les capsules d'étain intacts, mais le cordon rouge était pourri.

 

Description de la châsse :

Je rappelle d'abord les vicissitudes de la dépouille mortelle de Dom Michel..... Mort en odeur de sainteté le 5 mai 1652, à l'âge de 75 ans, dans une petite maison devenue la sacristie de l'actuelle chapelle, Dom Michel fut inhumé à Lochrist. C'est en 1701, que monseigneur Pierre Le Neboux de la Brosse, évêque et comte de Léon, fit tirer les reste du cimetière pour les faire déposer en sa présence dans ce cercueil de plomb, qu'il fit ensuite poser sous un tombeau de marbre en l'église de Lochrist. En 1856, l'église fut démontée et pierre après pierre, reconstruite au Conquet. En 1858, le tombeau contenant la châsse de plomb encore intouchée depuis 1701, fut transféré en l'église du Conquet et fixé dans le prolongement du dernier pilier droit de la nef. En 1902, on procéda à l'enlèvement de la statue et de la dalle supérieure, et à la reconnaissance canonique des restes, dans le cadre du procès de béatification. Assèchement de l'intérieur de la châsse, remise dans le sarcophage des restes enveloppés de soie, remplissage du volume restant par du charbon de bois, soudure hermétique: toutes les phases de l'opération sont minutieusement décrites dans le "Journal Paroissial" et certainement dans les pièces jointes en 1902 au dossier de béatification. C'est cette châsse qui fut extraite du tombeau le 1er avril 1970.

Dimensions de l'intérieur du monument: longueur 1,43m, largeur 0,50m, hauteur 0;80m (du sol à la face inférieure de la plaque supérieure). La châsse est de plomb, de forme humaine, sans bras ni jambes, simulant un corps mort "enseveli à la manière des Juifs". La tête était tournée vers l'autel, le visage plus grand qu'un visage naturel ressemble à celui de la statue du monument. La longueur totale est de 1,45m, la largeur de 0,30m au ventre, et de 0,25m à l'extrémité inférieure. Le reste de la châsse entre ces deux extrémités étant un peu aplati et affaissé comme dans un corps mort.

Il est évident pour tous les témoins que la châsse depuis 1902, est restée inviolée. Etaient présents: monsieur l'abbé Charles Le Goaster, recteur,  monsieur Charles Minguy  maire, monsieur Laurent Auffret sacristain, monsieur Jean Kerguiduff marbrier, monsieur Gilbert Kerguiduff marbrier, monsieur Jean Quéré marbrier, tous trois de Taulé, monsieur Louis Jestin officier de police en retraite, correspondant  local du journal "Le Télégramme" et monsieur Prévost secrétaire de mairie, correspondant local du journal "Ouest-France".

Le premier avril 1970, à 20h, j'ai eu l'idée de demander aux deux quotidiens régionaux de faire paraître une annonce dans les éditions du 2, prévenant les Conquétois que le cercueil de Dom Michel serait exposé toute cette journée. Il est venu une foule considérable, du Conquet et d'ailleurs... flashes toute la journée.                                                                  

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Inhumation définitive ?

Le 3 avril, un vendredi à 9 heures, le cercueil réintégra son mausolée, à quelques mètres de l'emplacement précédent, dans l'ancienne chapelle dite "des Trépassés", en présence de monsieur L'abbé Charles Le Goaster, recteur, monsieur L'abbé Pierre Loaëc, curé doyen de Saint Renan, monsieur l'abbé Albert Villacroux, chanoine honoraire, recteur de Plougonvelin, monsieur Charles Minguy, maire du Conquet, monsieur Pierre Laurent, ingénieur général de l'E.D.F, monsieur Louis Jestin du "Télégramme", les trois marbriers et le sacristain.

Le mausolée est désormais scellé dans la direction nord-sud. Le cercueil fut transporté par messieurs Le Goaster, Loaëc et Villacroux prêtres, et par monsieur Minguy, maire. Il fut descendu à l'aide de deux cordelettes au fond de l'excavation, gisant sur deux traverses de bois, la tête au nord.

Le cordon rouge qui entourait le cercueil et unissait les capsules d'étain étant détruit, les sceaux de monseigneur Dubillard étant décollés, je ne jugeai pas utile de replacer ces objets dans le tombeau. Ils se trouvent dans le coffre-fort du presbytère.


(Détail de la tête du sarcophage, photo JPC)

 

Rapport rédigé par monsieur Le Goaster, recteur ;  en foi de quoi tous les témoins ont signé:

      À  Le Conquet, le 30 avril 1970.

 

A la fin des opérations, Charles Minguy ne put s’empêcher en matière de provocation, de claironner en face de mademoiselle Causeur, farouche admiratrice de Dom Michel, « E finita la comedia ! » (Vieille histoire Copy-Causeur).       

 

A propos des statues de la façade

La façade ouest de l'église est ornée de quelques statues intéressantes. Dans l'angle de gauche, un petit saint Yves, dont la tête semble avoir été refaite. Saint Yves était avocat, défenseur des pauvres et des causes difficiles.  Dans l'angle droit, une statue de sainte Barbe,portant sa tour,  sans doute du XVIe siècle, et provenant de la chapelle Sainte-Barbe, proche de la pointe du même nom. Au centre un Christ de pitié, ou Christ aux liens, attendant la mise en croix. De part et d'autre de la porte, une statue féminine non identifée. Ce personnage tient dans sa main une sorte d'écharpe. Un enfant agenouillé, peut-être un ange, à demi couvert par les plis de la robe, tient l'extrémité du large ruban. A droite de la porte, une très belle statue de saint Jean, l'Evangéliste, tenant un livre. A ses pieds, son attribut habituel, un aigle, et devant lui un encrier. Depuis deux ans environ, Jean est "sans tête". A la suite de travaux d'entretien, la tête qui menaçait de se détacher, a été déposée et se trouve dans un local de la mairie. Je pense que la dépense ne serait pas bien grande, pour rendre à saint Jean cet élément essentiel de sa personnalité. D'autant plus que dans l'histoire sainte, c'est saint Jean Baptiste qui a eu la tête tranchée et non pas l'Evangeliste.



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                                  Saint Yves 

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                              Statue  féminine non identifée























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       Saint Jean (avec sa jolie tête bouclée)

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La statue de saint Jean aujourd'hui sans tête.( Restaurée courant 2010)


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                                       Sainte Barbe avec sa tour


                                                                  


                                                                                                             



FIN PROVISOIRE DE REDACTION / JPC

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19 mai 2009 2 19 /05 /mai /2009 18:03
CORSAIRES AU CONQUET SOUS LA REVOLUTION ET L'EMPIRE. (Sujet de ma contribution pour le salon "La mer en livres", au Conquet le 2 mai 2009 - JPC)


Généralités - définitions

Les erreurs ordinaires :

 

L’archiviste de la ville de Nantes De la Nicollière-Tejeiro, dans un livre sur la course et les corsaires, du port de Nantes, déplorait à la fin du XIXe, que même dans les ports de mer, on confonde les termes corsaires, pirates, flibustiers, forbans, voleurs, bandits, brigands. Chacun se représentait un équipage de corsaire comme composé du rebut des marins, formé de gens de sac et de corde, commandé par des chefs dignes en tout, de semblables sacripants.

 

C’est ainsi que parfois et à tort, un navire corsaire est représenté avec le pavillon à tête de mort flottant au grand-mât.

 

-Des chansons dites « de marins » reproduisent l’erreur, en proclamant qu’un « corsaire c’est toujours un pendu »

 

 La complainte du corsaire  par exemple, dont le refrain est :

 

Où es-tu camarade, où es-tu ?

En prison et le ciel par-dessus

Que fais-tu camarade que fais-tu ?

Un corsaire c’est toujours un pendu !

 

Ou bien Quinze Marins :

 

C’est Bill le second du corsaire

Le capitaine Flint en colère

Est revenu du royaume des morts

Pour hanter la cache au trésor

Tous nous finirons par danser la gigue

La corde au cou au quai des pendus

Toi John Forrest et toi John Merrick

Si près du gibet que j’en ai le cou tordu

 

 

 

Les conditions de la course :

Au contraire du pirate qui choisit ses proies à sa guise en temps de paix, comme en temps de guerre, et en garde tout le profit pour lui et ses complices, le corsaire exerce une activité, la course, extrêmement réglementée et surveillée, cadrée par la grande ordonnance de Colbert sur la Marine.

 

1/   Il faut être en temps de guerre : le corsaire ne peut s’attaquer qu’aux navires sous le pavillon d’un état qui est en conflit déclaré avec la France. Tout au plus, peut-il contrôler des  « neutres », susceptibles de transporter des marchandises prohibées, au profit d’un état ennemi.

 

2/  Il faut avoir une autorisation royale, (nationale ou d’empire) : c’est la Lettre de Marque)

 

3/ Ce sont des particuliers qui arment des bateaux pour courir contre les ennemis de la France. Les armateurs de navires corsaires sont des bourgeois ou négociants qui, investissant de fortes sommes d’argent, essaient de les rentabiliser au plus vite.

 

4/ Le navire a un rôle d’équipage en bonne et due forme. Les capitaines et marins sont issus des équipages de navires marchands inactifs pour cause de guerre. Le navire et ses marins doivent posséder les documents conformes aux règlements de la marine en général et de la course en particulier.

 

5/ Les capitaines et équipages ne sont pas des marins appointés par le gouvernement mais par l’armateur, selon un système de parts établi avant le départ en mer.

 

6/ Si des navires sont capturés :

     - ils seront conduits dans des ports français par des capitaines porteurs d’un document qui  les y autorise

    - la validation et la vente des prises sera faite selon la réglementation en cours

 

 

Au cours des quatre guerres du XVIIIe siècle, des Conquétois ont pratiqué la course.

 

Guerre de succession d’Espagne  1700-1714 

       -    Tanguy Ferret, la « Jeanne Volante »

 

Guerre de succession d’Autriche   1744-1748

-          Yves Le Hir, le « Victorieux »

-          Claude Briant, l’ « Inconstant »

 

Guerre de sept ans 1756-1763

-          Joseph Lamour, la « Sourie »

-          Hervé Morain, le « Capriolet »

 

Guerre de Sécession des Etats-Unis d’Amérique, 1778-1783

-          Le Hir-Quéréon, lougre le « Brillant »

-          Gigaud-Durocher, le « Lévrier »

 

Plan de l’exposé :

 

Pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire : je vais aborder successivement :

 

•         - Des Conquétois sur des navires corsaires de Brest

 

•         - Armement de navires corsaires de divers ports au Conquet

 

•         - Armement de corsaires conquétois au Conquet (Joseph Labbé)

 

•         - Entrées de prises au Conquet, validations, ventes

 

•         - Les prisons anglaises (pontons)

 

•         - La fin de la course avec la chute de l’Empire

 

Des Conquétois sur des navires corsaires de Brest :

 

Des maîtres de barques et des marins conquétois embarquent sur des navires corsaires brestois

 Exemple, an V, an VI (1796-97) sur le : Lazare-Hoche » ex « Poisson Volant », lougre de 40 tx, à deux ponts et un gaillard, armé de 8 canons, puis de 18 canons de 4,  appartenant à Jean Larraut et fils de Brest :

Le capitaine est François Le Bozec, originaire de Paimpol mais résidant au Conquet, 40 ans, (12 parts), le second est Michel Provost,(10 parts), l’un des capitaines de prise est Hervé Morain*.  Jean René Querné de Penzer y est maître d’équipage. Un équipage qui totalise de 80 à 95 hommes.

 

Le Lazare-Hoche effectue cinq croisières, on lui connaît une dizaine de prises : Léonard, Marie (capitaine de prise, Morain), Senora dona ChanasPeggy ou Sally (capitaine de prise, Morain), Favorite, Ohio, La Catherine, LExperiment.

François Marie Joseph Provost aussi du Conquet est embarqué sur ce lougre comme capitaine de prise en thermidor an V

 

Dernière campagne : prises Kingston et Helene :


cor-lougre-ozanne.jpg 


Un lougre, dessin d'Ozanne. Bateau rapide, adapté à la "course"  pour poursuivre ses proies, ou pour fuir un ennemi menaçant.























L’armateur Larraut doit être satisfait des succès de son lougre et de son état-major, puisque associé à Degray, il confie à François Le Bozec et à son second Michel Provost le Faune, un beau navire de 400 tx, sans doute un brick, avec un équipage de 170 hommes. Le Faune fera au moins deux prises : Elizabeth et Happy Return.

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Brick de guerre, dessin de Baugean


















Je peux signaler aussi qu'en l'an VI,  Noël Le Verge (34 ans) du Conquet est second sur le Sans-Souci, corsaire de Brest, 18 tonneaux, armé de 4 pierriers et d'un obusier, appartenant à la citoyenne Bertrand-Keranguen et consorts, commandé par A. Charles Daniel de Port Liberté, le 1er lieutenant est un autre conquétois, Jean Marie Morain*. L'équipage total est de 34 hommes. L'année suivante Jean Marie Morain est sur le "cutter" La Vengeance.

*Le nom de famille Morain au Conquet s'écrit aussi bien Morin.

 


Armement de corsaires de divers ports au Conquet :
 

 

L’intérêt pratique du Conquet pour y faire l’armement d’un navire en temps de guerre n’est pas évident, sauf à être plus proche de la haute mer que le port de Brest, réduit alors aux rives de la Penfeld, et très encombré par les armées navales.

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Entre cette carte dressée par Lallement au XVIIe, et Le Conquet du début XIXe rien n'a changé dans le port.

Le Conquet ne dispose pas alors de quai ou de cales, les navires qui remontent dans l’aber jusqu’au Croaé et à Poulconq, y sont à sec à l’échouage. Au Croaé, ils peuvent bénéficier de l’aide des charpentiers du chantier naval. Pour les documents administratifs, marine et douanes y ont leurs bureaux, dont les personnels sont alors réputés moins regardants que leurs hiérarchies brestoises.

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Petit tableau du musée de Morlaix, un chasse-marée au mouillage devant le Drellac'h. L'équipage est sous la "tente". Sur rade un brick-goélette appareille.
(Anonyme, probablement début XIXe).






On note au hasard des documents, quelques uns de ces corsaires de passage pour les travaux nécessaires avant la sortie à la mer et les formalités administratives

 

•         Cotre Neptune, de Brest, 4 messidor an V, 95 tonneaux, 14 canons, armateur le citoyen Grenouillau, capitaine JJ Travers de Cherbourg domicilié à Brest.

 

•         Le Bouillon, de Port-Malo, 29 germinal an V, 40 tonneaux

 

•         L’Arlequin, de Brest, 28 germinal an VIII, 20 tonneaux vient terminer son armement au Conquet. Il est possible que ce navire soit le corsaire anglais Arlequin, échoué avec bris sur Trielen dans la nuit du 25 au 26 prairial an VI, déséchoué par des bateaux de l'île, puis ramené au Conquet à la rame par Nicolas Féas et un équipage molénais. La garnison de l'île ayant fait 7 prisonniers anglais, conduits sous escorte au Conquet. L'Arlequin a été béquillé et échoué au Croaé pour réparations puis préhendé par la Marine.

 

•         Le Vautour, cotre, armateur Pesron fils de Brest,  12 ventôse an VIII, 30 tonneaux. Son artillerie se compose de  2 canons, 2 obusiers, 4 espingoles, 45 fusils, 18 pistolets, 20 sabres, 11 coutelas, le capitaine en est  Jean Marie Marchand de Brest

 

•         Le Petit Pirate, armateur Cooper de Morlaix En nivôse an 9, Jean Marie Lamour, du Conquet, lieutenant à bord, s’occupe des préparatifs.  Le capitaine étant Anselme Septan de Brest.  On sait que le corsaire a pris l’Apollon et qu’il a été attaqué avec sa prise, devant Paimpol, par 6 péniches anglaises le 14 germinal an 9. Un nommé Thiébot a été tué dans l’engagement. Le Petit Pirate s'en sort et rentre à Paimpol le 22 germinal. Le corsaire aurait précédemment pris aux Anglais l' Elizabeth O'hara.

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Chasse-Marée, dictionnaire de Willaumez
















•         Le 6 frimaire an XI un courrier du maire mentionne le Messager :

Le préfet a consenti  que le sieur Pesron fasse au Conquet l’armement de son corsaire  le  Messager, chasse-marée de Brest, artillerie :  6 canons de 4,  équipage 40 hommes. Valeur présumée du bâtiment armé 40 000 francs.

 

-1ère caution* Joseph Marie Provost (3 700 francs)

-Lettre de marque 649

-6 lettres de conducteurs de prises

-6 traites de rançons avec un exemplaire de l’arrêté du 2 prairial an II sur les armements

 en course.

 

Une note sur un document précise : navire à surveiller, a déjà eu des problèmes (sans détails)

 

Le Messager a été pris sur rade de Ouessant pendant la nuit du 28 au 29 thermidor an XI par 5 péniches** anglaises, le capitaine Jean Baptiste Mauvoisin de Rochefort étant

à terre.


*La caution est une "provision de garantie" pour le cas où le capitaine d'un navire corsaire s'empare d'un navire non validé par le conseil des prises. La caution sert à dédommager l'armateur du navire capturé à tort,  des ennuis qui lui ont été causés et des avaries que son bateau a pu subir.

 

 

** Péniches : grands canots à voiles et à rames, de 30 pieds (10 mètres) environ, garnis de petite artillerie, transportés par les vaisseaux, et mis à l’eau pour exécuter en groupe, des raids contre des navires ennemis de moindre force.


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 "Péniche", dessin de Morel-Fatio
















On a aussi donné ce nom à de plus grands canots marchant à la voile et à la rame
, de 50 pieds (16-17 mètres) environ, construits pour le camp de Boulogne-sur-Mer quand Napoléon voulait faire traverser le Pas-de-Calais à son armée, pour envahir l’Angleterre. Lorsqu’il en a abandonné l’idée, ces embarcations ont  reçu d’autres affectations sur les côtes de France: navires de servitude pour la Marine, pour l’Inscription Maritime ou pour la Douane, mais aussi navires corsaires côtiers.



Armement de corsaires conquetois au Conquet : 

 

C’est essentiellement le fait de Joseph Marie Labbé, fils aîné du  sous-commissaire de la Marine au Conquet, Bénigne Félicité Labbé de Blanchard, portant le titre de chevalier sous l'ancien régime.

 

Joseph Labbé est commis de la Marine à Brest, mais souvent en mission autour du Conquet et dans les îles d'Ouessant et Molène où il accompagne comme greffier La Fosse,  sous-commissaire de la Marine à Brest.

1808-1809, il abandonne l’administration pour devenir négociant à Brest, armateur de corsaires.

 

Il commence par acquérir une petite goélette,  Les Deux Amis,  25 tonneaux, 2 canons, armée le 31 mars 1809. Il lui trouve un capitaine, l'enseigne de vaisseau Senard de Dieppe. Les affaires commencent assez bien. Le 3 avril, le corsaire fait une prise, le sloup anglais Ann qui allait de San Miguel des Açores vers Londres avec des citrons et des oranges. Envoyée seule vers Le Conquet, la prise a été reprise avec son équipage de prise ! Le capitaine anglais et deux de ses marins, gardés prisonniers sur la goélette ont été débarqués au Conquet et conduits à Brest.

A son deuxième voyage ... Sorti du Conquet le 10 avril 1809, le corsaire Les Deux amis s’est perdu corps et biens vers Sein avec ses 35 hommes d’équipage dans la nuit du 13 au 14 avril. On pourrait penser notre armateur découragé, mais non. Labbé retrouve des financements et  persiste avec un petit lougre : le Molénais, lettre de marque N°1119,    28 hommes d'équipage, 6 canons d’une livre de balle, la caution est fournie par madame Abeillé de Brest, (née Boussé).

 

Perte de la chaloupe du Molénais.

Le 4 juin 1811, il fut aperçu de Molène une galiote marchande ennemie d’environ 100 tonneaux. Le sieur Keringant (29 ans) capitaine du Molénais ayant son lougre à sec, s’embarqua à 11 hommes dans une péniche « ex anglaise » que son armateur lui avait donnée pour s’en servir dans les cas imprévus. A 8 ¼  du matin  les guetteurs d’Ouessant perdirent la chaloupe de vue dans le sud-sud-est, à ½ lieue du navire chassé. 

On apprit plus tard que, s’étant emparée de la galiote, à six heures du soir,  la chaloupe a été capturée à son tour par une corvette anglaise à 2 lieues de l’île de Batz. Rapport signé Labbé père, sous-commissaire de la Marine au Conquet

 

La péniche ex-anglaise dont il est question :

Le 9 septembre 1810, 7 péniches et canots anglais détachés d’un vaisseau en croisière attaquent et enlèvent au mouillage dans la baie de Yusin à Ouessant, une prise espagnole du corsaire San Josefo de Saint-Malo. Le combat soutenu entre les Anglais et les batteries côtières dure 3 h ½ . 2 péniches et 3 prisonniers sont capturés.

Les embarcations préhendées par la Marine sont mise en vente :

Une péniche à clins de 30 pieds et un canot sur franc-bord de 30 pieds

Les deux toutes équipées sont achetées par Joseph Labbé. C'est la péniche qui a servi de chaloupe au Molénais

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Péniche armée, dictionnaire de Willaumez.

















Prise du Molénais

 Le Molénais devenu l’Anacharsis en novembre 1811, lettre de marque 1363. parti en croisière le 27 février  a été  présumé pris. (Le nom du bateau est tiré d'un ouvrage très prisé au XVIIIe siècle :  "Voyage d’aventures en Grèce du jeune Anacharsis par l’abbé Barthélémy". )
Semble-t-il le bateau a été récupéré par son armateur plus tard. Un document nous le signale réarmé à Cherbourg en janvier 1813, par Labbé, première caution François Marie Jacolot, négociant à Brest. Artillerie 6 canons de 3 livres. Mais la "poisse" s'acharne sur notre armateur car l'nacharsis, avec ses 18 hommes d'équipage a péri sur les côtes de Cherbourg. (Dossier Q87. Récapitulation du 1er janvier 1814))

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Capture de l'Olympe, disparition de Joseph Labbé.

Labbé avait depuis quelques temps un autre navire corsaire : l’Olympe, péniche armée le 8 avril 1811, A son tour l’Olympe est prise le 22 avril 1813, avec à bord l’armateur et la caution (!). Joseph Marie Labbé disparaît dans cette affaire, son frère Bienaimé Labbé prend sa succession comme négociant et arme à la course le canot Félicité.

Un document  contredit la prise de l'Olympe, affirmant que c'est la chaloupe de ce bateau qui a été enlevée par les Anglais alors qu'elle allait arraisonner une prise et que l'Olympe est depuis désarmée dans le port du Conquet.
Une certitude est que Joseph Labbé a dû périr dans l'affaire.

On trouvera dans le chapitre suivant, des mentions d'actions des corsaires précédemment cités.


Entrées de prises au Conquet, validations, ventes, faits divers.


21 pluviose an VIII, (février 1800), vente de prise :

Une prise anglaise le Cadwell faite par le corsaire l’Ariège  de Bordeaux est vendue ce jour au Conquet, aux enchères, ainsi que sa cargaison.

 L’armateur  (Justin Delplat) de l’Ariège ne s’est pas déplacé, son correspondant à Brest Guilhem aîné, a chargé Pierre Créac’h, juge de paix du Conquet, d’agir au mieux pour les intérêts du Bordelais.

La vente se déroule sous le contrôle de Félicité Labbé, sous-commissaire de la Marine et de Louis Restout, receveur des Douanes.

La cargaison du bateau se compose pour tout ou partie de 600 quintaux de froment très avarié, on pourrait penser qu’elle n’a pas trouvé preneur. Mais si, les enchères se sont faites et le dernier enchérisseur a été le citoyen René Marin, demeurant sur la commune de Lambézellec au lieu-dit L’Harteloire.

 Le dit Marin a dû déclarer qu’il n’emploierait pas ces grains pour l’alimentation humaine, ni même animale.

 Alors quelle était la profession de René Marin ?  Fabricant de poudre d’amidon, pour lui c’était sans doute une bonne affaire.

 

 

2 Ventôse an IX, des Molénais s’emparent de la Laborieuse, goélette de Saint-Servan prise par les Anglais, qui s’est égarée dans l’archipel de Molène. Ils la rentrent au Conquet coulant bas.

(Long récit plein de détails, j’y reviendrai éventuellement).

 

 8 fructidor an IX, Leicester, brigantin de Hull, pris par la garnison d’Ouessant après une vive fusillade. Ramené à l’échouage au Croaé. Déchargé, réparé, vendu aux enchères. (Long récit plein de détails, j’y reviendrai éventuellement)


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De 1806 à 1814 : La série 2Q aux archives de la Marine à Brest,  très riche en documents concernant les corsaires et les prises, les correspondances de la mairie du Conquet avec le commissaire général de la police à Brest, et divers documents piochés aux Archives Nationales m'ont permis dans les années 1975-80 de constituer un dossier conséquent sur les activités conquétoises liées à la "course".
 
L'énumération qui suit n'est qu'un résumé.
 

 

•Là où les prises atterrissent, si elles ne sont plus aptes à naviguer, les épaves sont vendues. Sinon elles sont convoyées au port le plus proche.
Le décret impérial du 22 nivôse an XIII précise l'ordre d'intervention des fonctionnaires de l'Etat.à bord des prises. Le représentant de la police générale, (le maire pour Le Conquet), doit être le premier à bord, suivent les employés des Douanes et ceux de la Marine.
•La publication de la vente se fait par affichage.
•Administrations, vendeurs et acheteurs se déplacent, ou pour ces deux dernières catégories se font représenter.
• Les enchères se déroulent selon la réglementation en vigueur.
•Les capteurs et/ou les sauveteurs sont rémunérés selon des critères compliqués, (après des enquêtes parfois très longues).


4 mars 1806: Entrée au Conquet du Storck, navire marchand anglais, chargé de sel, de fruits, et d'un millier de peaux de boeufs, capturé par le corsaire malouin La Charlotte.

 

3 juillet 1806: Reprise de l'Alexandre,  brick français chargé de sel et d'ardoises. capturé par les Anglais et égaré dans le sud de Beniguet, par le canot la Clémence, monté par le Bienaimé Labbé, Noël Mazé-Launay inspecteur des signaux et quatre employés des douanes.  Navire ramené au Conquet.

 

10/12 décembre 1806 : Arraisonnement de La Défiance, navire américain, par la péniche de l'Inscription Maritime du Conquet, commandée par Labbé fils.

 

3 décembre 1807: arrivée au Conquet de la Peggy, trois-mâts anglais de 500 tonneaux, pris par le corsaire malouin Le Spéculateur

Vol de toiles à bord de la prise la Peggy en avril 1808. Lettre à propos de 3 personnes dont un préposé des douanes, soupçonnées d’un vol de toiles à voiles provenant de la prise anglaise la Peggy, laquelle toile a été trouvée dans un magasin sur le port.

 

 

21 février 1808: entrée au Conquet du The George, navire américain de 103 tonneaux repris par le corsaire malouin Le Spéculateur sur la frégate anglaise la Pomone. Chargement de salaisons, beurres, farines, merrains.

 

3 octobre 1808: reprise sur les Anglais de la Marie-Françoise, brick français, par le lougre de l'Etat, Le Vautour armé par les marins de la 4e division garde-côtes stationnée au Conquet et par les marins de la péniche  Telenir .

 

24  décembre 1808: entrée au Conquet du brick anglais Diana, chargé de beurre et d'avoine,  capturé à l'abordage par trois bateaux de pêche de Molène. La vente de la cargaison attire beaucoup d'acheteurs de Brest et de Morlaix en particulier. C'est Pitot, le maire du Conquet qui achète aux enchères du 13 mai 1809, le corps du bateau.

 

23 mai 1809, entrée au Conquet de La Félicité, chasse-marée français repris sur les Anglais par cinq bateaux de pêche, l'Espérance patron Julien Couillandre, la Marie-Sophie, patron François Kerberennes, la Marie-Laurence, patron René Cariou, le Bienfaisant patron François Coquet,  de Molène et la Marie-louise, patron Louis Stéphan d'Ouessant.

 

7 novembre 1809, entrée au Conquet du Boston de Jersey, pris par le corsaire La Confiance de Saint-Malo. Prise vendue au Conquet le 3 janvier 1810.

8 novembre 1809, Pitot, maire du Conquet, quasi impotent, écrit ou dicte cette lettre pour le  commissaire général de police Chépy à Brest :

J’eus hier l’honneur de vous rendre compte qu’il était entré une prise au Conquet. Je vous annonce qu’après la visite de la police, il résulte qu’on a trouvé parmi les papiers de bord et sur les deux prisonniers anglais qui se trouvaient sur cette prise, neuf pièces que je vous fais passer. L’équipage était en bonne santé, ainsi il n’a pas tardé à communiquer avec la terre. Je vais vous faire l’analyse des renseignements que j’ai cueillis à l’égard de cette prise et concernant les deux prisonniers. Le premier se nomme Jean Asplet, étant interrogé et parlant français, a répondu que le navire se nomme le Boston de Jersey, appartenant à messieurs Javray, oncle et neveu, de la dite île, commandé par Jean Le Greley. Que le navire a été chargé à Majorque par Francisce Mory à la destination de Jersey pour le compte des dits propriétaires et qu’il naviguait sous pavillon anglais, ayant cependant de fausses expéditions américaines, que le chargement consiste en 65 pièces de vin rouge, 35 pièces d’huile d’olive et 20 barriques de vin blanc. Qu’ils ont été pris le 1er de ce mois par le corsaire La Confiance de Saint-Malo, capitaine Brue ou Bruc de Brest. L’autre prisonnier qui se nomme Thomas Blancpied, âgé de 21 ans, de Jersey, a fait en français les mêmes réponses que le précédent. Ils doivent être conduits demain à Brest.

Il se trouve sur cette prise le Boston, Jan Sundholen, âgé de 68 ans, de la Finlande suédoise, provenant du dit corsaire. Je crois devoir le laisser rejoindre son bateau.

 

Le Boston 80 tonneaux, équipage 5, pris le 1er novembre, entré au Conquet le 7 novembre 1809. Vente au Conquet le 3 janvier 1810.


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Goélette armée en guerre (percée pour 8 canons)

Dictionnaire de Marine.















 

24 novembre 1809, entrée au Conquet de l'Endeavour, chargé d'huile et de morues, prise du brick corsaire malouin Général Pérignon,

 

31 décembre 1809, prise par l'Epervier péniche de l'Etat, assistée du Telenir et du corsaire la Dorade, du brick anglais Persévérance, vendu au Conquet en mai 1810. L'artillerie de la Dorade, armateur Chauchard de Brest,  capitaine Julien Olliveau se compose d'une caronade de 3, 6 espingoles, 12 fusils et 20 pistolets. L'équipage est de 15 hommes. L'Epervier, commandé par l'aspirant de 2e classe La Teste a un équipage de 29 hommes, et pour artillerie, une caronade en bronze de 12, 6 espingoles en cuivre, nouveau modèle et 16 mousquetons.

 

12 janvier 1810, prise par l'Epervier et le corsaire de Brest la Dorade du brick anglais The Jane, vendu au Conquet en mai 1810. L'Epervier et la Dorade sont dit "analogues". La Persévérance et The Jane transportaient du vin de Malaga et de Porto. Après la vente publique, les 8 et 9 mai, il reste encore dans l'entrepôt des douanes au Conquet 200 pièces de vin de Porto.
 

14 janvier 1810, entrée au Conquet du Juno, brick anglais pris par les frégates de l'Etat, La Renommée et la Clorinde. Le Juno venait de Mogador avec 40 000 peaux de boucs et de chèvres. Après 15 jours de quarantaine sur rade, l'officier de santé constate que 517 peaux sont totalement avariées et puantes, il les fait jeter à la mer par mesure de sûreté.
 De la vente, après le paiement des différents droits, 1/3 du bénéfice 16 000 francs va aux états-majors des frégates, 2/3 aux équipages 32 000 francs.

 

28 septembre 1810, entrée au Conquet du Jeune Charles, galiote russe prise par le corsaire Le Téméraire. On ne sait pas si la prise est validée.


Le Téméraire était déjà venu au Conqiuet : 

Deux Espagnols ou Portugais, embarqués à Brest sur le corsaire le Téméraire en relâche au Conquet ont déserté à 10 heures (nuit du 11 au 12 juin 1810), en enlevant le canot du bord.

   

19 juin 1810, reprise du chasse-marée espagnol Saint François d'Assise par le corsaire la Dorade, capitaine Olliveau, sur le corsaire anglais The Pheasant. Contestation par la Biscayenne, armement Robert Surcouf.

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Combat de corsaires, lougre français à droite contre cotre (cutter)anglais à gauche, dessin de Baugean













27 juillet 1810, trois négociants de Nantes réarment au Conquet leur corsaire le Loup-Garou, brick de 136 tonneaux, armé de 10 canons et de 4 caronnades de 12. Capitaine Charles Laurent de Saintes, équipage 89 hommes. Le 28 octobre, le Loup-Garou est pris après un combat contre une corvette anglaise. Deux hommes au moins ont été tués.


1er octobre 1810, prise du Palafox, brick marchand anglais par la péniche de l'Etat l'Hirondelle et le corsaire la Dorade. Le Palafox avait chargé à Lisbonne des moutons mérinos, des raisins verts et des citrons. La prise a été remorquée à Brest.

 

29 octobre 1810, entrée au Conquet du Lord Collingwood, brick anglais (lettre de marque) pris à l'abordage par le corsaire malouin Le Furet.  (Dans un courrier en 1811, le commissaire de police à Brest s’inquiète de la présence à bord du Furet de Laurent Pallier, forçat libéré).


13 février 1811, le brick anglais Orionchargé de bois du Canada,  abandonné par son équipage dans l'archipel de Molène est ramené à l'île par la Dorade et le MolénaisLa chaloupe Télénir amène à Molène pour les constatations d'usage, le citoyen La Fosse, commissaire de Marine à Brest, Bienaimé Yves Marie Labbé, préposé à l'Inscription Maritime, faisant pour son pére Bénigne Félicité Labbé, sous-commissaire de la Marine. Labbé est accompagné du sieur Le Guerrannic employé aux écritures extraordinaires des bris et naufrages, et de Benjamin Constant, sous-lieutenant des Douanes. Pour identifier le navire on a fait appel à Noël Mazé-Launay et pour évaluer les bois, à Jean Mazé constructeur patenté au Conquet.
 

18 décembre 1811: prise du Pensamento Ligerio, navire portugais fortement armé, par l'Olympe et la Dorade.

 

1er juin 1812 : prise dans le sud-sud-ouest de Molène, après combat de l'Antelope, brick anglais par le Telenir, et la chaloupe de la Dorade.  La chasse des corsaires a duré plus de six heures, Vente du navire au Conquet le 11 août. Les marins du Télénir ont tiré sur le brick de nombreux coups de fusils, le capitaine de l'Antelope, ayant un homme blessé et les voiles de son navire criblées de trous, s'est rendu.
L'Antelope allait de Liverpool sur Gibraltar avec des futailles de bière Porter, de la bière blanche dite Ale, du sucre, du rhum, du café, de la couperose, du jambon, du lard, des salaisons, des pots de confiture et des caisses de fer blanc. (Vente aux enchères au Conquet le 12 août).

Vols au détriment de prisonniers anglais

 

Les marins de la prise Antelope, transférés à Pontaniou sont interrogés :

Le capitaine de l’Antelope se plaint le 8 juin 1812 que sa malle a été enfoncée et pillée par les marins capteurs (péniche de l’Etat Telenir et chaloupe du corsaire la Dorade.)

Le second-capitaine dit qu’il a été trompé par le langage du maître de l’auberge dans laquelle il a été logé. Cet homme lui a fait le récit du danger qu’il courait en conservant ses effets qui devraient comme marchandises anglaises être brûlés et l’a pressé de les lui vendre, ce qu’il a fait au prix modique de 28 francs alors qu’ils en valaient au moins 600.

Le maître d’équipage lui aussi a été trompé à l’auberge, le tenancier lui a donné 66 francs de ses effets qui en valaient 300.

Les Anglais seront ensuite transférés au camp de prisonniers d’Epinal.


 

10 juillet 1812 : reprise sur le corsaire Le Vautour de Jersey du chasse-marée français Bienheureux, chargé de sel, par la péniche de l'Etat l'Epave, détachée de la canonnière Nr192 en station au Conquet. Vente au Conquet janvier 1813.

 

8 novembre 1812, reprise sur la corvette anglaise Martial du chasse-marée de Lorient Providence par le corsaire péniche l'Olympe.  Courrier du maire du Conquet : 11 novembre 1812, j’ai l’honneur de vous annoncer qu’il est entré hier soir dans ce port le chasse-marée la Providence de Lorient, du port de 68 tonneaux, appartenant au sieur Jouchien Rolland, capitaine, venant de Bordeaux avec un chargement d’eau de vie pour Lorient et Hennebont. Il avait été capturé le 8 novembre à 10 heures du matin par la corvette anglaise le Martial, armée de 14 pièces de canons de 24, et qui l’a ensuite expédié pour l’Angleterre sous la conduite d’un lieutenant de vaisseau  avec 5 hommes d’équipage et un marin de Hambourg, ce dernier provenant d’une prise américaine.

Le corsaire péniche l’Olympe du Conquet en croisière vers l’île de Sein, a repris hier le chasse-marée à la distance de deux myriamètres dans le sud de l’île, à 2h ½ de l’après-midi.

Vous trouverez ci-joint la liste des dits prisonniers et je vous prie de les faire interroger à Brest attendu qu’il n’y a point d’interprète au Conquet.

  
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15 novembre 1812, prise du brick espagnol Sancta Anna par la Dorade. Chassé dans le sud-ouest de Molène, le brick s'est rendu après avoir essuyé quelques coups de fusils. La prise chargée de citrons et de vins de Malaga a été conduite à Brest.

 

3 janvier 1813, reprise du chasse-marée Marie Sulina sur la corvette anglaise l'Arrow par l'Olympe. La Marie-Sulina, chargée de vin et d'eau de vie a été conduite à Brest.


26 février 1813, prise de la goélette anglaise Lord Nelson, allant de Teneriffe à Londres avec des vins et des "mousses de mer" (éponges?) par la Dorade et le Marsouin. La prise a été conduite à Laberildut.

 

26 janvier 1813: reprise sur les Anglais du Bon Secours de Sarzeau, chargé de vin de Bordeaux,  par la Dorade et le Marsouin.

 
2 mars 1813, l'épave du navire anglais The Samuel,  entièrement démâté, errant dans le chenal du Four est pris en remorque au travers de Saint-Mathieu  par le Télénir et la chaloupe de la canonnière 97.
La Fosse, accompagné de Le Guerrannic, greffier et de Lorin, receveur des Douanes est allé à bord du The Samuel amené à l'échouage au Conquet, inspecter la cargaison composée de liège et de vin de Porto.

 

 

7 avril 1813: reprise du Pax chargé de sel, sur une corvette anglaise, par l'Olympe

 

19 décembre 1813: prise de l'Aventure près de Sein par la Décidée, corsaire du Conquet et  4 bateaux de Sein.

 

3 janvier 1814 : capture du trois-mâts anglais Chard  par divers bateaux et canots du Conquet et de Molène.  Le Chard transportait du sucre, du café, du rhum et de la térébenthine, à destination de Bristol.
Lucifer, Théophile, Petite Dorade, Marsouin, Actif, Deux Fanny et Félicité appareillent de Molène. Le Théophile et l'Actif arrivés premiers sont capteurs, le Marsouin participe au remorquage. Le Lucifer coule en abordant la prise déjà arraisonnée. Contestation quant au rôle joué par le canot Félicité. En raison du mauvais temps, le trois-mâts a été convoyé en baie de Dinan (presqu'île de Crozon)


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19 janvier 1814, prise par la garnison d'Ouessant du Mars, brick anglais conduit et vendu au Conquet le 15 avril. Le brick, neuf et fin voilier doublé en cuivre, rafalé par le mauvais temps sous les canons de l'île s'est rendu. Paul Malgorn et 11 hommes ont ramené le bateau au Conquet. Aidé par la canonnière 97, le Mars a été mis en sécurité dans le port puis vendu  le 15 avril 1814.  Chauchard, négociant à Brest l'a emporté aux enchères pour 22 000 francs.

 

 

 

Prisonniers en Angleterre

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Ponton-prison anglais, dessin de Cooke




















An VII, dans un courrier à propos d’échange de prisonniers, les Conquétois : Yves Le Verge, officier, capitaine de prise à bord du corsaire Le Hardi de Port-Launay, et Noël Sévère, sont prisonniers depuis 5 ans ½ .
Le Verge est sur le vaisseau anglais Le Héros à Chatam, près de Londres. Sévère est dans une prison près de Bristol.

De nombreux documents et ouvrages décrivent les conditions de vie épouvantables, infligées par les Anglais à leurs prisonniers français et particulièrement dans les "pontons", coques de vieux navires démâtés, mouillées dans les estuaires, je n'y reviendrai pas ici.
D'autres Conquétois ont aussi été en captivité en Angleterre, c'est le cas de Guillaume Le Bourc'h, époux de Françoise Créac'h. Après avoir été second en l'an VI sur le corsaire  Lazare-Hoche, Le Bourc'h, capitaine au long-cours a pris le  commandement de la Marie-Françoise, brick frété par le gouvernement pour aller à Pondichéry. Le navire appartenait alors à un Conquétois, Créac'h père et à Riou-Kerhallet de Brest. Le 8 septembre 1803, la Marie-Françoise a été prise par les Anglais. Le Bourc'h est resté 8 ans en prison en Angleterre jusqu'au jour où, renvoyé sur parole d'honneur de ne pas prendre les armes contre l'Angleterre, il a débarqué à Morlaix le 15 février 1811 du parlementaire anglais Morning Post, échangé contre un prisonnier anglais (certificat signé Décrès du 29 juillet suivant).

Un document mentionne aussi un certain Petton du Conquet, qui était sur la Marie-Françoise, et qui est toujours prisonnier en Angleterre.


La fin de la course

Avec la chute de l'Empire la "Course" se termine. Le 19 avril 1814, le préfet maritime de Brest l'interdit dans sa zone de compétence.
 

• •La « course » a été  définitivement supprimée en France sous le Second Empire en 1856, après la guerre de Crimée.



                                                     JPC/ mai 2009.


                                                                                                

 

 

 

 

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5 mai 2009 2 05 /05 /mai /2009 20:59

FREMAD, 10 mois d'escale imprévue.

 


Détresse et sauvetage du Fremad 14/16 janvier 1973 :

 

 

14 janvier 1973, violente tempête... 18h22, le cargo belge Mineral Ghent signale à Radio-Conquet qu'en compagnie d'un navire allemand, il essaie de porter assistance à un yacht avec lequel ils n'ont aucun contact radio,  position 4824N 0522W. Ce yacht a lancé des fusées rouges. 22h55, l'escorteur Le Savoyard de la Marine Nationale prend la relève des cargos mais comme eux, vu l'état de la mer, ne peut faire que du stand-by. Alerté le canot de sauvetage de Ouessant (Patron François Morin) ne peut être lancé, impossible de le sortir de l'abri en raison des rouleaux qui déferlent sur sa rampe.

 

15 janvier matin, le canot de sauvetage Patron François Morin appareille à la faveur d'une accalmie. Aux dernières nouvelles on sait que le yacht, une unité ancienne d'environ vingt mètres, et qui ne possède pas d’émetteur radio, dérive en avarie de barre sur la route des cargos à une dizaine de milles dans le nord d'Ouessant. Rafales de vent à 45 noeuds, houle force 5 à 6.

En cours de matinée le canot qui, guidé par divers cargos, a rejoint le yacht, réussit à prendre à son bord  3 femmes et 6 enfants qu'il rapatrie sur Ouessant. Les 5 hommes sont restés à bord du bateau dont on sait maintenant qu'il se nomme le Fremad .

 

Dans les heures qui suivent on perd sa trace  Radio-Conquet diffuse (en français, en anglais et en télégraphie morse) un avis de recherche: "Sans nouvelles du Fremad, yacht britannique de type ancien,  longueur environ 20 mètres, coque noire avec timonerie à l'arrière, deux mâts, sans radio, en dérive dans l'impossibilité de gouverner, position non définie, aux abords d'Ouessant".

 

Le 16 janvier en fin de matinée c'est un autre voilier ancien, le Bel Espoir  du père Jaouen, qui  repère le Fremad. Le caboteur La Paimpolaise de l'armement  Garnier (Paimpol) se trouve dans les parages et  va tenter le remorquage. Opération difficile, son safran étant bloqué le Fremad embarde en grand à bâbord à chaque traction. La remorque va casser dix fois. Vers 23 heures le convoi double les Pierres Noires quand le filin casse encore. Le Fremad part en dérive vers les Bossemen, le drame semble inévitable, l'équipage réussit cependant à mouiller l'ancre, avant que le bateau n'aille sur les roches. La Paimpolaise ne peut se risquer à aller le rechercher là.

 

Le canot de sauvetage du Conquet est alors requis. Louis Marec à la barre, le Patron Aristide Lucas quitte Le Conquet le 17, à 1h25 du matin. Trois-quarts d'heure plus tard il a rejoint le Fremad à un demi mille dans l'ouest du Bossemen ouest.  La remorque est passée, non sans mal, le canot a ses défenses arrachées et un morceau de lisse écrasé. L'ancre de l’Anglais est filée par le bout, (elle sera récupérée quelques jours plus tard), le convoi fait route sur Le Conquet. Le canot tire par à-coups complètement sur tribord pour contrarier les embardées du yacht.

A 3h30 les deux bateaux sont devant l'entrée du Conquet. A une centaine de mètres de la passe, pour parer le bout de la digue, j’ai vu Louis Marec lancer le canot à fond, droit sur le mur de béton, le Fremad a amorcé alors sa courbe à bâbord et s’est  retrouvé juste devant l'entrée du port. Longeant le mur à pleine vitesse le canot lui a coupé la route  à l'extrémité du môle, puis virant vers le débarcadère l’a obligé à pivoter en force pour venir à quai. Du beau travail! mais un pari audacieux sur la solidité de la remorque.
Equipage du canot de sauvetage pour cette intervention :
Patron Louis Marec, sous-patron Alexis Vaillant, canotiers titulaires : Joseph Vaillant, Jean Claude Vaillant, Marcel Vaillant, Jean Yves Le Guen, volontaire : Guy Floch, treuilliste non embarqué : Jopic Floch.


Le canot de sauvetage Patron Aristide Lucas à l'époque de cet accident de mer.

Louis Marec est à la barre, Alexis Vaillant referme la chaîne de sécurité de la rambarde.
Photo JPC







 Voilà donc le Fremad à l'abri au Conquet, les Anglais sont surpris d'être sur le continent, ils croyaient avoir été pris en remorque par le canot d'Ouessant et être arrivés dans cette île où ils auraient retrouvé femmes et enfants.

 

A l’accostage à la digue Sainte-Barbe, interprète improvisé à bord du Fremad, j'ai appris les raisons du drame. En pleine tempête en Manche, soudain de l'eau a jailli dans une cabine aménagée dans la cale, provoquant la panique à bord. Précipitation générale pour découvrir l'origine de la supposée voie d'eau, le barreur, capitaine du navire, a lui-même  abandonné la timonerie pour descendre aux nouvelles et pour découvrir que l'eau ne venait pas de l'extérieur mais de l'intérieur du navire, qu'elle n'était pas salée mais douce et s'écoulait de la citerne d'eau potable dont la matière plastique venait de se fissurer, accident bénin mais qui en a entraîné un plus grave. Personne ne tenant plus la barre, le safran battant comme une porte de tribord à bâbord est venu toucher l'hélice qui y a coincé une de ses pales sous un renfort de tôle.

 

La réparation, effectuée, navire au sec sous la « Maison des Seigneurs »,  quelques jours plus tard par Eugène Paugam charpentier de marine, aidé de l’équipage et de quelques bénévoles, n’a duré que
quelques heures.


.

 

Le Fremad au sec, on remarque les dégâts à l'avant du
navire
Photo JPC



























 
Pourtant le séjour des Anglais au Conquet va s'éterniser de nombreux mois : procès avec l'armateur de la Paimpolaise, explosion du moteur, renoncement d'équipiers.


Longtemps incertaine, l'issue du procès en dommages et intérêts (70 000 francs) initié par l'armateur de la Paimpolaise au propriétaire du Fremad, a finalement tourné en faveur du navire anglais.
                                                                                                                                    

 


Le Télégramme du 3 mars 1973.




























La "poisse" continue, le moteur explose

Le soir même de ce 3 mars, le moteur diésel du Fremad explosait à la mise en route, heureusement ne faisant aucune victime. Une accumulation de gaz dans l'unique cylindre en aurait été la cause. Pendant ce temps, la solidarité conquétoise se donnait à fond pour venir en aide aux Anglais. Je ne peux pas citer ici au risque d'en oublier, les noms de tous ceux qui ont exprimé leur générosité à cette occasion. Il fut donc possible de transférer, pour les réparations de la quille dont un morceau avait été arraché par un câble de La Paimpolaise, et le remplacement de divers pièces de l'étrave, au chantier naval Auguste Tertu à Rostellec (Le Fret, rade de Brest).




Avant le départ pour Rostellec, bavardant à la lisse, à droite JPC, à gauche André Le Gall, matelot du Gwerc'hez ar Mor.
(photo Ouest-France)


























En route pour la rade de Brest, le 7 mars 1973, en remorque du Gwerc'hez ar Mor des frères Marcel et Christian Riou.
(Photo Ouest-France)





Les mois suivants furent consacrés à négocier avec le constructeur du moteur sa part de responsabilité et arriver à un accord de frais partagés, et de même avec le fournisseur de la cuve à eau douce, neuve et défectueuse, cause de l'accident. Et puis vint le temps pour Allan Hutchinson de composer un nouvel équipage afin de reprendre son tour du monde trop tôt interrompu.


A son retour au Conquet, le Fremad a été installé dans l'avant-port, bridé sur trois corps-morts.
(Photo JPC)











Le départ du Fremad :

 


Dans la matinée du 2 (ou du 3) décembre 1973, après 10 mois passés au Conquet, le bruit courut en ville que le Fremad allait appareiller à 14 h. Amis et curieux descendus au port n’ont pu que constater, les heures passant, que rien ne se décidait à bord. En fait un équipier avait été contrait d’urgence de se faire arracher une dent, et ensuite l’ancre crochée au fond refusait de monter à bord.

Les "partants" : Allan Hutchinson, armateur, sa femme et leurs quatre enfants, Bob le skipper professionnel, Mike, Jean-Louis et sa fiancée Fern, Georges médecin marseillais, Pierre le mécanicien et Liliane de Quimper qui n'a jamais navigué, (13 à bord, 14 avec le chien).

La nuit était bien tombée, les badauds avaient déserté la digue Sainte-Barbe quand l’équipage se décida à couper le câble et à laissier filer la dernière ancre au fond..  Quelques minutes plus tard le Fremad, franchissait le bout de la digue en actionnant sa corne de brume. En fait je fus seul à lui répondre avec la mienne. Les feux du navire anglais ont mis longtemps à disparaître dans le sud-ouest, la nuit était glaciale.




Le Fremad dans les heures qui précédent le départ, à bord de l'Etoile Filante,

canot goémonier de

Samuel Pengam ancien gardien de Béniguet, l'équipage et les passagers s'apprêtent à
embarquer sur le Fremad
(Photo JPC)





































Nouveau drame : Au cours de la traversée vers les Antilles un équipier a disparu en mer.


L'oubli :

Les nouvelles du Fremad ont rapidement cessé de parvenir au Conquet. Quelques années plus tard, de service à la station radio, j’ai été informé par un navire de pêche, qu’il se portait à la rencontre d’un navire de type ancien qui demandait assistance. C’était le Fremad qui dérivait en Manche à court de carburant.  Je ne sais rien concernant le bateau revenu en Angleterre. Mais peut-être un lecteur pourra-t-il combler ce vide.
                                                         JPC


 

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8 avril 2009 3 08 /04 /avril /2009 11:05

 Le Conquet dans la guerre 1939-1945

Ouvrage publié pour le 50e anniversaire   de   la libération de la ville. Septembre 1994. (Epuisé).

Rédaction : Jp Clochon avec la collaboration de
Jacques Bazire, Christian Couture, Armand Cudennec
Joël Provost et Georges Cureau.









En réponse à des questions sur la stèle commémorative de la plage de Porsliogan, voici extrait de cet ouvrage :

5/6 juillet 1943

Le crash du WELLINGTON X, anglais. Ho630 Sh8c

 

Le port de Brest où sont basés les grands navires de guerre allemands qui écument l'Atlantique, constitue une cible prioritaire pour l'aviation alliée.


La mission

Le registe d'opérations du 466e groupe de la R.A.F, rapporte que le 5 juillet 1943, huit bombardiers britanniques Wellington X décollent entre 22h05 et 22h11 de la base de Leconfield, pour aller mouiller des mines au large de la pointe du Toulinguet. Le Wellington X est un bombardier standard, équipé de deux moteurs Hercules de 1 675cv chacun, doté d'une vitesse maximale de 483 km/h, son autonomie est d'environ 3 000 km pour un plafond de 6 710 mètres. Il peut emporter 2 250 kg de bombes, son armement consiste en 4 mitrailleuses.


L'équipage habituel d'un Wellington est de 6 hommes, mais pour cette mission ils ne sont que 5... à savoir :

Pilote :           Lieutenant-colonel J.J Owen  (Anglais)

Navigateur :   Lieutenant E.H Swain            (Anglais)

Bombardier :  Lieutenant  F. Darbyshire      (Anglais)

Radio :           Sous-lieutenant A.M Long    (Canadien)

Mitrailleur :    Sous-lieutenant J.F Ray         (Anglais)

 

Cette nuit-là, la visibilité est bonne, environ 25 km, les côtes françaises parfaitements identifiées, le groupe de bombardiers largue ses mines à la position prévue entre 1h17 et 1h27 puis fait demi-tour pour regagner l'Angleterre. 7 avions rentrent sans problèmes à Leconfield (75 km à l'est de Leeds), le 8e est porté manquant. (HF 601 ou H0 630 selon les sources)



Un bombardier Vickers Wellington X.
(Image Internet)















Le crash à Porsliogan

Pourquoi cet avion, venant du Toulinguet ou environ est-il venu se poser sur l'eau  et sombrer à Porsliogan, après avoir survolé Lochrist à très basse altitude? Nous n'avons pas de réponse à cette question. Avion touché par la DCA du côté de Camaret, avaries de moteurs, erreurs de navigation, l'ayant amené au-dessus des DCA vers Berheaume, puis au-dessus de Kéringar?


Les souvenirs des témoins (collectés en 1990-94)

Un habitant de Lochrist, rapporte avoir été réveillé par des tirs de DCA et le bruit de moteur d'un avion volant très bas, le 6 juillet vers 1h30 du matin. S'étant levé, il dit avoir vu un appareil pris dans des  faisceaux de projecteurs, être touché de plein fouet par des tirs allemands et s'abattre dans la mer.


Joseph Floc'h : « j'ai entendu un avion passer très bas au-dessus de chez moi à Lochrist, puis plus rien, le bruit de moteur s'était arrêté..

 Le lendemain, je suis allé à la grève de Porsliogan par le petit chemin du Bilou. Dans la crique au nord de Porsliogan, là ou arrive le ruisseau, il y avait un canot en caoutchouc, orange, avec autour un liquide jaune orange, (liquide fluorescent utilisé pour se faire repérer en cas de naufrage au large)..

On m'a dit alors, mais je n'ai rien vu, que le seul homme vêtu d'une combinaison d'aviateur s'était tué en tombant de la falaise qu'il essayait d'escalader. Les autres étaient en tricots et caleçons, ils avaient été provisoirement enterrés dans le sable..

J'ai vu quelques jours plus tard le train d'atterrissage de l'avion exposé par les Allemands à l'entrée de la cour de l'école Dom Michel. »

 

Jean Le Bris, « parlant des trois aviateurs en sous-vêtements, Hervé Cléach (menuisier à Lochrist) qui les a mis en bière, disait qu'ils avaient été tués par balles. Le quatrième vêtu en aviateur s'était tué en tombant, il avait tenté de monter par le côté droit de la faille, très escarpé, alors que le gauche était en pente douce.. De Kérivin on a vu l'avion passer en feu, puis le bruit de moteur s'est arrêté mais on n'a pas entendu de crash.... par contre on entendait les soldats allemands qui hurlaient.

Le lendemain Jean Lucas a remorqué avec son bateau le train d'atterrissage qui flottait, il n'avait qu'un 5/7 cv et n'arrivait pas à gagner. Il a attendu la renverse, mais avec le flot il a failli partir de l'autre côté de Kermorvan, heureusement les vents sont venus nord et il a pu rentrer au port. »

 

Essai de reconstitution de l'évènement

Le 6 juillet donc, les Allemands enfouissent 4 corps en haut de grève, dans le sable. On peut semble-t-il reconstituer la fin de la mission du bombardier ainsi :


Touché par la D.C.A ou moteurs en avaries il passe très bas au-dessus de Lochrist et continue à perdre de l'altitude tout en restant parfaitement horizontal. Les aviateurs savent que dans quelques minutes tout au plus l'avion va se poser sur l'eau et que le rivage est proche. Il va falloir s'y rendre : soit avec le radeau en caoutchouc, soit à la nage. Trois hommes se déshabillent, le quatrième (mais peut-être est-ce le pilote toujours aux commandes, reste en combinaison de vol), on ne sait pas ce que fait le cinquième. L'avion touche l'eau sans violence (pas de crash disent certains témoins). Dans la baie de Porsliogan l'épave est à l'abri des tirs à longue portée allemands avant l'arrivée d'éléments motorisés munis d'armes légères. Il fait nuit, les quatre ou cinq hommes mettent le radeau à l'eau, et pagayent vers la plage avec l'énergie du désespoir. Avant d'atteindre le bord, ceux qui sont dévêtus se jettent à l'eau et finissent à la nage au moment où les Allemands arrivent par le haut de la plage, ils font des cibles parfaites et sont abattus dès qu'ils prennent pied sur le sable. Dans leur précipitation les Allemands n'ont pas vu le quatrième qui avait abordé avec le radeau dans la crique au nord. Celui-là dit-on s'est tué en tombant de la falaise qu'il essayait d'escalader.

Du cinquième, le corps n'a pas été retrouvé, mais peut-être était-il déjà mort dans l'avion, touché par la DCA (?) 

(Certains témoins assurent aujourd'hui que les corps ne portaient pas de traces de balles, ce qui démentirait le scénario imaginé ci-dessus, mais alors comment expliquer l'arrivée groupée des cadavres? Si les aviateurs s'étaient noyés en quittant l'épave de l'avion, leurs corps entraînés par les courants n'auraient pas étés retrouvés le jour même et sûrement pas à Porsliogan.)

 

Donc les Allemands enfouissent  les corps dans le sable ce 6 juillet 1943, et interdisent l'accès de la plage à la population, sans doute recherchent-ils encore des survivants éventuels. Le train d'atterrissage de l'avion soulevé par ses gros pneus s'arrache de la carlingue et remonte en surface dans la journée. Il sera remorqué au Conquet comme nous l'avons dit plus haut et exposé à la population dans la cour de l'école.

L'inhumation des aviateurs

 

Le maire Louis Simon, demande aux Allemands l’autorisation d'inhumer les corps des aviateurs alliés au cimetière communal. Comme ils ont abandonné les investigations autour de la grève, ils accordent la permission demandée le 8 juillet au matin. 

 

             Le maire convoque une équipe pour mener à bien l'opération.

               Feuillet mairie, (note de frais).       Travaux du 8 juillet 1943

               Cercueils et mise en bière à Porsliogan  : Hervé Cléach

               Transport de Porsliogan à Lochrist        : Hervé Lannuzel

               Creusement de la fosse                          : Laurent Ropars

 (Certains témoins affirment que les corps ont été transportés de Porsliogan à Lochrist par le camion de madame Magueur).

 

Inhumation des aviateurs le 8 juillet à 14 heures, en présence du maire Simon, du garde-champêtre Pierre Paugam et d'une foule recueillie.

Mademoiselle Paule Jestin :  « j'étais au cimetière avec bien d'autres Conquétois, la cérémonie de l'enterrement était commencée quand un peloton d'Allemands en armes est arrivé. Nous avons eu très peur, on croyait qu'ils allaient nous fusiller.  En fait ils venaient rendre les honneurs militaires aux aviateurs. »

 

      Identification des corps, document mairie du Conquet : 
           4 corps ont  été inhumés à Lochrist dans 4 tombes différentes en 1943
Deux sont identifiés, JJ Owens, matricule 26062 et Swain,  matricule 119477, les deux autres sont notifiés "inconnus".
              
 

Le cimetière de Lochrist abrite toujours les tombes blanches des 4 aviateurs, elles portent les noms de Owen, de Swain, de Long et de Ray. Sans doute les corps ont-ils été exhumés après la guerre pour rendre l'identification possible et déclarer que le corps du disparu était celui du lieutenant Darbyshire.

Le nom du flying-officer Frank Darbyshire figure au tableau du Runnymede Memorial (Egham Surrey) suivi de la mention "assumed lost at sea", 6 july 1943.


       

                            

Une interrogation subsistera toujours, si les Allemands ont tiré sur les aviateurs, on peut se poser la question du "pourquoi"? A cette époque, ce n'était pas dans leurs habitudes, d'éliminer des ennemis désarmés et surtout avant de les avoir questionnés.




 






A la mémoire des aviateurs de la R.A.F
morts pour notre liberté sur ce site,
le 6 juillet 1943

















La DCA allemande abat un avion allemand (sans date)

 

A une date que les témoins ne peuvent préciser, un avion allemand a été abattu par la DCA allemande. René Le Treut qui se trouvait à la fontaine de Portez a vu deux Messerschmidt arriver de la mer, puis lâcher leurs fusées de reconnaissance. Sans doute trop tard car la DCA des Renards tirait déjà. Un des avion, touché, est allé s'écraser vers le fond de l'étang de Kerjan, en bas de Kervinny.


                                                       JPC 

 

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2 avril 2009 4 02 /04 /avril /2009 18:38

BREST- LE CONQUET RADIO
(version courte)


 



La solution d’une station radiomaritime à Gouesnou ne pouvait être que transitoire. D’abord parce que les installations étaient comme on l’a vu, sommaires et surtout, parce qu’un nouveau mode de communication avec les navires avait fait de grands progrès pendant la guerre : la radiotéléphonie sans fil.

 

Certes depuis les années 1920, les grands paquebots transatlantiques étaient équipés de ce moyen de transmission, mais les matériels étaient très volumineux et surtout gros consommateurs en énergie électrique. Depuis les "postes radios" avaient gagné en encombrement et en souplesse d’utilisation, permettant à des navires de moindre importance d’en faire l’acquisition.

 

Les PTT se devaient donc, pour satisfaire une nouvelle clientèle, d’implanter le long des côtes de France et de ce que l’on appelait encore « les Colonies », des stations radios qui travailleraient toujours en radiotélégraphie morse et mais aussi en radiotéléphonie.

 

A la pointe de Bretagne, carrefour entre la Manche et l’Atlantique, il n’était plus question de mettre une station dans une île. Ouessant fut donc d’emblée écartée. Par contre la pointe  de Corsen, bien dégagée sur la mer, et dans un environnement exempt d’industries qui auraient pu générer des perturbations électriques, fut le premier lieu selectionné, puis éliminé car trop loin d’un bourg et ne bénéficiant d’aucune ligne de transport régulière avec Brest. La pointe des Renards au Conquet avait ces avantages : dégagement sur la mer, proximité de la ville du Conquet, lignes régulières de cars avec Brest. Le site fut donc retenu pour un temps d’essais en 1948.

 

Une période de tests,   la radio dans un shelter

 


Le shelter, tel qu'il subsistait en 1953 ou 54. Sur le toit l'antenne du gonio.













La pointe des Renards, était pour l’essentiel une propriété privée, confisquée par les Allemands de 1940 au début septembre 1944, et truffée de blockhaus, postes gonios, nids de mitrailleuses etc. La Direction des Services Radioélectiques des PTT (D.S.R) a obtenu du propriétaire l’autorisation de déposer à l’extrémité ouest du domaine, un shelter d’ambulance américaine, (sorte de d’abri métallique en forme de cabane), pour effectuer ses premières mesures de propagation des ondes.

 

Le shelter installé sur une dalle en ciment a été équipé d'un émetteur-récepteur  « Saram » acheté lui aussi aux « surplus américains ». Deux opérateurs  ont alors été désignés pour la mise en route du service de la radiotéléphonie maritime... ceci se passait au printemps de 1948.

Plus tard le shelter a été récupéré par Jean Tromeur comme abri de jardin pour un terrain qu’il avait près du stade . Dans ce shelter une famille a quelques temps habité.

 

Les deux hommes, opérateurs radios confirmés,  s'adaptent vite à leur matériel.. si bien que les 18 et 19 octobre 1948, c'est la station du Conquet qui sert de poste directeur lors de la demande d’assistance formulée par le yacht danois "Atlantide », en détresse à environ 135 milles de la pointe du Finistère, et le remorqueur de sauvetage "Abeille 25" parti à son secours..

 

Document :

Le 18 octobre 1948, à 13h40 GMT, le trois-mâts goélette danois "ATLANTIDE " indicatif radio OUPL,  lance un appel "Mayday" à l'attention de Land'send radio, en se situant par 4812N et 0715W.

Le Conquet-Radio capte le message et alerte la Préfecture Maritime et la compagnie des Abeilles à Brest.

Dès 14h Le Conquet tente de contacter le voilier mais c'est le chalutier "Ravignan" qui répond, signalant qu'il fait route sur la position.

Entre temps Lands'end Radio  répète l'appel de détresse sur la fréquence 500 kc/s (Morse) en indiquant que "l'Atlantide" a perdu son gouvernail.

S'en suivent de nombreux échanges entre le trois-mâts, la station de Lands'end et le remorqueur Abeille 25, Le Conquet servant de relais entre les trois.

Ce n'est que le lendemain 19 octobre à 10h45 que l'Abeille 25 a rejoint le navire en difficultés, l'a pris en remorque et finalement l'a ramené à Brest.

 

-La luxueuse goélette, ancien yacht du commodore Vanderbilt, longue de 68 mètres pour 225 tonneaux possédait deux moteurs de 125 CV chacun, elle était alors propriété du sculpteur danois Vigo-Jarl. Elle était équipée en radiotéléphonie onde hectométriques.

 

Les opérateurs, Le Gall et Guerville, ont été félicités par leur hiérarchie, pour être restés la nuit à leur poste. En effet pendant ces périodes de tests le service n'était pas permanent.

 





Puis dans deux cabanes

 

Le premier hiver dans leur guitoune battue par les vents, la pluie et les embruns ne fut pas une sinécure pour nos deux pionniers dont l'un tomba malade. L'administration fit alors monter deux cabanes en contrebas sud de l'ancienne batterie de Toul a Louarn, l'une pour l'exploitation, l'autre pour le service technique. Le choix de l’emplacement, exposé aux vents et aux intempéries, du sud jusqu’à l’ouest, était l’œuvre de stratèges parisiens peu familiers des tempêtes bretonnes. Le socle béton d’une des cabanes est toujours parfaitement visible.

 


Les deux cabanes, exploitation et service technique.









Bientôt il fallut renforcer l'équipe, quatre nouveaux opérateurs furent nommés au Conquet. Jean Jégou, Jean Tromeur,  Pierre Kerdreux, puis Jean Cam. Leur service était cyclique sur quatre jours, après-midi, matin-nuit, descente de nuit, repos ; avec un seul opérateur présent sur le site.

 

Bien intégrés dans la population conquétoise, les "radios" recevaient les visites de leurs familles et d’amis pendant les quarts,  ce qui atténuait un peu leur isolement. C'est ainsi que dans la nuit du 16 juin 1949, un petit groupe de privilégiés a pu suivre, à la radio, depuis la porte de la cabane "salle d'exploitation", la retransmission du match de boxe Cerdan-Lamotta et la perte de son titre mondial par le champion français.

 

Le 10 mars 1950, le personnel au Conquet se compose ainsi : 1 inspecteur exploitation, 2 inspecteurs-adjoints exploitation, 2 inspecteurs-adjoints techniciens, 4 agents d’exploitation.

 

Vers la construction d’une station moderne

 

Les résultats des tests avec les navires donnant toute satisfaction, la D.S.R décide l’implantation définitive du centre radio au Conquet. Reste à acheter du terrain. La propriété Keraudy, entièrement close de murs est à vendre, les PTT en font l’acquisition et y ajoutent plus tard une petite parcelle pour l’édification d’un pylône, acquise de la famille Cam du Bilou (emplacement actuel du terrain de tennis désaffecté)

 




Plan de situation de la station radio du Conquet, travaux terminés





















Un permis de construire pour une salle d'exploitation, des annexes techniques et un bâtiment d'exploitation est mis à l'étude, le chantier sera réalisé par « l’Entreprise Générale, Société Française de Reconstruction ». Madame André Moineau, architecte DPLG a proposé ses premiers plans le 10 mai 1949, ils seront modifiés jusqu’en février 1950, mois du dépôt du permis. Le gros des travaux durera un an. A cette époque c’est Prigent Jacob, inspecteur d’exploitation qui fait office de chef de centre, il envoie directement ses rapports au directeur des Services Radioélectriques à Paris, sans passer par Gouesnou.

 




Opérateur, peut-être Guy Le Jollec, sur la position dite de "concentration" c'est-à-dire regroupant la télégraphie morse, la téléphonie, le standard téléphonique et le récepteur gonio.






















Le chantier n’est pas achevé quand les opérateurs radiotéléphonistes s'installent dans leur nouvelle salle de travail.


                                                                                                                                                                                                        Ci-dessous :
la salle d'exploitation et quelques maisons sont terminées, les autres sont en travaux.





 















On s’empresse alors d’achever les mises au point des nouveaux  équipements de radiotélégraphie qui sont testés en situation réelle le 27 septembre 1951, en répondant au S.O.S du cargo français Bakala.

 

Brest - Le Conquet Radio naît officiellement le 31 octobre 1951 dans ses nouveaux locaux.  Le personnel resté à Gouesnou rallie Le Conquet le mois suivant.

 

Décembre 1951, c’est Adam chef de section, qui est chargé de la station, Moisson et Jacob, inspecteurs assurent la surveillance des travaux, et c’est Joseph Quéré, qui nommé chef de centre, assure la réception définitive de la première tranche de travaux le 4 décembre 1952.


Vue aérienne, ensemble terminé.


 





Ci-dessus et ci-contre, deux vues entre 1954 (année de la mise en place sur le toit de l'antenne gonio, et 1959)








En photo incrustée au premier plan un opérateur, peut-être François Le Borgne











Construction d’un centre émetteur déporté

 

Durant les premières années, l’émission et la réception se font à la pointe des Renards, ce qui n’est pas très confortable, les émissions brouillant la réception, faute d’un écart suffisant entre les antennes, sauf à pratiquer l’alternat. Du terrain a donc été acheté à Plougonvelin près du hameau de Trémeur, pour y implanter un centre d’émission qui sera télécommandé du Conquet.

 

Les travaux se sont déroulés  entre le 31 janvier 1952 (dépôt du permis de construire) et 1955.

  


Le bâtiment technique de Trémeur en travaux




















Une station opérationnelle pour une cinquantaine d’années

 

Comme Ouessant-Radio, comme Gouesnou-Radio et comme toutes les stations côtières PTT en service du début des années 50, à la fin du siècle :  Boulogne-Radio, Saint-Nazaire Radio, Arcachon-Radio, Marseille-Radio et Grasse-Radio. Radio-Conquet a assuré une double mission :

 

- Service commercial, échange de télégrammes et établissement de communications téléphoniques avec les navires en mer.

 

- Sauvegarde de la vie humaine en mer

  1/ Prévention : diffusion de bulletins météos et d’avis urgents aux navigateurs, veille permanente sur les fréquences d’appels et de détresse en phonie et en morse.

  2/ Participation active dans la gestion des accidents de mer

 

Et aussi comme les autres stations de Manche-Mer du Nord et d’Atlantique, Le Conquet a assuré un service des pêches.

Le service des pêches

 

1948, Au moment où la Direction des Services Radioélectriques organise son réseau de station côtières, l'administration des PTT accorde à des stations privées (à titre provisoire), le droit de communiquer en radiotéléphonie avec des navires en mer. Par exemple : Concarneau / TKL en date du 24 septembre 1948)

 

L'organisation d'un service des pêches par la D.S.R, figure dans le décret du 4 décembre 1951, publié le lendemain au journal officiel..  Les premières vacations du Conquet ne concernent que les ports sans stations privées, pour les autres une guérilla s'instaure. Elle durera plusieurs années. Je ne vais pas en décrire ici les péripéties.

 

Douarnenez-Radio disparait vers le milieu de l'année 1952. l'offensive des PTT s'accentue vers la fin de l'année, elle concerne douze postes privés de la frontière belge à la frontière espagnole, pour l'Atlantique sont concernés cinq sites : Concarneau, Lorient, La Rochelle, Les Sables d'Olonne et l'île d'Yeu.

 

Au 16 mai  1953 la situation globale est la suivante:


Stations déjà supprimées
: Gravelines, Cancale, Paimpol, Fécamp, Camaret, Douarnenez, Le Guilvinec, Port-Louis, Etel.

Stations restant à supprimer: Dieppe, Port en Bessin, Concarneau, Lorient, Ile d'Yeu, Les Sables d'Olonne ( TKS rattachement à St Nazaire 1er décembre 1953), Saint-Jean de Luz..

En cours, mais problèmes : Concarneau, la station est exploitée par son personnel dans les locaux de la Compagnie Radiomaritime. (La fermeture effective va intervenir au 1er juin 1953).

 

Concarneau fermée, en ce qui concerne les transferts de vacations sur le Conquet, le gros morceau restait Lorient, où la station aussi propriété de la Compagnie Radiomaritime est exploitée dans la gare de Keroman sous l'indicatif TKG. 

A quelle date a fermé Lorient en émission, je ne le sais pas, mais en 1968, le correspondant local des pêches un nommé "Edmond" suivait encore les vacations sur un récepteur radio, personnage grincheux et peu coopératif, il trouvait toujours un motif pour exprimer son mécontentement. Il était la terreur des opérateurs débutants.

 

Organisation (simplifiée) du service des pêches

 

-Fonctionnement par abonnement payant

-Répartition dans la journée de « vacations » où les navires se regroupent par port

-Autorisation de transmettre à la station radio,  pour chaque abonné, des messages concernant l’exploitation du navire. Ces messages sont retransmis par la station aux correspondants agréés : comités locaux des pêches, mareyeurs, criées etc.


Pour exemple, en 1961, 800 navires de pêche sont rattachés au centre et pour les desservir, des vacations sont assurées chaque jour de 5h15 à 12h et de 15h à 18h45. Le contact est pris successivement avec les navires "mauritaniens" qu'attirent les hauts rendements en langoustes sur les côtes occidentales d'Afrique, puis avec les flottilles de Lorient, Douarnenez, Concarneau, Audierne, Camaret, Morgat, Saint-Guénolé-Penmarc'h, Lesconil, Loctudy, Le Guilvinec qui, du golfe de Gascogne au nord de l'Ecosse et à l'ouest-Irlande signalent leur situation, leurs besoins, leurs avoirs en cale et éventuellement leurs problèmes.
 




Position "pêche" au Conquet, au pupître Gérard Abalain qui en fut le titulaire durant plusieurs années (Photo France-Telecom, avant la modernisation de 1992).

Le bâti métallique de cette position d'opérateur avec ses équipements, après avoir été au musée d'histoire locale du Conquet jusqu'en 1999 est aujourd'hui exposé dans la salle d'accueil de l'abri du canot de sauvetage.














Jusqu’à la fermeture du service le 31 décembre 1999, précédant de peu la fermeture définitive des stations côtières françaises, plusieurs centaines de navires de pêche de tous genres et de tous tonnages, ont été fidèles « à l’heure de la vacation » qui était écoutée à terre par les familles sur la bande marine du poste radio.


Je reprends l'ordre chronologique

Extension du domaine des P.T.T

 Dès 1957, l’augmentation constante du trafic radio entraîne celle du personnel d’exploitation et technique de Radio-Conquet. Le nombre de pavillons existant n’est plus suffisant pour accueillir les nouveaux agents et leurs familles et surtout la salle de travail des opérateurs, et les locaux techniques sont devenus trop exigus.

 Rapidement une aile sud-nord est construite en retour d’angle du bâtiment existant, elle possède un vaste sous-sol techniques et des combles qui seront aménagés plus tard.  9 000 m2 sont acquis de monsieur de Blois, et une autre parcelle de monsieur Léon, pour l’édification de trois nouveaux pavillons doubles et de deux séries de garages, le tout situé entre la clôture Est de l’ancienne propriété Keraudy et  la « route touristique » qui n’existe pas encore.

La nouvelle salle 1959-60,  au premier plan le standard téléphonique, au fond le bureau du chef de brigade.










 


Position concentration" de la nouvelle salle 1959-60 : debout Joseph Quéré chef de centre, à la phonie Jean Cam, au télex Louis Baron
 

















Le bâtiment "énergie", il renfermait à l'origine un émetteur de secours télégraphie morse et les diesels à mise en route automatique en cas de panne électrique du réseau général EDF



La tempête de la nuit du 28 au 29 décembre 1965 a plié trois pylônes de Radio-Conquet.  Le vent après avoir soufflé du suroit jusqu'à 130 km/h a tourné au noroit en forcissant jusqu'à 145 km/h . Ce pylone de 30 m, a "enjambé" le toit de la maisonnette des O.T.C. (liaisons de secours radio avec les îles).
































Celui-ci (40 m) a épargné le toit d'un pavillon récemment construit.














Après ces déboires, un nouveau modèle de pylône support d'antennes a été adopté, aucun incident de ce type n'a été signalé par la suite. Deux d'entre-eux sont toujours en place, servant de relais de téléphonie mobile.

De 1960 à début 2000

Les missions restent les mêmes, les seuls changements sont d'ordre technique ou administratif. 

Principales dates en bref :

 

1er mai 1967 (Saint Nazaire) début de la généralisation de la VHF (communications radios sur de courtes distances) dans les stations (1971 au Conquet).   Impact immédiat : augmentation rapide du trafic en radiotéléphonie, avec un « pic» dans les années 1985-86. On recrute du personnel.

 


Le bâtiment d'exploitation en 1978.















1976, nomination au Conquet de la première femme opératrice de station côtière.

1976-82, passage progressif à la BLU (bande latérale unique) en phonie

1976-77, construction du foyer-bibliothèque



 




Vue aérienne décembre 1977, le foyer bibliothèque est en construction, (tout à fait à droite)
















Position (dite de nuit) pour un seul opérateur, à gauche télégraphie, au centre standard téléphonique et VHF, à droite téléphonie

(photo 1978)












1979-1980, ouverture du service VHF automatique monodirectionnelle

 

1988-1990, ouverture du service VHF bidirectionnelle

 

1990-92, modernisation des positions d'opérateurs, passage à l’informatique, refonte complète de la salle d’exploitation.

 










Salle modernisée 1992























1995-1999, chute des courbes de trafic, concurrence du téléphone portable en zone côtière et des liaisons par satellite au large, poursuite du regroupement progressif par télécommandes sur Le Conquet

 

-1985 reprise du trafic de nuit d'Arcachon-radio

-1986 reprise du trafic de nuit de Saint-Nazaire-radio

-1993 reprise de tout le trafic d'Arcachon-radio

-1995 reprise de tout le trafic de Saint Nazaire-radio


-1997 nuit du 31 janvier au 1er février, fermeture de la radiotélégraphie morse.


-1997 juillet,  naissance au Conquet de l'Entité Réseau Radio Maritime (ERRM)

-1997 reprise de tout le trafic de Marseille-radio

-(1998 janvier.. fermeture de Saint Lys radio)

 -Fin 1998 ou début 1999 reprise de tout le trafic de Boulogne-radio

-31 décembre 1999 fin des "vacations pêche"


28 février 2000 fermeture générale du radiomaritime en France. 

 

         








Mars 2000, la salle d'exploitation
abandonnée.










Une position de phonie avant démontage.



















Printemps et été 2000, démantèlement des centres, vente du patrimoine de France Télecom
.




Je compléterai plus tard cet article "plutôt technique", par des évocations des moments difficiles vécus par Radio-Conquet lors de sinistres en mer. JPC, (Radio-Conquet avril 1968 - juin 2001)





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1 avril 2009 3 01 /04 /avril /2009 10:22

GOUESNOU-RADIO - FFW 


J’ai tenu à inclure ce chapitre car plusieurs des opérateurs cités dans ce qui suit, ont poursuivi leur carrière à la pointe des Renards, ayant établi leur domicile au Conquet.

 

 

L'urgente nécessité de communiquer avec les navires en mer s'impose dès la Libération de Brest réussie par l'armée américaine en septembre 1944. La station radio d’Ouessant est inutilisable et irréparable, les PTT doivent parer au plus urgent pour rétablir le lien entre la terre et la mer.

 

Une opportunité se présente :

Pour communiquer avec ses sous-marins, l'amirauté allemande bombardée à Brest avait installé à Gouesnou au lieu dit Pen-Hoat, une station radio  Elle n'eut, paraît-il, à peine le temps de s'en servir avant l'arrivée des troupes US. 

 



 En tracé rouge, l'ancienne voie ferrée de Brest à Gouesnou puis Plabennec où un embranchement la scindait en deux, un tronçon vers Lannilis et les Abers, un autre vers Lesneven et au delà.

En 1945 les PTT occupent ce qui reste des constructions
, deux baraques en bois et un petit atelier en béton. La plus grande des baraques devient salle de trafic, elle est équipée de deux émetteurs SFR de 500 Watts, de deux récepteurs et d'un téléphone. La veille  500 kc/s se fait sur le récepteur 1, l'autre est réservé aux fréquences de dégagement 425 et 454 kc/s.

 

Les deux émetteurs sont devant l'opérateur à environ 1,50 mètre, le changement de fréquence se fait au moyen d'une grosse tige d'acier actionnée depuis le poste de veille, en faisant, par un mouvement de va et vient, tourner un tambour muni d'ergots à l'intérieur de l'émetteur, pour sélectionner la fréquence désirée. (Marcel Coat, qui a vécu cette période héroïque, m’a précisé que ces émetteurs provenaient de camions où ils étaient installés différement, ce qui explique le bricolage des perches pour changer de fréquence) 


 







Ci-contre, les deux tiges métalliques actionnées par l'opérateur pour changer de fréquence sans devoir quitter son siège.

La salle de trafic fait environ 6m X 4m

Dans la pièce de gauche un lit de repos dont le matelas brûlé en son milieu était un des rares objets rescapé d'Ouessant-Radio.















Le service commercial à Gouesnou s’ouvre le 1er octobre 1945, avec six opérateurs, le service se fait à deux le matin, un l'après-midi et un la nuit de 20 heures à 7 heures. 

Le 30 novembre, une note de service signée par Roi, Le Din, Balavoine, Joseph Quéré, Fercoq et Sarazin nous révèle leurs noms. Le trafic radio reçu des navires est téléphoné au Central de Brest et les observations météos en provenance des navires sont téléphonées à Guipavas.

 

1946, le 10 août, Lhermitte, directeur du service de la TSF à Paris signe avec un monsieur Floc’h de Gouesnou, l’acte d’acquisition d’une parcelle de 1 600 m² pour y construire des logements provisoires. Le terrain est limité à l’ouest par la ligne du chemin  de fer départemental, au sud et à l’est par la route de Plabennec, au nord par la propriété Floc’h.

 

Les bâtiments construits en bordure de la route Gouesnou-Plabennec se composent de  deux logements de trois pièces en rez-de-chaussée avec sanitaires et bûchers en appentis, adossés à la face arrière.

  

1948 ou 49, le chef de centre se nomme Marquebienne (je ne suis pas sûr de l’orthographe, sa signature est difficile à déchiffrer, Marcel Le Bars m'a écrit Marquebielle). Le personnel se compose de Germain, Baudet, Roi, Balavoine,  Marcel Le Bars et Le Din. Avant l'arrivée de Marquebienne, Germain (55 ans en 1945) faisait office de chef de poste.


L’existant bâti comporte alors les pavillons de la route de Plabennec, un pavillon double  et un pavillon simple au centre.

 

La cabane est située au milieu d'une prairie, les opérateurs viennent prendre leur service en sabots ou en bottes, en 1947 ou 48, un chemin empierré permettra une liaison facile entre les divers bâtiments.  Un détail d'importance, la veille se fait au casque, il n'y a pas de haut-parleur et le WC se trouve à l'extérieur adossé au pignon du bâtiment. Conscience professionnelle oblige, les opérateurs appelés à faire la veille seuls, ont accroché à une pointe dans ce WC un casque avec un long fil passant par un vasistas au ras du plafond. Ainsi la veille peut être assurée en toutes circonstances.


A propos de l'antenne :  au tout début l'antenne unifilaire était tendue entre un mât en bois et le local technique. Très vite elle a été installée entre deux pylônes métalliques de part et d'autre de la cabane. Bonne aubaine pour les opérateurs. Dans la baraque il y avait bien une chaudière mais pas de charbon, la pénurie consécutive à la guerre perdurait. La direction des Services Radioélectriques a fourni à ses employés une hache et des scies et le grand mât en bois est passé en petits morceaux  dans la chaudière.

 

Pendant ce temps (1948) Radio-Conquet sortait de l’ombre (ou du silence), j’en reparlerai plus loin.

 

Dans les notes de service du cahier d’ordres de Gouesnou, j’ai relevé celle-ci, 25 février 1948 : Service du marché par la voiture automobile : « Je rappelle que la charge utile limite de la camionnette FB12 de la station est 300kg. Dans ces conditions, les jours de marché, la voiture ne devra prendre à son bord qu’une personne par famille du personnel  de la station, à concurrence de cinq passagers et du conducteur, Pierre (Marcel) Floch.

 

1949, le personnel de Gouesnou et du Conquet relevait du même chef de centre, l’effectif cumulé Gouesnou-Le Conquet mentionne 19 noms, Germain, Roi, Jacob, Moisson, Caldini, Marcel Le Bars*, Guenno, Albert Berthou,  G. Berthou, Kersaudy, Chabrat, Pleiber, Marcel Coat, Pierre Kerdreux,  Jean Tromeur, Jegou,  Jean Cam, Floc’h, Balavoine. Cette année là on note la mise en service du premier télétype (Creed) à Paris BCR, y sont raccordées les stations de Saint-Lys, Gouesnou, Saint-Nazaire et Marseille. (En bleu ceux de Gouesnou à cette date)

 

*Marcel Le Bars, qui m’a communiqué ses souvenirs, lorsque nous étions ensemble à la pointe des Renards,  avait  quitté Gouesnou-Radio en décembre 1950, nommé inspecteur à Alger-Radio. De retour plusieurs années après, il a terminé sa carrière comme adjoint au chef de centre à Radio-Conquet.

 

Au 10 mars 1950, le tableau de service de Gouesnou répertorie : 1 chef de centre, 1 chef de section exploitation, 2 inspecteurs exploitation, 5 inspecteurs-adjoints exploitation, 1 inspecteur-technicien, 1 ouvrier d’état radio-électricien.

 

Droit de pacage :

Un autre détail aujourd'hui amusant, par note de service du 29 mai 1951, signée par le Directeur des Services Radioélectriques on apprend que monsieur Germain, inspecteur, PTT de la station de Gouesnou,  autorisé jusqu’à cette date à laisser pacager son troupeau sur une partie du terrain du centre radioélectrique, se voit retirer cette faveur, au profit d’un nommé Prigent, agriculteur voisin. Marcel Coat précisait que dans le personnel de Gouesnou il y avait des anciens de Ouessant-Radio, et que les moutons qui étaient engraissés dans l’enceinte de Pen-Hoat, provenaient de l’île.

 

 

Ce document "du pacage a l'intérêt de nous montrer le plan de la station de Gouesnou.


































Gouesnou radio FFW émettra et recevra les messages des navires en mer pendant environ sept ans 1945-1952, et seulement en radiotélégraphie (morse). 


La mission de Gouesnou-radio
, en continuité de celle d’Ouessant, consistait en :

- un service commercial d’échange de télégrammes avec les navires en mer

- un service lié à la sauvegarde de la vie humaine en mer :

 

Prévention :  

   -- diffusion de bulletins météorologiques

   -- diffusion d’avis urgents aux navigateurs (Avurnavs)

   -- veille de sécurité permanente sur la fréquence 500 kc/s

 

Traitement des accidents de mer

-- lien incontournable entre le navire en difficulté, les navires sauveteurs, les secours à terre etc.

 

Les avis aux navigateurs, que ce soit ceux de FFW ou d’autres stations, hier ou aujourd’hui, n’ont jamais bénéficié d’une écoute très attentives des opérateurs de bord.

 

Juste pour exemple, le 6 novembre 1950, le navire hollandais Wiebold Bohmer qui rentrait de nuit à Brest sans pilote, a heurté la roche Mengam dans le Goulet. Le feu de la tourelle était en panne depuis deux jours, mais un avurnav était diffusé par Gouesnou-Radio. Par chance le navire sérieusement avarié et faisant eau, a pu rejoindre la cale sèche de Brest où il a été plus tard réparé.

 

Je compléterai cet article par des récits d’accidents de mer, traités par Gouesnou-Radio FFW.

 

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27 mars 2009 5 27 /03 /mars /2009 14:21

HISTOIRE DE LA "RADIOMARITIME" A LA POINTE DE BRETAGNE

-OUESSANT RADIO : RADIOTELEGRAPHIE
-GOUESNOU RADIO : RADIOTELEGRAPHIE
-BREST-LE CONQUET : RADIOTELEPHONIE ET RADIOTELEGRAPHIE

INTRODUCTION : QUAND LES BATEAUX « NE PARLAIENT PAS »

 

Avant l’invention de la radio, on connaissait l’heure de départ d’un navire et ensuite il fallait attendre qu’il soit arrivé à destination pour apprendre le récit de son voyage.

 

Les seules nouvelles intermédiaires pouvaient venir de navires rencontrés, ou d’identifications aux passages  à vue des phares ou des sémaphores.

 

Pigeons-voyageurs

 

A la fin du XIXe le lâcher de pigeons-voyageurs depuis des navires n’était pas une nouveauté mais les grands paquebots en ont amélioré la pratique, comme on peut le lire dans cet article du journal « Le  Yacht » daté du samedi 8 avril 1899 :  « le service des dépêches par pigeons voyageurs entre les paquebots de la ligne Le Havre New-York vient d’entrer, après sa période d’essais, dans l’application et déjà des passagers ont pu l’utiliser.

 

Pour transmettre les dépêches, la Compagnie Transatlantique s’était bornée pendant les trois voyages d’expériences de La Touraine, La Normandie et La Champagne, àOSA-OUESSANT-transat-la-provence.jpg l’envoi de papiers pelures sur lequels les passagers inscrivaient directement leurs messages.

Le  système Ledier a amélioré le service : les messages sont  photographiés, réduits et enfermés dans un petit tube de caoutchouc attaché à une des plumes du pigeon. Un pigeon peut emporter 54 dépêches du modèle : « Paquebot …..  à bord le…. plus 10 lignes »

 

 


LES TRANSMISSIONS
: quelques dates repères

 

-30 thermidor an II (17 août) 1794, première utilisation officielle du télégraphe optique de Claude Chappe pour annoncer à la Convention Nationale la reprise du village du Quesnoy.

 

-1837, invention du télégraphe électrique attribuée à Cooke et Wheatstone

 

-1844, établissement de la première ligne télégraphique (65 km) utilisant le procédé mis au point par Samuel Morse entre Washington et Baltimore (U.S.A). Le physicien américain utilisait l'électro-aimant inventé par les savants français Ampère et Arago, mais il reste surtout célèbre par son alphabet codé en points et en traits qui a donné à la radiotélégraphie son nom commun, "le morse".

 

-1876 expériences de transmission de la parole par Graham Bell, elles aboutiront à l'invention du téléphone.

 

-1895 de nombreux savants expérimentent la transmission sans fil, l'histoire a mis en avant celui qui a su "commercialiser" la T.S.F, un jeune italien expatrié en Angleterre, Guglielmo Marconi.

 

 

Camille Papin Tissot

 

En France, c’est à Brest que la radiotélégraphie a fait ses « premiers pas » grâce à Camille Tissot. J’ai eu la chance en 1969, de découvrir ce savant oublié, dans un article des « Cahiers de l’Iroise », écrit par Charles Yves Peslin.  Aujourd’hui réhabilité et honoré,  un site internet richement documenté  lui est consacré :  www.camille-tissot.fr. Le portrait de Camille Tissot, mort pour la France en 1917 figure au cénotaphe de la pointe Saint-Mathieu.

 

Camille Tissot, né le 15 octobre 1868 à Brest, entré à l’école navale en 1884 à l’âge de 16 ans,  il est lieutenant de vaisseau et  professeur de physique et chimie à l'Ecole Navale lorsqu’il  réalise fin 1898, une liaison par T.S.F entre le sémaphore du Parc au Duc, à l'entrée de la Penfeld et le vaisseau-école Borda  mouillé à un mille de là. Tissot renouvelle son expérience devant le ministre de la Marine Lockroy, en visite à Brest le 11 avril 1899.


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Le sémaphore du Parc au Duc à l'entrée de la Penfeld
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Brest, le navire-école Borda sur rade.














La Marine sait alors que les Anglais expérimentent avec un certain succès les communications à grande distance entre les navires, au moyen du télégraphe sans fil de Marconi. « En attendant, dit un commentateur début septembre 1899, monsieur Tissot continue ses expériences de TSF entre divers points de la côte. Un appareil va être installé dans le grand phare de Trézien (hauteur 84 mètres). Il serait en effet intéressant de pouvoir communiquer par le télégraphe sans fil entre le littoral du chenal du Four et Ouessant car les ruptures des communications par câbles télégraphiques sous-marins sont nombreuses, dues au mauvais temps. » 

 

On lit dans  « Le Yacht »  du 12 septembre :

« Les expériences de monsieur Tissot entre Trézien et  Le Stiff d’Ouessant ont été réussies (11 milles marins) ». Et dans le journal du 2 octobre, « les essais continuent avec succès entre le nouveau phare de l’île Vierge et le Stiff distants de 23 milles marins. Les appareils utilisés sont des « Ducretet ». C’est un très beau résultat à adapter sur nos grands croiseurs d’escadres. » En fait les appareils dits « Ducretet » ont été conçus par le savant russe Popov (inventeur de l’antenne) et améliorés par le français Ducretet.

 OSA-OUESSANT-carte-tissot.jpg

 


















Dès lors les performances ne cessent de s’améliorer, chaque état essayant de devancer les états rivaux ou ennemis potentiels, car bien sûr, les premiers intéressés par ce nouveau mode de communication à distance sont les militaires. Le journal "Le Finistère" s'en fait l'écho le 12 janvier 1901, « des essais de télégraphie ont eu lieu entre des bâtiments de l'escadre de la Méditerranée, c'est une révolution dans la transmission des ordres, la portée est de 18 à 20 milles. » Deux mois plus tard l'escadre de l'Atlantique effectue des exercices semblables.

 

La T.S.F est entrée dans l'histoire maritime.

 

1901 :  Le Yacht du 6 juillet :  " l ‘emploi de la télégraphie sans fil dans la Marine. Tous les bâtiments amiraux des deux escadres et plusieurs croiseurs ont reçu les installations voulues pour ce mode de communication. Ils ont  commencé des exercices avec les postes installés sur le littoral d’où ils s’éloignaient : Fort Saint-Louis à Toulon, Ouessant et Saint-Mathieu près de Brest.

Dans la marine française, les essais ont été faits par Tissot avec du matériel fabriqué par Eugène  Ducretet, maintenant les appareils les plus répandus sur les bâtiments de guerre sont ceux de Rochefort, ingénieur-constructeur à Paris. Ils sont robustes et puissants et donnent toute satisfaction. La portée des signaux est environ 30 milles mais tous les opérateurs sur la fréquence peuvent écouter…" (donc pas de confidentialité dans les messages)portrait-camille_2.jpg


 

Tissot plus tard docteur ès-sciences, fut professeur à l’Ecole Supérieure d’Electricité à partir de 1912, l’année même où il fut promu capitaine de frégate. (Voir site Internet mentionné plus haut).

Portrait de Camille Tissot au cénotaphe de la pointe Saint-Mathieu
(Photo collection famille Tissot)




OUESSANT-RADIO. VERSION SIMPLIFIEE.

A OUESSANT-RADIO, les opérateurs n'ont jamais pratiqué que la télégraphie (Morse)
 

Dans un contexte qui commence à se réglementer naît la première station de TSF maritime en France : les Postes et Télégraphes prennent à la Marine le contrôle d’une station expérimentale sur l'île d'Ouessant en 1904. Au début son rôle n'est pas très bien défini, une circulaire précise simplement ceci : "jusqu'à ce que de nouvelles dispositions soient prises, la station radiotélégraphique d'Ouessant assurera exclusivement l'échange des télégrammes officiels émanant de la Marine et prendra part, sur la demande des autorités maritimes aux expériences que les navires de guerre ou les autres postes terrestres de la Marine pourront avoir l’intention d’effectuer avec le poste d’Ouessant.”

 

Une attention toute particulière est prêtée au précieux matériel, trois feuillets d'instructions précisent les règles d'entretien des instruments .."Le matin avant toute chose l'antenne est descendue, examinée, et son isolateur soigneusement frotté, d'abord avec un linge sec puis avec un linge imbibé de pétrole. Les bâtons d'ébonite du bas de l'antenne reçoivent les mêmes soins, ainsi que l'isolateur d'entrée de poste. La bobine Rochefort, le condensateur, les socles, la table de transmission elle-même font l'objet d'un nettoyage semblable. Il convient de ne jamais perdre de vue qu'un isolement parfait est indispensable pour obtenir de longues portées et éviter des accidents, etc."

 

 

OUVERTURE OFFICIELLE DE OUESSANT-RADIO

 

Décret du 28 septembre 1904.

Le Président de la République Française décrète :

"... Est autorisé l'échange des télégrammes privés entre les navires en mer et les stations radiotélégraphiques situées sur le littoral de la France, de l'Algérie et de la Tunisie qui seront désignées à cet effet par le Ministre du Commerce, de l'Industrie et des Postes et Télégraphes..."

                                   Signé: Emile Loubet

 

Arrêté du 7 octobre 1904.

Le Ministre du Commerce, de l'Industrie et des Postes et Télégraphes  arrête

"... La station radiotélégraphique d'Ouessant est ouverte à partir du 10 octobre 1904 à l'échange  avec les navires en mer, des correspondances privées originaires ou à destination de la France, de la Corse, de l'Algérie, de la Tunisie, de la principauté de Monaco et des vallées d'Andorre.."

                                   Signé: Georges Trouillot

 

 

Le poste de télégraphie sans fil d'Ouessant est uniquement chargé de la transmission des télégrammes, il n'a donc aucune relation avec le public et n'a pas à assurer la taxation des télégrammes, ni leur remise. En attendant le raccordement électrique au poste électro-sémaphorique de Ouessant-Stiff, tous les télégrammes provenant des navires sont à porter au sémaphore pour être acheminés par le réseau général.

 

 

Le service permanent,  est assuré par trois commis plus l'ouvrier Georget, chargé de la maintenance et de la réparation des matériels. Un seul agent est de service à la fois, le premier fait la journée de 8 heures à 19 heures, le second fait la nuit de 19 heures à 8 heures le lendemain matin, le troisième est de repos. Un retraité de la marine (Conan) assure l’entretien du mât, des drisses et de l’antenne. L'un des trois commis, monsieur Gourvenec est désigné comme responsable du service. C'est à lui de régler les dépenses d'éclairage, de chauffage, de nettoyage des locaux et en général toutes les dépenses à la charge des receveurs des bureaux des Postes et Télégraphes, à l'aide d'une indemnité de 800 francs.

Les indemnités pour travail de nuit sont payées au tarif ordinaire, et les agents perçoivent une prime mensuelle de 15 francs pour "manipulation d'appareils perfectionnés".

Les agents et l’agent mécanicien (monsieur Morice qui a dû remplacer Georget) d’Ouessant TSF, auront droit à une indemnité de logement de 100 francs par an, comptée à partir du 1er janvier 1907. Cette indemnité de logement tiendra lieu de frais de séjour.  .         

 

 

Correspondances des navires allemands

 

Le Yacht, samedi 1er avril 1905, le paquebot Hambourg ayant à son bord l’empereur d’Allemagne,  a passé samedi matin à 7 heures au large de Créac’h, route au sud-sud-ouest, escorté par le croiseur Friedrich-Karl. Monsieur Magné inspecteur de la télégraphie sans fil à Paris, s’était rendu au poste d’Ouessant pour surveiller la transmission des dépêches impériales. On sait que le poste d’Ouessant n’appartient plus à la Marine qui l’a créé mais a fait retour à l’administration des Postes et Télégraphes. La Marine a conservé jusqu’ici le poste de TSF de la pointe du Raz de Sein. »

 

L'Administration des P et T passe en juillet 1906, un accord avec la compagnie de navigation allemande :

          Hamburg-Sud-Amerikanisch-Dampfschiff-Fahrts-Gesellschaft,

dont le siège social est à Hambourg, Holzbrucke 8. Il a été décidé que les navires de la compagnie munis d'appareils de TSF, pourront transmettre à Ouessant les télégrammes à destination de pays quelconques y compris la France. (Dépôt de garantie déposé par la compagnie à Paris 44)

Les navires sont le Cap Blanco/ DCB et le Cap Ortegal/ DCO, un troisième navire, le Cap Vilano, en construction entrera en service fin août prochain.

Les appareils allemands sont de marque Telefunken d'une portée officielle de 200 kilomètres mais qui peuvent trafiquer en réalité à 250 et même à 300 kilomètres. Dans les mois suivants, plusieurs autres compagnies allemandes bénéficieront du même contrat. Dont la compagnie Hamburg-Amerik-linie. L'itinéraire de ses paquebots vers New-York est le suivant : départ de Hambourg le jeudi avec escales à Southampton et Cherbourg le vendredi. Au retour de New-York, escales à Plymouth et Cherbourg le jeudi pour le Deutchland,  et le vendredi pour les autres.Photo-25-SS-Deutschland-500-1-.jpg

 


Le paquebot allemand Deutchland, photo source
Internet.











Par contre les navires français semblent bouder la station, en 1905 déjà, les opérateurs d'Ouessant se plaignent de ne pouvoir délivrer les messages, aux paquebots qui ne répondent pas à leurs appels. Les paquebots de la Transat, préfèrent les stations étrangères et surtout lorsque celles-ci améliorent la portée de leurs émissions.

 

En 1907, trois paquebots français la Provence, la Savoie et la Lorraine sont munis d'appareils à longue distance. Ils peuvent communiquer avec Cap Cod (Massachussets) et Poldhu (Angleterre), jusqu'à environ 3 000 kilomètres. Il n'y a donc interruption de la liaison radiotélégraphique que quelques heures pendant la traversée de l'Atlantique;

 

Un effort est cependant fait vers nos nationaux :

Télegramme: 1908

OFF= Ouessant de Paris n° 57944 87 25/6 0530

Ingénieur à commis responsable TSF d'Ouessant

Bateaux Compagnie Transatlantique échangeront à partir samedi 27 juin communications radiotélégraphiques avec vous. Appelez  La Touraine indicatif  LT qui partira du Havre samedi 8 heures du matin dès que supposerez dans votre rayon d'action. Surveillez attentivement ses appels qui seront OSA. Faites l'impossible pour entrer en relation.

Recevez tous ses radios dans les mêmes conditions que ceux des bateaux allemands et passez lui ceux que vous aurez pour elle. Provision de garantie déposée.OSA-OUESSANTla-touraine.jpg

 



















Les archives ayant disparu, on ne connait pas le volume du trafic de Ouessant-Radio. L’administration des Postes et Télégraphes juge au début des années 1910 que l’avenir du service commercial est assuré puisqu’elle met en construction à Ouessant l’année suivante un bâtiment d’exploitation « moderne ».

 

 UN TEMOIGNAGE.

 

L'écrivain  Bernard Kellerman qui vivait à Ouessant à cette époque, nous a laissé dans son roman "La Mer", un descriptif original de la station de radiotélégraphie fréquentée par son héros.

 

   Extraits de Kellerman.. LA MER. 1910.

 

"Enfin, c'était Stiff. Son petit phare jaune nageait comme recroquevillé dans une ampoule, la cabane de la station de T.S.F était accroupie dans la lande balayée, comme une bête grise ébouriffée. Même dans le soleil, Stiff avait un aspect si désolé, si désert et si oppressant que le mouvement du coeur s'y ralentissait. Mais aujourd'hui c'était un désert sublunaire qui répandait l'effroi. Et comme le drapeau noir se dressait méchamment sur le sémaphore! Ici la tempête me poussait devant elle comme un paquet, elle me portait par intervalles, et finalement je réussis tout juste à me couler de pierre en pierre, à quatre pattes. J'étais à bout de souffle et j'avais le mal de mer à force d'épuisement quand j'atteignis la station de T.S.F. Je martelais les volets de fer.


Monsieur Boucher était là. Dieu merci! Il se jeta contre la porte.

-Tirez donc! cria-t-il.

-Mais je tire! répondis-je.

La porte se referma, comme poussée par un ressort. Est-ce qu'à deux hommes nous ne serions pas en état d'ouvrir une misérable porte? M. Boucher passa un gourdin dans l'entrebâillement, je tirai, et la porte vola avec fracas contre la paroi. Elle y resta comme vissée....

-On dit qu'il y a un navire en détresse, monsieur Boucher?

-Regardez par ce hublot. Il est là en bas. Ne le voyez-vous pas?  Un bateau de pêche".

 

Le narrateur quitte alors la cabane et descend le chemin qui mène à l'abri du canot de sauvetage du Stiff.

 

Plus loin dans le récit, nouvelle visite :

"J'allais donc à Stiff à la station de T.S.F.. Monsieur Boucher maniait le levier et les éclairs verts jaillissaient entre les conducteurs polis, ronflant et crépitant. Par moment le vapeur avec qui nous parlions était tout près et nous pouvions voir son oriflamme de fumée à l'horizon. Mais souvent ils étaient loin. "S'il vous plaît, donnez-nous votre point!" Trr-trr-tac-tac-trr -c'était son point. Dieu nous assiste, où était-il? Il était encore à l'ouest des Açores..."

"Alors  M. Boucher posait sur sa calvitie l'étrier d'acier portant le récepteur, il épiait le tic-tac et écrivait les mots. Nous pouvions entendre tout ce que Lizard télégraphiait aux grands transatlantiques qui impriment chaque jour un journal. De la sorte nous étions informés de tout ce qui occupait le monde...  .. Les fils de notre antenne oscillaient et cliquetaient et le vent rasait la lande déserte. Trois de nos petits rats qui habitaient la station (il y en avait dix-sept) jouaient devant la porte. Mais la mer déferlait. Dès qu'il faisait sombre, la lande devenait blanche comme dans le clair de lune, deux fois, puis elle flambait une fois, rouge comme de la mousse en flammes. C'était le feu de Stiff. Quand M. Boucher sortait pour prendre une gorgée d'air, il apparaissait deux fois, comme un fantôme de craie, puis se transformait en un démon rouge."

 

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OUESSANT, LA NOUVELLE STATION

 

Le trafic commercial le justifiant, une grande station moderne avec des bâtiments « en dur », est ouverte à Ouessant en 1911, deux pylônes de 75 mètres écartés de 150 mètres supportent l'antenne, une nappe verticale.  Ouessant émet et reçoit toujours sur l'onde de 600 mètres,  (500 kc/s). Les émissions se faisant sur une bande très large, on pouvait les capter selon l'éloignement de la source entre 400/500 et 700/750 mètres de longueur d'onde. Ouessant et Land's End radio ne pouvaient travailler ensemble sans se gêner, heureusement le trafic n'était pas très encore très conséquent ce qui limitait les conflits d'antenne. Le registre américain Wireless Telegraph Stations in the World édition de 1912, nous précise que l’indicatif radio de Ouessant (qui fut OSA et deviendra FFU), était à cette époque UOS, et que sa portée nominale était de 375 milles.OSA-PLAN.jpg

 


Extrait du plan de situation de la station d'Ouessant
Document 1929















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Ouessant, la nouvelle station











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La station d'Ouessant près du bourg de Lampaul

















Jusqu'à la guerre 1914-1918, le trafic des stations existantes concerne essentiellement les paquebots qui relient les grands ports d'Europe aux Amériques, ou traversent la Méditerranée vers les possessions françaises d'Afrique du Nord, mais les grands voiliers de commerce, les vapeurs et les gros navires de pêche s’équipent progressivement en radiotélégraphie.


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Yacht armé et équipé de la TSF patrouillant sur les lieux de pêche pendant la guerre 1914-1918










RAPPORTS AVEC LA MARINE : Conflits Ouessant-Radio et Marine de l’Etat

 

Un exemple extrait de la revue « Le Yacht » du samedi 8 avril 1911.

 

Brest le 4 avril : Depuis mardi, l’escadre a évolué dans la brume ente Sein et Ouessant. Elle a regagné Brest jeudi vers 4 heures du soir.

A propos des navires dans la brume, l’escadre s’est trouvée très gênée par les émissions du poste de TSF d’Ouessant qui contrariait les communications de l’amiral Aubert à ses bâtiments alors que ceux-ci naviguant  sans se voir dans les parages d’Armen, se trouvaient en assez mauvaise posture. L’amiral signala alors au poste d’Ouessant « Prière de faire silence vous gênez l’escadre qui se trouve dans la brume ». Rappelons que le poste d’Ouessant a été cédé par la Marine aux Postes et Télégraphes. Nous nous élevâmes ici même contre cette faiblesse de la Marine qui avait tout fait, mis au point, pour se dessaisir ensuite au profit d’une administration étrangère et nous prédîmes qu’un jour ou l’autre il en résulterait des difficultés. Voici en effet la réponse stupéfiante faite à l’amiral Aubert par le fonctionnaire des PTT préposé au bureau d’Ouessant : « Monsieur je n’ai pas transmis trois mots en tout depuis dix minutes, vous et les postes de la flotte n’avez pas cessé un seul instant rendant mes explorations impossibles. Il y a aussi des paquebots dans la brume. Il n’est pas besoin que Rochefort, Lorient et Cherbourg se passent des dépêches sans fil, ils ont des fils entre eux, ils n’auraient pas besoin de troubler les communications des navires qui sont dans la brume. C’est à eux qu’il faut dire d’être moins loquaces. » Nous nous en serions voulus de changer un mot de cette stupéfiante réponse qui vient si bien à l’appui de notre thèse que la Marine aurait dû conserver toutes les stations côtières de TSF. Ainsi notre escadre peut se mettre au plein pourvu que quelques paquebots étrangers qui ont toute la largeur de l’entrée de la Manche puissent échanger des messages privés quelconques avec Ouessant. Il est vrai que les paquebots paient bien. Remarquons que l’escadre employait des émissions à faibles étincelles peu gênantes, et que l’amiral Aubert qui s’est fait rabrouer par un employé subalterne n’est nullement responsable des abus que peuvent commettre les postes de Cherbourg, Lorient et Rochefort. En outre on ne voit pas bien en quoi les émissions du poste d’Ouessant peuvent aider les paquebots dans la brume. A l’heure actuelle elles peuvent tout au plus leur brouiller les signaux horaires de la Tour Eiffel.

 

Une note de sa hiérarchie à monsieur le Chef de Poste de la station d’Ouessant :

En examinant vos procès verbaux radiotélégraphiques, je vois que certains agents font suivre leurs constatations de réflexions inutiles, dans le genre de celles-ci, “le service de la station de Kerlaer parait être assurée par un impotent”.. “Il a décidement l’oreille paresseuse”  PV 161 du 12 septembre courant.

Je vous prie de faire remarquer aux agents qu’ils n’ont pas à consigner leurs réflexions sur les PV et qu’ils doivent se borner à constater les faits.

        Vous voudrez bien les en aviser par la voie de l’ordre.

         Paris le 18 septembre 1912, P.  l’Ingénieur etc...

 OSA-kerlaer.jpg


 La station "Marine" de l'Arsenal de Brest, Kerlaer, indicatif TQF, émet aussi sur 600 kc/s avec une portée de 700 milles. (1910)
Je n'ai trouvé que cette photo, sur un site Internet américain, et je ne sais pas exactement où était située cette station. Vers la Maison-Blanche ou les Quatre-pompes? Peut-être. 


















Et aussi :

Circulaire n° 54, (18/9/1913) Au cours des enquêtes effectuées à la suite de réclamations du ministère de la Marine, il a été constaté que le personnel des stations de l’adminitration se livrait parfois à des observations importunes ou désobligeantes envers les stations de ce département. De pressantes recommandations sont adressées aux agents des stations de l’administration pour que leurs rapports avec leurs correspondants quels qu’ils soient et quelle que soit leur attitude restent toujours empreints de la plus grande correction. ...

 

OUESSANT ET LA RADIOGONIOMETRIE

Le poste civil d’Ouessant, conjugué par téléphone avec le gonio (Marine) de Pen ar Roc’h, assurait le service d’émissions du gonio en même temps que son service commercial. Lorsque Pen ar Roc’h recevait une demande de relèvement il en avisait Ouessant. Celui-ci interrompait immédiatement ses transmissions par brume ou temps bouché, pour assurer le service goniométrique. Cette prestation fut facturée 6 francs par relèvement en 1920.

 

OUESSANT ET LE SERVICE METEOROLOGIQUE

 

Service météo.  Note du chef de centre aux opérateurs : il arrive que des opérateurs de navires nous demandent le temps qu’il fait. La charge d’un pareil service ne nous incombant pas, nous pouvons refuser de fournir ces renseignements .. Il est cependant préférable de les fournir si on peut le faire. Des observations complètes comportent des renseignements relatifs au ciel, au temps, à l’état de la mer, à la direction et à la force du vent, à la pression, à la température: exemple.. Ciel nuageux, temps clair, mer agitée, forte brise de N.E, bar 766, ther 15.

Pour s’orienter, il importe de savoir que la façade du poste est orientée exactement Nord-Est, (45° avec le nord). Pour obtenir la direction du vent, il faut s’éloigner un peu des bâtiments.

(Ajout en  marge d'un cahier d'ordres, le service météorologique officiel sera ouvert le 1er janvier 1923).

 

 1er mai 1920 Avis de tempête, les avis de tempête établis par le bureau central météorologique sont transmis sur 600m par les stations de Cherbourg, Brest-Mengam, Lorient, Rochefort, Toulon et Ajaccio.. Ils affectent la forme TTT suivi de Manche tempête NW, Bretagne tempête SW etc..  L’Administration appelle l’attention du personnel sur l’importance qu’il y a au point de vue de la sécurité des navires en mer à ce que votre station n’entrave pas en quoi que ce soit les retransmissions de ces avis.

 

 

OUESSANT ET LA SAUVEGARDE DE LA VIE HUMAINE EN MER

 

L’action des opérateurs de la station pendant les tempêtes de décembre 1929 en est une belle illustration, sanctionnée par une lettre de félicitations du ministre des PTT, le 10 janvier 1930.

Monsieur Germain Martin, est heureux de signaler qu’au cours des évènements dont il s’agit, le personnel des stations côtières s’est pleinement montré à la hauteur de sa tâche et a rempli avec le plus grand dévouement et sans défaillance le rôle d’auxiliaire de la navigation qui lui est confié. (communiqué de presse).

Le directeur du service de la TSF à monsieur le chef de centre de la station d’Ouessant Radio :

 

En vous communiquant ci-joint une note publiée par la presse, j’adresse au chef de centre ainsi qu’aux agents de la station mes félicitations et mes remerciements. Je leur demande de continuer leurs efforts pour maintenir la bonne réputation du service radiotélégraphique français. Signé Picault.

 

Le chef du poste d’Ouessant se nomme Lestautte, il a dû succéder à Le Poupon,  le personnel d’antenne se compose de messieurs Chabbal, Gaudin, Germain, Koch, Nicolas, Page, Peyregue, Richard, Roi.

 

La Dépêche de Brest titrait le 6 décembre 1929, « un record de SOS a dû être battu hier. Fouaillée par l’ouragan de ces jours derniers dont la violence augmentait encore, la mer impétueusement déchaînée, mit en péril de nombreux bâtiments… »  et la tempête continua plusieurs jours encore.

 

Parmi les navires les plus touchés on relève :

 

L'Helen victime d'un accident de machine réclamait assistance..

Voici deux messages captés par Ouessant-Radio concernant l'Helen:

"Du steamer Asturias à 7h45,par 46 44N et 6 50W, le vapeur danois Helen, ses machines complètement désemparées demande assistance"

"Du vapeur anglais Sabor à 10h30, nous sommes près du vapeur Helen, mais le temps est trop mauvais pour passer une remorque. Le remorqueur Iroise s’est porté au secours de l’Helen dont le second-capitaine avait disparu. Le récit de ce drame de la mer a donné naissance au film « Remorques » avec Jean Gabin et Michèle Morgan, le remorqueur Mastodonte de la DP, tenait le rôle de l'Iroise.

 

Pendant ce temps le navire espagnol Galdames demandait assistance. L’Iroise ayant recueilli l’équipage de l’Helen (dont le capitaine, un doigt arraché et le bosco la cage thoracique enfoncée, s’est porté à son secours et l’a escorté jusqu’à Brest

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Le remorqueur Iroise (commandant Malbert) escorte le Galdames jusqu'à Brest
















A noter aussi :

Le vapeur italien Casmona qui à minuit, heure de ses appels, se trouvait par 49 35N et 3 14W, au nord-ouest de Paimpol, handicapé par une importante voie d'eau.

 

Le vapeur italien Johnny, désemparé par voie d'eau et avarie de machine par 49 17N et 3 28W, à 4h15 du matin (nord des 7 îles).

 

L'Andalucia Star, gros cargo anglais ou espagnol, en difficultés par 49 17N et 4 31W, (au nord de l'île de Batz à 7 heures du matin)

 

L'Essex Heath, autre steamer anglais, qu'une avarie de gouvernail mettait en péril vers 13h35 au large de Saint-Mathieu. Le remorqueur Auroc'h allait probablement secourir ce dernier navire, le plus rapproché de Brest.

 

Peu après, la direction du port (D.P) faisait appareiller l'Hippopotame, avec mission de porter assistance au Casmona, qu'il ne devait pas rencontrer et qui avait coulé, abandonné par son équipage.  A 19h20 hier soir, Ouessant-Radio recevait le message suivant du vapeur anglais Artanza : ". vapeur Casmona abandonné, épave dangereuse pour la navigation à 15 milles dans le nord du feu de Triagoz..."

 

Au cours de  la même tempête, le trois-mâts goélette Berthe se trouvait  à 13 heures à 3 milles dans le nord ouest du Stiff, lorsqu'il hissa le pavillon de détresse.

Tirés aux sémaphores du Stiff et de Créac'h, deux coups de canon annoncèrent un navire en perdition. Bientôt les cloches de Lampaul sonnèrent le tocsin.  A 15 heures, le canot de sauvetage était mis à l'eau dans une mer démontée. Les deux canots de sauvetage de Molène, équipés aussi rapidement, se joignirent bientôt à lui. A 16h15, le vapeur anglais Pitardel Arriaga se dirigeait sur les lieux, mais un quart d'heure plus tard, la Berthe devait être abandonnée.

 

Hier vers 16h, le vapeur français Châteauroux, chargé de houille rentrait à Brest. La tempête n'avait pas été sans malmener ce navire qui a subi de notables avaries.

 

Deux autres S.O.S captés par Ouessant-Radio :

A 3h30 hier matin, Ouessant avait capté des S.O.S du steamer anglais Shandon qui parti en dérive venait de s'échouer à l'entrée de Barrydocks et demandait assistance immédiate.

 

A 10h30, un S.O.S du vapeur Guecho retransmis par Land's End était encore capté par Ouessant-Radio: "S.O.S envoyez d'urgence un remorqueur dans l'ouest de la bouée de Nash Bank. Assistance nécessaire".

 

Après avoir convoyé le Galdamès,  le samedi 7 au soir, nouvelle sortie de l'Iroise.. au secours du Senatore d’Alli,  désemparé de son gouvernail par 47 55N  6 55W,   environ 110 milles dans l'ouest de Brest.. Après 24h de route, le cargo italien fut pris en remorque et ramené à Brest (arrivée le lundi en matinée).

 

 

 

LA FIN DE OUESSANT RADIO

 

Les Allemands prennent possession de l'île le 4 juillet 1940. A la station radio, la vie continue, on peut lire dans le cahier d'ordres..

 

Réglement intérieur : aucune modification n'ayant été apportée au tableau de service, toutes les vacations doivent être effectuées. L'autorisation du chef de Centre est nécessaire pour être dispensé d'une vacation de service.. 24 juillet 1940

 

Discipline : l'article 43 de l'Instruction Générale stipule qu'aucune personne étrangère au service ne doit être admise dans la partie des locaux réservée à l'exécution du service.

En ce qui concerne la station radiomaritime d'Ouessant, cette interdiction s'applique aux troupes d'occupation.

L'accès à la salle d'écoute est donc interdit à tout soldat allemand non muni d'une réquisition ou d'une autorisation régulière, établie par la Kommandantur.

.

Les agents de service refuseront l'entrée de la salle d'écoute à toute personne inconnue ou non qualifiée. En cas d'insistance, ils aviseront le Chef de Centre.

 

Toute infraction à ces prescriptions qui aurait pour conséquence de favoriser ou de permettre l'accès de la salle d'écoute à une personne étrangère au service, sera considérée comme un acte d'indiscipline et fera l'objet d'une demande de sanction sévère contre le ou les agents fautifs.

                        

                               Ouessant Radio 6 août 1940

                                       le Chef de Centre, illisible

 

Suivent les signatures des  agents présents : Germain, Roi, Richard, Artigny, Le Din, Balavoine.

 

Peu de temps après les Allemands ont pris possession des locaux de Ouessant-Radio.

 

On ne sait pas grand-chose de la station pendant l'occupation sinon que les émetteurs auraient été déplacés par les Allemands et que des bombardiers anglais auraient tenté d'atteindre les pylônes et les bâtiments mais sans succès.

 

La Libération : « Le 25 août 1944, les premières troupes allemandes quittèrent l’île pour regagner le continent; le 31, l’évacuation était presque totale, sauf toutefois une équipe chargée de faire sauter la station de TSF, les dynamos du Créac’h, le fort St Michel et diverses installations.

La station de T.S.F fut saccagée, aussi bien les bâtiments eux-mêmes que les dynamos et accus. Quant aux pylônes, bien que minés, ils échappèrent à la destruction. Il en fut de même d’ailleurs du phare du Stiff, le garde champêtre ayant coupé le fil reliant le bâtiment à la mine.  (A travers le passé d’Ouessant, par G.M Thomas, les Cahiers de l’Iroise, avril-juin 1961) »


PROCHAINEMENT :
-GOUESNOU RADIO  
-BREST-LE CONQUET RADIO
                                                                                                      JPC

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25 mars 2009 3 25 /03 /mars /2009 09:12

A PROPOS D'UNE ASSIETTE

Il y a quelques mois, le patron d’un fileyeur conquétois a offert à la SNSM du Conquet, pour être mise sous vitrine dans la salle d’exposition de l’ancien abri du canot de sauvetage, une assiette remontée dans ses filets. J’ai pensé qu’il pouvait être intéressant d’en trouver le fabricant.

 

Cette assiette blanche, sans décorations ou motifs, à laquelle sont encore attachées quelques concrétions calcaires, porte au revers un timbre de fabrique :

 

G Vl  R

 

G.L ASHWORTH & BROS UP

HANLEY

1950

 

 



La manufacture d’Hanley
d’où est sortie l’assiette en 1950, remonte au milieu du XIXe siècle. Les potiers du Staffordshire (au centre nord de l’Angleterre), entre Manchester et Birmingham, utilisaient une argile, l’ironstone china
, qui donnait des pièces de vaisselle en porcelaine, très dures, résistantes, spécialement adaptées dans un style ornemental simplifié ou absent, à l’usage intensif des compagnies de navigation, des hôtels, des collèges etc, mais qui décorées de motifs raffinés étaient appréciées par les classes aisées de la bourgeoisie et de la noblesse anglaise.

 

La fabrique dirigée par Francis Morley qui avait acheté le matériel et les cartons du célèbre potier J.C Mason (1813), s’est installée dans Broad Street à Hanley (Staffordshire) en 1848. La famille Ashworth, a succédé à Morley. George L. Ashworth a associé nom à Bros, tel qu’il figure sur l’assiette.
A moins que Bros ne soit une abréviation pour "Brothers" (Frères) ?

La raison sociale est restée inscrite sur le fronton du bâtiment jusqu’en 1968.

 

 






La manufacture
d'Hanley.
(Image Internet)














La pièce repêchée en mer provient donc, ou bien de la vaisselle utilisée pour l’usage du bord d’un navire naufragé, ou bien d’un lot transporté en caisses pour l’exportation et faisant partie d’une cargaison coulée, ou bien du geste d’un maladroit qui l’a laissée tomber par-dessus bord.

 

Le saura-t-on jamais ?



A PROPOS D'UN COL DE CRUCHE

Lors d'une vérification des chaînes de mouillage de la vedette La Louve, sur rade du Conquet, il y a quelques semaines, un plongeur SNSM a découvert au fond, un col de petite cruche à anse.

Un spécialiste pourra peut-être identifier et dater l'objet dont l'ancienneté n'est pas prouvée.

 Col de cruche à anse, salle d'exposition SNSM, ancien abri
du canot de sauvetage.

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18 mars 2009 3 18 /03 /mars /2009 09:24

LA PRESQU'ILE DE KERMORVAN
CHRONOLOGIE HISTORIQUE SIMPLIFIEE

 

Dénommée "Isle du Conquet", elle a emprunté son nom actuel aux seigneurs de Kermorvan (Trébabu), qui en furent propriétaires.

La presqu’île de Kermorvan fut au temps de la civilisation mégalithique, un centre monumental des plus importants, avec allées couvertes, dolmens, menhirs, cromlec’h. 

 

Il n’en reste malheureusement plus grand chose.

 

L’allée couverte de l’entrée de l’isthme était ignorée des archéologues, jusqu’aux travaux entrepris par le génie militaire lors de l’alerte de Fachoda en 1898 qui faillit déclencher une guerre entre la France et l’Angleterre. Fachoda, ville du Soudan sur le Nil, occupée par le capitaine Marchand mais qu’il dut sous la pression diplomatique, remettre à lord Kitchener, maréchal britannique.

 


Paul Duchatellier décrit en 1903 le monument.  En débarquant à la petite cale, nous avons trouvé sur notre gauche une allée couverte, bien ruinée par la construction d’un chemin de ronde et de retranchements en terre qui la couvrent en partie. Trois des six pierres qui en sont encore visibles portent des sculptures (cupules). Les restes de ce monument se composent de trois piliers qui sont sur le côté gauche du sentier allant du passage à la ferme de Kermorvan et de deux autres piliers et de la table qu’ils portent engagés sous un énorme retranchement haut de 10 mètres coupant l’isthme à cet endroit.

(Espace occupé par le blockhaus allemand qui fermait l’entrée de la presqu’île)

 

 

 

 

 

 




"Pierre à cupules", fragment d'un des piliers de l'allée couverte de l'isthme (photo 1978. jpc)














Duchatellier énumère ensuite les petits menhirs qu’il découvre dans la lande, déplore la destruction en 1830 du vaste cromlec’h par un capitaine du génie qui voulait une place nette pour faire faire l’exercice à ses troupes. Il n’en reste qu’un menhir de 2,60 mètres, à l’est des ruines de la ferme. C’était un cromlec’h  pentagonal de 50 mètres de long sur 35 mètres de large. Il se composait de 8 menhirs ayant à l’intérieur 3 menhirs en ligne droite. (Voir description du chevalier de Fréminville au début XIXe)

 


Reste du
cromlec'h près
des ruines de
la ferme
(photo Jpc 1978
)















Disparus aussi les deux dolmens : un plus petit ayant une table de 4 m x 3,50 m, et un plus grand avec une table de 5,55 m x 3,60 m, ils ont été détruits par les Allemands et passés dans les concasseuses du mur de l’Atlantique.

 







Aujourd’hui nous déplorons la disparition de ces témoins des époques préhistoriques, mais on peut lire des opinions divergentes : autour de 1830, J.F Brousmische qui écrivit un Voyage dans le Finistère exprime ainsi son aversion pour le « mégalithique » : « Trop peu versé dans la science des monuments d’un peuple regardé comme primitif, j’admets la réalité de ceux que l’on voit à Kermorvan, tout en avouant qu’ils sont peu propres à prêter du charme aux constructions druidiques. Les constructions abruptes de Kermorvan n’ont rien qui parle à l’imagination. Il faut vraiment être doué d’une organisation toute particulière pour trouver des beautés dans des pierres informes, y voir un monument, un temple à la divinité. Il est vrai que, pour célébrer les mystères de Teutatès, pour lui offrir les sanglants holocaustes qu’il réclamait,… le hideux sanctuaire de Kermorvan était un lieu que pouvaient désirer et choisir les barbares ministres de ces fureurs ».

 

 

kerm-butte-isthme-new-001.jpg

 

Dans un effondrement de la falaise est de Pors Seillon, au-dessous du sentier côtier, les restes d'un probable monument mégalithique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Emigrations des Bretons insulaires au VIe siècle


J’ai déjà évoqué  Tugdual, breton émigré, débarqué dans l’anse de Pors-Pabu, on pourra se souvenir de cet épisode en faisant une halte à la petite plage de sable blanc au retour de l’Ilet vers le phare de Kermorvan.

 

Le Conquet et les « Plantagenêt »

 

C’est au milieu du XIIe siècle que l’île du Conquet prend de l’importance, et ce à cause d’une femme : Aliénor d’Aquitaine. Aliénor qui, dit-on, s’était mal conduite en Terre Sainte où elle avait accompagné son mari Louis VII, fut répudiée au retour. Ce qui aurait pu n’être qu’un règlement de compte familial tourna en catastrophe pour la monarchie française. Aliénor qui possédait la Guyenne et le Poitou, se remaria bientôt avec Henri Plantagenêt, duc de Normandie, comte d’Anjou, du Maine et de Touraine et qui par succession (un peu forcée) devint roi d’Angleterre en 1154

 


                                 Aliénor d'Aquitaine (image Wikipédia)











A la voile à cette époque et pour bien des siècles ensuite, on ne faisait pas le Four et le raz de Sein dans la même marée. Il fallait s’arrêter pour attendre le bon courant, mais aussi pour se ravitailler en eau et en vivres. Les mouillages des Blancs-Sablons, de la rade du Conquet, de Porsliogan accueillaient des flottes de passage qui pouvaient se ravitailler en eau douce aux nombreuses « aiguades », et en nourriture, achetée aux riverains ou prise de force.

 



Entre Pors-Pabu et Kermorvan, en contrebas du chemin côtier,
"L'aiguade" de Kermorvan, la source-fontaine est aujourd'hui abritée par un petit bâtiment. 






Les bateaux anglais joignant le royaume et la Normandie aux provinces  du sud-ouest de la France devinrent nombreux à s’arrêter au Conquet. Leur escale fut plus facile lorsque Henri II eut conquis la Bretagne et confié son gouvernement à son fils  Geoffroy Plantagenêt.

 

Après la mort de Richard Cœur de Lion, fils d’Aliénor et de Henri II, devenu roi d’Angleterre au décès de son père,  les affaires des Plantagenêt se dégradent sous le règne de son frère Jean Sans Terre. Celui-ci confronté à Philippe-Auguste, perd les uns après les autres les territoires possédés par ses parents. En octobre 1206, il tente un ultime coup de force, débarque à La Rochelle, ravage et brûle l’Anjou puis le pays de Rennes tout en  essayant de rallier à lui des seigneurs bretons, mais battu et poursuivi par l’armée de Philippe-Auguste il regagne le Poitou puis La Rochelle où il embarque pour ne plus jamais revenir sur le continent. Cependant il n’abandonne pas, si on en croit l’historien  Ogée toutes prétentions sur la Bretagne car Jean sans Terre fait construire en 1207 par ses partisans, près du Conquet, un fort château.  Les Anglais font de la ville et du port une forteresse et  y laissent garnison.

 


 On peut admettre que c'est à cet endroit à l'entrée de l'isthme de Kermorvan que s'élevait sur une butte semblable le "château" construit par
les soldats de Jean sans Terre. Sans doute une
simple tour.
(Photo Jpc 1978)




Reprise du Conquet par le duc de Bretagne 1218

 

Pierre de Dreux fait duc de Bretagne par Philippe-Auguste (après son mariage avec la princesse Alix, fille du duc défunt Geoffroy), aurait réduit à l’impuissance Conan de Léon, et chassé les derniers anglais des côtes de Bretagne. En 1218, son armée a, dit-on, délogé les Anglais du Conquet et par précaution  a fait raser forteresse et château. (C’est par Pierre de Dreux que les « hermines » ont été introduites sur le blason de la Bretagne).

 

On fait l’impasse sur la « Guerre de Succession de Bretagne » qui commence en 1341 à la mort du duc Jean III et s’inscrit ensuite dans le cadre générale de la guerre de Cent-Ans entre Français et Anglais. La région du Conquet, zone stratégique d’importance, est moult fois, prise et reprise par les Anglo-Bretons et les Franco-Bretons. Le sujet est bien trop vaste pour être traité dans notre contexte.

 

Minorité d’Anne de Bretagne   


(Anne de Bretagne, image Wikipédia


 le duc François II meurt en septembre 1488 dans un climat de troubles. Il laisse le trône ducal à sa fille Anne, une gamine de onze ans. Il est hors de propos de décrire ici toutes les intrigues qui se nouent et les pressions qui s’exercent contre la jeune fille par les différents partis bretons, français, anglais, voire espagnols qui convoitent le duché de Bretagne. Dès la fin de 1488 une armée française conduite par le vicomte de Rohan assiège et prend la forteresse de l’île du Conquet tenue par les partisans de la duchesse. Rohan y laisse Thomas de Kerasred comme capitaine et lui donne pour défendre l’île, de l’artillerie et des gens de pied.

La pauvre duchesse n’a bientôt plus qu’une issue pour sauver la Bretagne de la ruine totale, c’est d’épouser le prétendant le plus fort, en  l’occurrence lle roi de France Charles VIII, ce qui est fait le mardi 6 décembre 1491.

 



Réunion de la Bretagne à la France
 :

 

 L’acte d’union est signé sous François 1er  époux de Claude de France, en 1532. Puis François de Valois leur fils devient dauphin et duc de Bretagne. A sa mort c’est Henri son frère, qui hérite des titres et en 1547, lorsqu’il monte sur le trône de France sous le nom de Henri II, la Bretagne est définitivement française.

 

Comme celui de son père, le règne de Henri II est placé sous le signe de la guerre. Conflits avec l’Espagne (Bourgogne) et avec l’Angleterre comme de coutume.

 

Dans ce contexte : le débarquement anglo-flamand de  juillet 1558 : c'est du chemin côtier bordant au nord-est la presqu'île de Kermorvan, que la vue générale sur la baie et la plage des Blancs-Sablons est la plus belle.

 

Philippe II d’Espagne, par intérêt politique vient d’épouser la reine d’Angleterre, la catholique Marie Tudor. La France est prise en étau entre les Pays-Bas espagnols, l’Angleterre et l’Espagne.

Les flottes ennemies menacent les côtes de Bretagne. La défense s’organise. Les « montres » recensent les futurs combattants et évaluent leurs forces.

Le 24 août 1557,   Convocation du ban et de l’arrière-ban de l’évêché de Léon pour la sénéchaussée de Saint-Renan en laquelle est capitaine Guillaume du Châtel,  sieur de Kersimon. (Pour mémoire la garde-côte en Bretagne a été créée par mandement du duc François II en 1483).

 

Circonstances et événements : 

 

Cette année-là dans une guerre qui se déroule surtout dans le nord de la France, les côtes françaises subissent quelques attaques.

 

Attention : Nous connaissons l’affaire suivante essentiellement par l’enquête faite au nom du Roi un an plus tard, à la demande des victimes, pour être indemnisées ou exonérées de divers impôts. Donc forcément les chiffres des pertes déclarées sont gonflés.

 

L’agression principale est dirigée contre Brest, le 29 juillet 1558, une flotte anglo-espagnole, d’une centaine de vaisseaux portant de 7 500 à 9 000 hommes, opère le débarquement des troupes soit à Bertheaume selon certains, soit aux Blancs-Sablons selon d’autres. Cette deuxième hypothèse est la seule cohérente.

 


Le débarquement aux Blancs-Sablons vu par Jim et Joël Sévellec, Histoire de Brest. Le Télégramme 1955.












-Les troupes ennemies ont débarqué en matinée à bord de bateaux plats (15), lorsque la mer a été suffisamment basse aux Blancs-Sablons.

 

-EIles ont traversé la ria du Conquet quand elle était à sec, c’est-à-dire sans doute vers 9-10 heures, par le gué entre le Cosquies et le Croaé.

 

-Une bande s’est dirigée vers le port du Conquet, incendiant les 37  bateaux présents, équipés d’artillerie, et mettant le feu aux quatre coins de la bourgade

 

-Une autre bande a dû faire route vers Lochrist.

 

-Le gros de la troupe a progressé directement vers Saint-Mathieu, dans l’idée de  poursuivre vers Plougonvelin  et Brest car le but de l’opération militaire était de venger la reprise de Calais par les Français, de ravager Brest et ses alentours et éventuellement de s’emparer de la ville.

 

-Les chefs de l’expédition n’avaient pas le temps de laisser leurs troupes traîner dans les pillages et sauf peut-être les seigneurs qui avaient débarqués leurs chevaux, les soldats étaient à pied. Connaissant l’équipement d’un fantassin de l’époque, cuirasse, casque, lourde épée, ou lance, il ne pouvait pas se charger de beaucoup de butin, donc pas de pillage systématique mais tueries pour voler de la monnaie et des petits objets d’or et d’argent,  et vandalisme à grande échelle par le feu. Un commentaire dit : «  ce fut une véritable invasion de sauvages, dévastant tout avec une telle furie, montrant bien qu’ils étaient plus désireux de sang que de butin »

 

-En fin d’après-midi Guillaume du Châtel arrive avec 9 000 hommes, les seigneurs du voisinage du ban et de l’arrière-ban de Léon de la sénéchaussée de Saint-Renan, rassemblés à la hâte, accompagnés d’habitants de la région armés de fourches, de piques, de haches etc.. 

Le gros de la meute des assaillants qui se trouve alors vers Plougonvelin, avec le dessein de poursuivre vers Brest comme nous l’avons dit, s’empresse de regagner les vaisseaux qui en fin de jusant sont descendus jusqu’à Saint-Mathieu et avec le flot ont fait mouvement en suivant l’avance des soldats jusque devant Bertheaume.  Les troupes de Du Châtel s’accrochent aux Anglais qui ne subissent pas trop de pertes, mais 500 Flamands attardés sont taillés en pièces.

 

Bilans de l’enquête (14 août 1558) : Ordonnée par monseigneur le duc d’Etampes (Jean de la Brosse, duc d’Etampes, comte de Penthièvre et gouverneur de Bretagne),  et dirigée par Jean Le Prestre seigneur de Lezonnet, avec pour témoins le seigneur de Carné, lieutenant pour le roi à Brest, Guillaume du Châtel, Allain Le Louet, Jean Poncelin, Kerleau seigneur de Kerleau, Kerleau de Kerdreanton, Goulven Lomelin, capitaine du Conquet, Robert Kerfaingily.

-Lochrist-Plougonvelin : 12 maisons restent sur 450 (c’est à dire la trêve de Lochrist avec Le Conquet)

-Plougonvelin : 220  maisons brûlées

-Saint-Mathieu : 50  maisons et une partie de l’abbaye brûlées.

 

En laissant les chiffres de côté, ce que l’on peut dire c’est que les maisons « ordinaires » avaient des toits couverts de chaume (gleds), donc elles étaient faciles à incendier. Les maisons « rescapées » avaient des toits en ardoises, c’était de petites maisons fortes. Les assaillants n’avaient pas le temps d’en faire le siège, non plus que de chercher dans les caves voûtées les cachettes où les Conquétois mettaient à l’abri leurs biens les  plus précieux.

 

Ce que l’on sait c’est que les ruines furent bien vite relevées, on n’a aucune idée du bilan des victimes dans la population. Lorsque les seigneurs répondent à l’enquête du Roi, ils ne chiffrent que leurs pertes matérielles. Le préjudice total a été évalué à 200 000 livres.

 

1577 – 1625, défense de l’île du Conquet.

 

Cadre des guerres de la Ligue. On se place là dans le cadre des guerres de religion. Après la mort du roi de France Henri III, assassiné, c’est Henri de Navarre, adepte de la religion réformée qui est héritier du royaume.

Le duc de Mercoeur gouverneur de Bretagne est fervent partisan des Guise, alors pendant neuf années, de 1589 à 1598 (Edit de Nantes), la Bretagne est traversée, foulée, pillée par la troupe française, catholique ou huguenote, par la troupe espagnole et par la troupe anglaise.

 En 1592, 5 à 6 000 ligueurs assiègent Brest défendue par René de Rieux, seigneur de Sourdéac, rallié à la cause royaliste. Pour mémoire c’est en 1594 que les Espagnols favorables aux ligueurs s’installent dans la presqu’île de Crozon (pointe des Espagnols). L’année suivante, Sourdéac, inquiet des menaces du bandit Guy Eder de la Fontenelle sur les côtes, fait mettre la presqu’île du Conquet en état de défense sous la conduite du sieur de Kerouvien.

Ceci n’était pas inutile car La Fontenelle cette même année 1595 s’est présenté devant le goulet de Brest avec une flotte menaçante pour attaquer le château de Brest. Sourdéac avec une armée navale plus imposante réussit à lui barrer la route. (Guy Eder de la Fontenelle sera torturé et roué en place de Grève à Paris en 1602).

 


 Fortifications d'entrée de la
presqu'île de Kermorvan fin XVIe siècle.












Après la mort de Henri IV, la minorité de Louis XIII est entachée par la « ligue des princes » qui sévit pendant la régence de Marie de Médicis. Catholiques et protestants fortifient les places fortes relevant de leurs commandements. Un très riche document transcrit par E. Delécluse (dans le bulletin de la Société Académique de Brest de 1883-84), nous décrit par le menu, l’organisation des fortifications de l’isle du Conquet, leur démantèlement sur ordre de Richelieu, et le procès qui s’en suivit. (J’y reviendrai)




Ci-dessus, extrait de carte de Jean Le Béchec 1628, cartographe du Conquet

 


      Ci-dessus, carte Lallemand de Betz,  XVIIe siècle.

1688-95, implication de Vauban

 

Lorsqu’il est nommé commandant de la place de Brest le 1er mai 1694, Vauban n’arrive pas en pays inconnu. Quelques années plus tôt, en 1688, il y est déjà venu en inspection, préconisant entre autres choses de bâtir une tour sur le rocher de Bertheaume et, proposant de fortifier les deux côtés de la presqu’île de Kermorvan, pour mettre à couvert la rade du Conquet d’une part, et la baie des Blancs-Sablons d’autre part. En partant Vauban avait confié l’exécution des travaux à l’ingénieur Niquet.

 

1757-58, construction des batteries, des forts et des redoutes (duc d’Aiguillon).

 

Au printemps de 1755, le duc d’Aiguillon, gouverneur de Bretagne, passe trois mois à inspecter le littoral pour mettre en place une réforme efficace de la garde-côtes. Puis le 23 mai 1756, il est au Conquet pour y préparer l’installation du régiment de Brie dont une compagnie de grenadiers est sur le point d’arriver. Pendant la guerre de Sept-Ans, 1756-1763, ont été construits ou rénovés :

Le magasin général du Cosquies

Les corps de garde de Sainte-Barbe, les Renards, Pors-Feunteun (le Bilou), Porsliogan

La batterie de Kermorvan

Les batteries de 15 et 13 aux Blancs-Sablons

Les redoutes des Blancs-Sablons.

 

La construction des forts au XIXe siècle

 

1840, Thiers, ministre des affaires étrangères de Louis-Philippe  prend la décision d’améliorer les défenses de Paris et des côtes de la Manche et de l’Atlantique en raison des  menaces de guerre avec l’Angleterre dues à une lutte d’influence entre les deux nations en Egypte et en Syrie. La construction effective des forts ne commencera qu'en 1846 et se prolongera une dizaine d'années.

 On sait (pour mémoire) qu’une des raisons de la construction de la ligne de tramway électrique Brest-Le Conquet en 1903 fut celle de « pouvoir amener rapidement troupes et matériels des casernes brestoises aux forts de la côte en cas de menaces ennemies.

 

Le fort de l'Ilet édifié sur le site des anciennes batteries Vauban et d'Aiguillon.
Accessible à marée basse.

(Consulter les heures de marée avant de s'y rendre)






 

 

1846-49, édification et mise en service du phare de Kermorvan (sujet déjà traité)

 

1898, Fachoda, menace de guerre anglo-française, travaux du Génie à Kermorvan, remise en état des chemins de ronde (déjà évoqué au début de cet article)

 


Carte d'Etat Major (détail)
1907



















 

1940-44, occupation allemande

Construction du mur de l’Atlantique, reddition de la garnison le 10 septembre 1944. (J’en reparlerai).

 

 

Dans les rochers
, près de la fontaine entre Pors-Pabu et le phare, la "piscine", petite retenue d'eau douce, construite par les soldats allemands, pour l'usage courant et la baignade.







 

1961, rattachement administratif de la presqu’île de Kermorvan au Conquet

 

 

1967, projet de construction de 500 maisons de vacances sur la presqu’île de Kermorvan par le groupe Schneider, en accord avec les propriétaires et le soutien de la municipalité conquétoise. Ceci devant être accompagné d’une route sur remblai à la place de la passerelle, avec mise en eau de toute la partie est de la ria sur 75 hectares, comprenant un bassin de plaisance à flot et des installations ludiques liées au nautisme.

 

A partir de 1978, acquisition progressive de la presqu’île de Kermorvan et des dunes des Blancs-Sablons par le Conservatoire du Littoral, pour les protéger des projets immobiliers ressurgissant régulièrement et arrêter la dégradation de la dune des Blancs-Sablons (camping sauvage, moto-cross)


Aujourd'hui la presqu'île de Kermorvan, totalement préservée, partagée entre la balade et l'agriculture, est l'un des sites du Finistère les plus fréquentés par les promeneurs et ceci en toutes saisons

 

                                                                                                                JPC 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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10 mars 2009 2 10 /03 /mars /2009 17:43

VERS 1850, LES "PAIMPOLAIS" IMPORTENT AU CONQUET LA PÊCHE AUX CRUSTACES.

Le Conquet une activité maritime éteinte.

 

Le Conquet : au milieu du XIXe siècle, nous l’avons fait remarquer dans un dossier sur les municipalités, et à travers les écrits de  Flaubert et Brousmische,  Le Conquet est une ville triste, qui ne s’est pas relevée des guerres de la Révolution et de l’Empire et dont la flottille de commerce florissante jusqu’aux années 1770, n’a pas trouvé un second souffle la paix revenue.

 

Le recensement de 1851 dénombre 1 370 habitants dont 22 militaires et marins et 43 mendiants. Le chiffre de la population tient compte des nombreux ouvriers qui travaillent à la construction des forts entre les Blancs-Sablons et Saint-Mathieu et dont plusieurs résident temporairement au Conquet.

 

 

Sur ce chiffre de 1 370, 587 hommes et femmes ont une activité liée à l’agriculture. Les pêcheurs n’atteignent pas la dizaine d’individus, ce sont :

 

-Michel Le Borgne, pêcheur et cabaretier, 38 ans, habitant rue Saint-Roch, ainsi que son matelot Yves Salaun, 27 ans. (Michel Le Borgne se perdra quelques années plus tard dans le Fromveur avec le Vengeur)

-François Podeur, 47 ans, habitant rue Saint-Christophe ainsi que son matelot Pierre Guiziou 62 ans, les fils Podeur : François, 27 ans, Yves, 21 ans et Pierre 15 ans sont aussi qualifiés de pêcheurs, ils ont pu embarquer à tour de rôle avec leur père.

-François Richard, 29 ans, habitant rue Dom-Michel.

 

Loguivy de la Mer, quartier maritime de Paimpol :

 

Si Le Conquet végète dans la morosité, un autre bourg périclite, il se situe dans les Côtes-du-Nord, se nomme Ploubazlanec et se décline en deux sites portuaires, Porz-Even et Loguivy-de-la-Mer.

 

Pl-loguivi.jpg


Loguivy vers 1900






« Loguivi à l’entrée du Trieux est une petite anse sablonneuse, dominée par des collines et défendue par des roches. Ses pêcheurs sont extrêmement industrieux : on les rencontre à plus de dix lieues à la ronde. Leurs bateaux excellents pour la grosse mer ont une longueur de cinq mètres pour une largeur de 2,20 mètres, avec des mâts plus longs que l’embarcation. Ils se présentent donc comme courts et très larges. Leur avant est taillé en coin, leur mâture est celle des flambarts, très forte avec un foc. »

 

 


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Petit lougre "paimpolais" dessin du lieutenant  de vaisseau Armand Pâris.














Les pêcheurs de Loguivy pratiquent aux casiers la capture des langoustes et des homards. Leur effort de pêche a été si intense qu’avant le milieu du XIXe siècle, ils ont épuisé leurs eaux côtières. Traqués par la misère, ils commencent à s’éloigner vers l’ouest pour explorer de nouveaux fonds. On les rencontre en 1844-45 dans le quartier maritime de Morlaix. Ainsi sur le rôle de la  Marie-Françoise, de Ploubazlanec,  à Roland Le Hégarat, on lit : « vu à Roscoff allant à la pêche le 27 avril 1844 … Il est signalé au patron que la pêche aux écrevisses et homards est interdite dans le quartier de Morlaix du 1er mai au 1er août 1844, conformément à l’arrêté du préfet maritime du 21 mars 1843 ». On trouve des mentions identiques sur les documents de bord de trois autres de ses compatriotes. Nos Loguivyens doivent donc continuer leur prospection vers l’ouest.

 

Attention, ce ne sont pas des dizaines de navires qui se déplacent en « meutes», mais seulement des pionniers, qui isolés ou à deux ou trois, tentent leur chance avec leurs tout petits bateaux.

 

Comment les Loguivyens ont-ils eu connaissance de fonds de pêche propices, aux abords du Conquet ? Par les bateaux de Le Guerrannic, armateur conquétois, qui transportent les langoustes pêchées par les Molénais jusqu’aux ports de la Manche,  et le bouche à oreille des caboteurs paimpolais transitant par le Four et l’Iroise et faisant régulièrement escale au Conquet.

 

Le précurseur :

 

Le 2 mai 1849, un homme se présente devant le syndic de l’Inscription Maritime au Conquet. Il se nomme Jean Marie Vidament, il est âgé de 33 ans, né et résidant dans la commune de Ploubazlanec. Il vient faire viser le rôle de son bateau la  Marie-Jeanne, jaugeant 1,43 tonneau, pour une longueur d’environ 5 mètres, un bateau presque neuf puisque construit à Loguivy en 1848. Son équipage est composé d’Yves Daniel, matelot 33 ans, de Jean Marie Camus également matelot, et de Jean Marie Corfdir, 12 ans, mousse.

Vidament qui a ses casiers avec lui, va pendant 5 mois, les poser le long des côtes proches du Conquet et sans doute aux environs des Pierres-Noires. Que fait-il de sa pêche ? Faute de certitudes, on peut admettre qu’il la vend à des mareyeurs locaux (Brest), ou bien qu’il la cède à des voiliers caboteurs de passage, comme cela se fera plus tard, mais on en reparlera.

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Un bateau "koubané" dans le port du Conquet, vers 1850, ce n'est pas un "Paimpolais"











Une autre question se pose, Vidament et son équipage dormaient-ils comme les Kerhorres dans le bateau « koubané », c'est-à-dire avec une voile installée sur un espar pour faire tente, ou avaient-ils pris une location chez un particulier. Je pense que la deuxième hypothèse est la bonne.                                



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Les suivants :

 

L’année suivante, trois bateaux escalent au Conquet, la Marie-Jeanne à Vidament, la Marie-Anne (1,90 tonneau) à Jean Lorguen,  et la Marie (1,56 tonneau)  à Jacques Quéréel. Quéreel ne s’attarde pas, il poursuit jusqu’à l’île de Sein où il a décidé de tenter sa chance..

Un gros sloup de 18 tonneaux, le Saint-Pierre, armateur Moran et Caous, vient cette même année 1850 faire la saison de pêche à l’île de Sein, mais comme le patron Vincent Caous ne connaît pas le secteur, il embauche Yves Salaun de Plouhinec, matelot à 110 francs par mois, pour la période du 23 mars 1850 au 1er mai 1850, afin de lui servir de pilote. Le reste de l’équipage est « à la part ».

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A part la guérite de douanier,
Le Conquet tel qu'il pouvait l'être à l'arrivée des "Paimpolais".

Les quais et cales étaient terminés depuis 1844.






Le mouvement est lancé et s’amplifie lentement. Chaque année désormais, 5 ou 6 petites embarcations de Loguivy arrivent au Conquet au printemps et en repartent à l’automne.

A la différence de l’île de Sein où l’arrivée de ceux que l’on appelle alors « Paimpolais » donna lieu à de mémorables échauffourées entre nouveaux arrivants et pêcheurs locaux, au Conquet la population sédentaire semble avoir accueilli sans animosité, (c’est sûr), mais avec une certaine indifférence ces migrants saisonniers. La querelle pour décider du lieu d’implantation de la nouvelle église mobilise alors toutes les énergies conquetoises. Lorsque j'ai fait cette étude il y a une vingtaine d'années, je n'ai pas trouvé dans les registres municipaux de mentions concernant les nouveaux arrivants. 


Les familles :

 

Venus seuls les premières années, les « Paimpolais » se font rapidement accompagner par leurs familles. Leurs petits lougres ou petits sloups étant trop exigus pour accueillir des passagers, c’est à bord de voiliers caboteurs, aussi du quartier de Paimpol que les familles transitent à l’aller comme au retour.

 

Un exemple, le patron Louis Le Goaster accueille à son bord au Conquet le 22 novembre 1856, 2 femmes et 7 enfants qu’il doit déposer à Paimpol. Le départ est sans doute retardé à cause de la météo, car les passagers n’arrivent à destination que le 27 novembre, sans qu’une escale ne soit mentionnée sur le rôle. Le Courier des Iles qui transporte une cargaison de homards, reprend la mer et va livrer sa marchandise à Cherbourg.

 

Ceci nous amène à commenter l’organisation des Loguivyens. Trois ou quatre hommes sur chaque embarcation, pêchent  à la ligne l’appât, grondins ou vieilles, qui servira à garnir les longs casiers cylindriques (1,20 mètre), qui appareillés deux à deux, sont les pièges destinés à capturer langoustes et homards. Les prises sont conservées en viviers maçonnés ou flottants, jusqu’au passage des sloups caboteurs, équipés de viviers, qui collectent les crustacés pour les livrer, toujours vivants,  à Granville, Cherbourg, Honfleur ou Le Havre, la destination finale étant souvent Paris. Nous connaissons plusieurs de ces sloups, outre le Courrier des Iles à Le Goaster, le Saint-Pierre à Morand et Caous, la Sophie à Daniel et Vidament etc.

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An Durzunnel, réplique de canot loguivyen (association Communes, de Lanmodez) arrive au Conquet au printemps 1985, lors d'une reconstitution d'un voyage de "Paimpolais".








Anticipant ce qui se produira plus tard au Conquet, Yves Vidament arrive à Molène l’été 1852. La saison de pêche finie, il rentre chez lui, puis revient l’année suivante avec deux bateaux, un lougre de pêche qu’il confie à un équipage de Molène et un sloup de transport, avec lequel il rassemble les pêches de ses compatriotes du Conquet et de Molène et les achemine vers la Normandie. Yves Vidament pour les nécessités de son commerce transfère son domicile à Molène.

 

Je disais plus haut que des familles venaient passer la saison estivale au Conquet, les registres d’état civil en fournissent des preuves. Les actes portent la mention « en résidence au Conquet pendant l’époque de la pêche ». Par exemple, décès le 12 juillet 1855 de Jean-Marie Gendrot, 2 ans,  né et domicilié à Ploubazlanec, fils de Joseph Gendrot et Marie-Yvonne Vidament.

Dame du Conquet d'origine loguivyenne, portant la coiffe de Paimpol, photo vers 1920                                  
 

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La sédentarisation :

 

La saison s’étirant de plus en plus, quelques groupes familiaux, après s’être interrogés sur l’opportunité de rentrer à Loguivy seulement pour quatre ou cinq mois d’hiver, décident de s’établir définitivement au Conquet. Cette sédentarisation se produit entre 1856 et 1860.

Au recensement publié en 1856, aucun « Paimpolais » ne figure sur la liste nominative de la population. En 1861, on repère entre 12 et 15  familles installées dans les maisons du «quai » et des rues adjacentes.

Le premier mariage « mixte » a été célébré en 1860, Jacques Quéréel épousant sa logeuse Marie Louise Perrot, débitante de boissons.

Si les nouveaux venus ont pu se loger si près du port, c’est que nombre de maisons étaient vides de tout occupant.

 

 

Familles de pêcheurs, d’origine loguivyenne recensées au Conquet en 1861

(Population totale 1 324)

 

Rue Dom-Michel : 

-Quéréel Yves, 36 ans, et Marie Louise Perrot, sa femme, aubergiste, 34 ans

 

Rue Saint-Christophe :

-Le Goaster Louis, 35 ans, Jeanne Camus sa femme et leurs 5 enfants

 

Rue Marie-Lagadec :

-Menguy Jean, 43 ans, Margueritte Goaster sa femme et leurs 5 enfants

 

Le quai :

-Gendrot Joseph, 32 ans,  sa femme et leurs 4 enfants

-Morvan Olivier, 37 ans, Pélagie Goaster sa femme, leurs 3 enfants et Marie-Jeanne Corfdir leur domestique

-Quéreel Pierre, 26 ans pensionnaire chez Morvan Olivier

-Goaster Pierre, 46 ans, Margueritte Derrien, sa femme, leurs 5 enfants et Françoise Riou, leur domestique.

-Corfdir Constant, 40 ans, Marie-Yvonne Gendrot sa femme, leurs deux enfants et leur domestique Marie Riou (15 ans).

-Quément Guillaume, 38 ans, Marie-Jeanne Jouazean sa femme et leurs trois enfants

-Lucas Jean-Louis, 52 ans, Marie-Yvonne Thélou sa femme, et 8 enfants, 4 d’un premier mariage, 4 du second.

-François Evenou, 30 ans, Marie-Noël Gendrot sa femme.

 

Rue Poncelin

-Pochard François (à vérifier) 36 ans, Marie-Anne Gendrot sa femme et leurs 5 enfants

 

Nous en somme avec cette liste à une soixantaine d’individus. Avec de nouvelles naissances dans ces familles, déjà pour la plupart nanties de plusieurs enfants, la « communauté « paimpolaise » va rapidement s’accroître dès  la deuxième puis la troisième génération.

 

La flottille s’étoffe lentement, elle bénéficie maintenant d’un abri significatif avec la digue Saint-Christophe enracinée sous la pointe du même nom. L’ouvrage long de 94 mètres pour une largeur de 4 mètres possède une cale en plan incliné, de 5 mètres de large, qui lui est accolée. La construction a duré de 1873 à 1876.

 

 1866-67, pour mention,  j’en reparlerai, installation de l’abri du canot de sauvetage en haut de la « montagne Saint-Christophe »


                                  Sur le quai du Drellac'h les pêcheurs préparent les Pl-drellach-nasse-copie-1.jpgcasiers à langoustes.
















Migration saisonnière à l’île de Sein

 

Connaissant la réputation de « bougeote » des « Paimpolais », il ne fallait pas compter sur leur stabilisation définitive. Au début des années 1870, le groupe du Conquet prend l’habitude d'aller chaque été passer quelques mois à l’île de Sein. Les hommes partent avec leurs bateaux et leurs engins de pêche, fin avril -  début mai. Les familles suivent à bord de La Paix, un flambart de 9 tonneaux appartenant à Yves Marie Gendrot, mareyeur au Conquet.

 

En 1875 par exemple, le 28 avril, Gendrot arrive à Sein avec à son bord madame Louis Le Goaster et ses deux enfants, plus Marie-Olive Morvan et mademoiselle Grovel.

Le 3 mai, autre voyage avec 9 passager(e)s, le 10 mai, 11 passager(e)s,  le 18 mai, 1 passager(e), le 7 juin, 3 passager(e)s. A chaque retour, La Paix ramène au Conquet poisson frais et crustacés.

(Un flambart est un petit bateau côtier à deux mâts, commun sur les côtes de la Manche)

 Pl-sein.jpg

 

Mouillage à l'île de Sein vers 1900















Il y a des viviers maçonnés à la pointe Sainte-Barbe pour recevoir les langoustes et homards avant leur expédition. Ils ont, semble-t-il, été fort dégradés cette année 1875, avec sans doute beaucoup de pertes de crustacés. Ils n’ont jamais été restaurés et sont devenus « le débarcadère de la Pierre Glissante », jusqu’à la construction en 1932, de la cale du canot de sauvetage à moteurs. Les langoustes et homards ont été alors hébergés dans des viviers flottants, sortes de grandes caisses à claires-voies, mouillées sur rade.DEBARCADERE-PIERRE-GLISSANTE-GRIS.jpg

 

Les anciens viviers
de la pointe Sainte-Barbe. Trop exposés à l'époque où la digue n'existait pas ils ont rapidement été abandonnés











A la fin septembre, La Paix ramène la «colonie » au Conquet en plusieurs voyages. Certaines années, il y a comme passagers supplémentaires, les enfants nés pendant le séjour à l’île.

 

Un naufrage :

 

L’année suivante, la communauté « paimpolaise » est en deuil, le sloup « Trois-Frères » fait naufrage le 22 mars 1876, aux abords de Béniguet. Le patron Olivier Morvan né à Ploubazlanec en 1824 et son fils Jean-François novice, né à Sein en 1862 ont péri. Il semble que le matelot Alphonse Le Borgne de Lambézellec ait été sauvé.  Trois ans plus tard Pélagie Le Goaster veuve Morvan fait construire l’Etoile de Mer, qu’elle confie au patron Jean Marie Riou né à Ploubazlanec en 1854.

 

Fréquentation de l’île de sein :

 

L’année 1879, 8 bateaux du Conquet font la saison à Sein,

 

Etoile de Mer, lougre cité plus haut, armement veuve Morvan, patron Jean Marie Riou

Léontine,  armement Pierre Marie Le Goaster, patron François Marie Le Goaster

Trois Frères, armateur/patron Yves Le Goaster

Elisabeth, armateur/patron Jean Marie Mainguy

Saint-Jean-Baptiste, armateur/patron Jacques Marie Le Goaster

Saint-François, armateur Riou et Le Berre, patron Jean François Riou

Saint-Yves, armateur/patron Félix Marc

Marie-Pauline, armateur Gendrot, patron François Grovel

 

Plus La Paix au bornage qui fait de nombreux allers-retours.

 

Les types de bateaux :

 

Ces bateaux sont des sloups (un mât, foc et grand-voile) ou des lougres, (deux mâts, foc, misaine et taille-vent bômé). Ils sont presque tous construits par Olivier Derrien de Loguivy et quelques uns par Pilvin de Paimpol.

 

Pour donner deux exemples parmi la liste ci-dessus :

-Le plus grand est le Saint-Jean-Baptiste, 3,58 tonneaux, longueur 6 mètres, largeur 2,30 mètres et creux 1,28 mètre, c’est un sloup non ponté, à arrière carré, construit par Derrien pour Jacques Le Goaster. C’est en 1879 sa première campagne, puisqu’il a été mis à l’eau le 7 mai

 

-L’Elisabeth, est un lougre de 2,30 tonneaux,  construit par Derrien en 1873, avec faux tillac, mais sans vaigrage ni serrage. Il mesure 5,38 mètres pour 2,29 mètres de large et 0,91 mètre de creux.

 

Cette année 1879, ne restent au Conquet l’été que La Seine, sloup à Jean Marie Le Bris, et les deux bateaux pilotes, le Robuste patron Pierre Le Goaster, et le Saint-Paul, patron Pierre Kervarec.

 

En 1881 la population du Conquet est 1 330 individus, habitant 231 maisons. Les pêcheurs sont au nombre de 33.

 Pl-lquai-drellach.jpg

Le quai du Drellac'h
vers 1900


















On lit dans le « Finistère » du 28 octobre 1879, les résultats de la pêche des crustacés ont été déplorables cette année à cause du mauvais temps. Si l’hiver est rigoureux, la misère sera grande parmi notre population maritime. L’année suivante, on lit dans le même journal à la date du 6 novembre : «Sein -  la pêche des crustacés a été pitoyable cette année dans nos parages. » et le 16 avril 1881, « Sein- quelques semaines avant l’arrivée des Paimpolais … quant aux langoustes et aux homards, leur disparition est vraiment effrayante … il faut limiter les tailles… » 

Une violente tempête sévit à la mi-septembre 1880, elle dure du 13 au 19 et cause beaucoup de dégâts. A Camaret  dans la seule journée du 14 septembre, six chaloupes sont jetées à la côte au Veryach et détruites. A l'île de Sein, trois embarcations ont disparu du port, on ne sait ce qu'elles sont devenues. Presque tous les pêcheurs de Paimpol ont perdu leurs casiers à langoustes, leurs filets, leurs palangres. Plusieurs d'entre eux n'osent plus se pourvoir à neuf d'engins de pêche qu'ils craindraient de perdre encore. Et comme la saison est fort avancée, ils songent à s'en retourner après une campagne désastreuse. Nos îliens n'ont pas été plus heureux (le "Finistère" du 29 septembre).


Toujours dans le « Finistère », 4 mai 1893, « Ile de Sein – Langoustes, les prix sont tombés de 33 Francs à 24 Francs la douzaine. Ce n’est pas que la langouste soit très abondante, c’est que les bateaux qui sont réunis dans notre petit port pour faire cette pêche sont très nombreux. Qu’ils soient de Paimpol, Audierne, Douarnenez ou du Cap, ils vendent toutes leurs langoustes ici, voilà pourquoi les prix baissent. Les Paimpolais sont arrivés, ils sont une trentaine. Puis dernière semaine de mai, « la pêche est bonne, mais il faut aller au large, plusieurs bateaux restent deux à trois jours dehors et reviennent avec 8 à 9 douzaines, joli résultat. » 7 juin, « Les langoustes sont arrivées à la côte, les prix tombent à 15 Francs ».  Première semaine de juillet, les bateaux qui ont été très loin vers le sud-ouest, ramènent 10  douzaines par bateau et par semaine. Ceux qui sont restés sur la  Chaussée de Sein, un peu moins. Vente au prix de 15 à 18 Francs la douzaine.

En août, la flottille s’augmente de la plupart des bateaux du port de Camaret.

Sein le 29 septembre " la pêche est terminée, sur 20 bateaux paimpolais, 10 sont déjà partis".


Dans les courriers de la mairie du Conquet, une note du maire : "L'île de Sein (nous) demande une participation pour la construction de la maison du docteur. Cette année, la commune du Conquet n'a envoyé qu'une très minime proportion de pêcheurs à Sein et ceux-ci semblent de plus en plus abandonner les parages de l'île de Sein en raison de l'appauvrissement des fonds."


Le choléra de 1893

Cette année-là il n’est pas sûr que les Conquétois aient eu l’autorisation de s’installer à Sein, en raison de l’épidémie de choléra.

1893, le Finistère, jeudi 24 août,  Sein –  « Le médecin, le maire de l’île et le syndic viennent de faire afficher un arrêté en vertu duquel tous les bâtiments provenant du Conquet et de Molène devront être mis en observation. Cette mesure sanitaire vient d’être appliquée à un bateau de pêche qui voulait aborder à l’île.

La quarantaine est déjà appliquée à l’île de Molène mais (début septembre) on n'a pas constaté de décès depuis 10 jours. Par contre au Conquet, il y a eu un nouveau mort du choléra.

 

 

Un coup d’œil sur la flottille conquétoise en 1897, aux « Paimpolais » se sont joints des pêcheurs d’autres origines (Bernugat de Sarzeau par exemple, Mellaza de Plouguerneau) et parfois locales.

 

Patron                              Bateau             Jauge    Adresse

Le Goaster       Jean Marie         Sainte-Barbe          6.03         Rue Saint-Christophe

Le Bris            Auguste             Jeune-Joseph         2.27         Le Bilou

Bernugat          Théophile           Nd des Victoires   7.40         Le quai

Riou                 Henri                 Saint-Pierre            6.40         ? (Roué Armateur)

Fréderic           Eugène  Maria                                 ?              Rue Neuve

Le Goaster       Jean Louis          Louise                   1.57         ?

Quéré              Guillaume           Belus                       2.48        Le quai

Betzer              Olivier               Deux-Frères           1.80         Le Croaé

Gendrot           Yves Marie        Sainte-Anne           7.20         Rue Saint-Christophe

Lucas               Yves Marie        Dom-Michel        6.10           Rue Marie-Lagadec

Le Goff            Pierre                 Gardien                 ?              ?

Le Goaster       Jean Louis         Saint-Antoine       6.32           Rue Lombard

Léon                Jean                   Alcide                    1.97         Lochrist

Grovel             Jean                   Nd d’Espérance    7.82         Rue Saint-Christophe

Grovel             François            Marie-Louise         3.81         Le quai

Riou                 Jean François    Dom-Michel          6.10          Rue Saint-Christophe

Lucas               Yves Marie       Saint-Michel          10.10        Sur le quai

Le Goaster       Pierre                        id                                   Co-propriétaire

Morvan            Olivier               Anne                      5.69        Taburet armateur

Riou                 Sylvestre           Trois-Sœurs            5.50         F Menguy armateur

Menguy           Isidore               Nd de Trézien       6.54         Lucas Yves Marie armateur

Mellaza            Guillaume         Marie-Jeanne           ?             ?

Riou                 Jacques             Saint-Joachim        5.92         Rue Dom-Michel

Keradanet        Jean                   Le Hir                     2.96         ?

Lucas               Jean Louis         Bernadette               5 .46       Sur le quai

Menguy           Jean                   Joséphine                6.48        Rue Saint-Christophe

Gendrot           Jean                   Saint-Christophe   6.53        Rue Poncelin

Guenaff            Jean François     Sloop Nr1              4.79        Chez Le Bousse, rue St-Christophe

 

Sur le document municipal, une sixième colonne qualifie la condition sociale des pêcheurs, 11 ont la mention « bon », 3 sont « indigents » 1 est « misérable », pour les autres rien n’est indiqué.              


Pl-ste-anne-gendrot.jpg
Ci-Contre, la Sainte-Anne LC 973 à
Yves-Marie Gendrot, en carénage
dans le port de Camaret.






















Le-port-et-les-bateaux_-54.jpg 



au centre : Marie-Jeanne LC 1277 est un goémonier, à Guillaume Mellaza originaire de Plouguerneau.










Je dois à monsieur Pierre Yves Decosse, association Ar Jentilez, un relevé mensuel  concernant les pêches de crustacés pour le quartier maritime du Conquet en 1894-95.
Le quartier maritime du Conquet allait du Trez-Hir (Plougonvelin), à la rive sud de l'Aber-Wrac'h

Octobre 1894

Le Conquet – La pêche des crustacés a été contrariée par le mauvais temps: il a été capturé 31,795 kilogr.  de homards vendu 12,165 francs, 32,102 kilogr. de langouste vendues 35,311 francs et 200 kilogr. de crevettes vendus 300 francs, soit au total 47,776 FR.

Les prix de vente des crustacés ont baissé dans une notable proportion, en raison de la campagne de presse entreprise à la suite d'intoxications survenues par ingestion d'animaux malsains. Les accidents signalés sont évidement causés par les procédés de colorisation employés, par des marchands assez peu scrupuleux pour vendre comme frais, des crustacés morts antérieurement à leur arrivée au  centre d'écoulement. Dans le seul syndicat de l'Aberwrac'h, la perte causée par ces polémiques a atteint plus de 18,000 francs. A l'île Molène, l'exportation des homards et langoustes était jusqu'ici assurée par des bateaux affrétés par les mareyeurs. Dès que les pêcheurs ont constaté que la vente diminuait considérablement, ils ont construit des viviers flottants bien aménagés, ou l'eau se renouvelle à chaque marée et ou les homards et les langoustes vivent très facilement."


L'intégralité des relevés concernant " Un an de pêche en Bretagne Nord" a été mis en ligne par monsieur Decosse sur le site www.arjentilez.canalblog.com  (page d'accueil sélectionnez le sujet dans les propositions à droite en haut de l'écran).



L’abandon définitif de la saison à Sein :

 

Au retour à l’automne, la plupart des pêcheurs désarment leurs navires jusqu’au printemps suivant. Si la saison a été très bonne, les familles peuvent vivre sur leurs réserves, mais si la pêche n’a pas donné convenablement, il faut endurer l’hiver dans la gêne. D’autant plus qu’une réputation colle aux « Paimpolais », ils ne sont, dit-on, pas économes, ils dépensent l’argent quand ils en ont, c'est-à-dire pendant la belle saison et comme la cigale de la fable, l’hiver ils se trouvent fort dépourvus. La misère est souvent leur lot.

 

Les deux derniers bateaux à « faire Sein l’été » sont en 1898, Henri Joseph Riou avec le Saint-Pierre et Théophile Bernugat avec la Notre-Dame des Victoires.

 

Vers l’aventure de la pêche au large :

 

En très peu de temps, 1897-99, la flottille de pêche conquétoise, dynamisée par l’exemple camarétois, va exploser en nombre d’unités et en taille de navires. Ce sera l’objet d’un prochain chapitre. JPC 

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