Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 janvier 2010 4 14 /01 /janvier /2010 10:19

 UN NOUVEAU COURRIER POUR LES ILES
(Version provisoire en attendant d'autres documents) 

ENEZ EUSSA II (1961-1992)

Voir sujet précédent : Enez Eussa 1



La presse en août 1960 :  le remplaçant de L'Enez Eussa 1 est en cours de construction.

 

La construction du « micro-paquebot » qui a été confiée aux Ateliers de La Perrière à Lorient entre maintenant en voie d’achèvement puisque l’Enez Eussa N°2 sera mis à l’eau le mois prochain, vraisemblablement le 3 septembre. Il restera alors à le doter de ses moteurs et à d’en achever les aménagements intérieurs. Il est bien entendu difficile d’énoncer une date d’entrée en service, mais celle-ci pourrait se situer vers la fin de l’année ou au début de 1961.

Que sera le nouveau navire ?  Tout d’abord sa ligne sera incontestablement plus moderne que celle de l’aïeul, et ses aménagements seront incomparablement plus confortables et plus luxueux.

 

Le bateau qui jauge 300 tonneaux, est long de 43 mètres, large de 7 mètres, et doté de deux moteurs développant chacun 360 cv. Son tirant d’eau sera de 2,80 mètres environ,

Le pont principal comprendra, d’avant en arrière, les salons de 1ère classe, les bureaux PTT, le réfectoire et la cuisine. L’entrepont contiendra les logements (individuels) de l’équipage, la cale, longue de 10 mètres, la salle des machines, et les locaux des passagers de 2ème classe.

Au total il pourra recevoir, comme son prédécesseur, 350 passagers durant l’été et 250 durant l’hiver.



La mise à l'eau du nouveau courrier des îles à Lorient : 


Samedi 3 septembre 1960
, le nouvel « Enez-Eussa » a été mis à l’eau avec succès, dans le bassin long du port de pêche de Lorient, sous une pluie battante.

Après que la marraine, madame Piquemal, (épouse de l’ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées du Finistère), eut brisé la traditionnelle bouteille de champagne sur l’étrave du nouveau navire, celui-ci fut doucement acheminé par le slipway jusqu’à son élément naturel, où il ne tarda pas d’y flotter. Il fut ensuite dirigé par les remorqueurs de Kéroman jusqu’au quai voisin de la base sous-marine, le long duquel il fut amarré. C’est là qu’il va recevoir ses installations intérieures avant de procéder à ses essais de moteur et d’être mis en service. A cette occasion d’ailleurs une cérémonie solennelle d’inauguration aura lieu.

 

 

A Ouessant on attend avec impatience l'Enez-Eussa II

Bulletin d’information ouessantin :

 

-Dimanche 12 février 1961

 

C’est le jeudi 16 février que l’Enez-Eussa II fera son premier voyage de Brest à Ouessant, en passant par Le Conquet et Molène. Aux personnalités et à la centaine d’invités qui auront la chance de participer à ce voyage inaugural, se joindront, s’ils le désirent, les collégiens regagnant leur île pour les vacances des Gras. L’Enez quittera Brest à 7h45, il est annoncé au Conquet pour 8h45, où il embarquera aussi des invités. A 9h il prendra la direction d’Ouessant. Son arrivée au Stiff est prévue pour 10h ½. Mais si l’état de la mer le permet, il viendra à Lampaul. Malheureusement la mer sera basse et par conséquent l’Enez ne pourra venir à quai dès son arrivée, c’est pourquoi la cérémonie de la bénédiction est reportée à  15h l’après-midi. A partir de 13h les îliens pourront visiter le bateau.

Le départ est fixé à 15h30, arrivée à Molène à 16h30, débarquement des invités, vin d’honneur et allocutions…


Le portrait du capitaine Le Bot

enz-le-bot-chieze.jpgEn attendant que les journalistes et romanciers décrivent chacun à sa façon le nouveau bateau, voici un portrait du capitaine tel que l’a vu l’auteur d’un roman « La Dame d’Ouessant » dont la revue « Mon Ouvrage », commence la publication. « C’est un homme d’une cinquantaine d’années, de taille moyenne, le buste épais, le crâne à demi chauve. Un visage paisible de bon joueur de boules, un veston de petit bourgeois. « Voilà en effet, les apparences.  Mais nous savons que sous cet extérieur paisible se cache une âme forte, celle d’un vrai marin qui ignore les crises de nerfs, mais dont le courage et la clairvoyance ne sont jamais en défaut.

Dessin ci-contre de Jean Chièze, publié dans les Cahiers de l'Iroise.

 









Le voyage inaugural


- Bulletin d'information ouessantin : jeudi 16 février, "le départ de l’Enez-Eussa est prévu pour 7h45, aux invités qui embarquent à Brest, se sont joints quelques Ouessantins qui auront, eux aussi, l’honneur d’inaugurer le nouveau bateau.

En cours de route nous le visitons d’avant en arrière et du haut en bas. Il est vraiment bien aménagé. Tout est agréable à l’œil et pratique.

Au Conquet l’Enez reçoit à son bord, le préfet, l’évêque monseigneur Favé, monsieur Colin et de nombreuses personnalités… Vers 10h 1/2, nous sommes au Stiff. Là un bon groupe d’Ouessantins nous attend mais la mer est si basse que l’Enez doit rester au milieu de la baie.

 

Du Stiff au bourg, certains viennent par la route directe, d’autres par la nouvelle route de Pen ar Land… Vin d’honneur chez B. Ticos, banquet à la Duchesse-Anne, discours aussi pleins d’esprit que de substance.  L’Enez est arrivé à Lampaul mais il reste très loin dans la baie. Quelques rares privilégiés ont eu la chance de pouvoir le visiter. Mgr Favé s’avance au bout de la cale « Princesse » et bénit l’Enez-Eussa en présence des personnalités et d’une foule nombreuse.  Et c’est le départ pour Molène. Ce soir, vendredi, la télévision aura montré à la France entière, ce que beaucoup de Ouessantins n’auront pas vu."


enz--2-ev-ouess-quai.jpg


L'Enez-Eussa au débarcadère du Stiff.
(Collection Evelyne Lucas)



















----
Ci-dessous,vers 1964-65, photo Bernard Rivière, embarquement au Conquet par les canots du bord.

ouess29-27.jpg

























Ci-dessous :
Le Conquet,  l'Enez va appareiller pour Molène et Ouessant.
Photo Bernard Rivière (qui se trouve sur le canot bâbord). On distingue un marin qui attend l'embarcation auprès des portemanteaux (bossoirs), débordés.




ouess28-27-bernard-riviere.jpg














 



Même voyage que ci-dessus, les passagers ont débarqué de l'Enez, accosté au débarcadère du Stiff. Photo Bernard Rivière.
--
ouess16-27-bernard-riviere.jpg





 

 

 

 











Ci-dessous , série de photos, collection Evelyne Lucas., le marin à casquettes et lunettes étant son père, Prosper Lucas.

enz-2-ev-canots.jpg













enz-2-ev.jpg

























enz-2-ev-moutons.jpg


enz--2-ev-timonerie.jpg


L'Enez-Eussa II une longue carrière  1961-1992

Anecdote, un accostage impossible :

-Chaud soleil hier, mais houle d’une ampleur inaccoutumée, titrait « Le Télégramme » du jeudi 26 novembre 1970.

On n’a pu relever le gardien du phare des Pierres Noires au large de Saint-Mathieu, Guy Tallec n’a pu se faire remplacer par le « montant » Yves Penlan.

Alors que sur terre il faisait admirablement beau toute la journée d’hier, le soleil darda même de chauds rayons en ce 25 novembre… en mer par contre la situation n’a pas suivi ce courant. Une forte houle de sud a sévi pendant presque toute la journée au large de Saint-Mathieu et en Iroise, provoquant de sérieuses perturbations dans le trafic et chez les marins-pêcheurs. C’est ainsi que le courrier Enez-Eussa qui assure la ligne Brest-Le Conquet-Ouessant, n’a pu accoster hier matin à la nouvelle digue du Conquet, battue et malmenée par les flots. Il a dû se réfugier plus au nord, près de la plage des Blancs-Sablons et c’est la vedette des Ponts-et-Chaussées Iroise, patron Yves Daouben d’Argenton qui a dû assurer le transport des passagers et du fret jusqu’à bord.

 

-Je me souviens très bien de cette matinée où une petite flottille de chalutiers guilvinistes, habitués des relâches au port du Conquet se trouvait comme à l’accoutumée en pêche, au large des Pierres-Noires. Soudain vers 9 heures, la mer s’est mise à grossir avec une très forte houle venant du large, on a parlé de creux de cinq à six mètres.

Les petits bateaux (15 – 18 mètres), chaluts vite remontés, ont fait route sur Le Conquet pour y chercher l’abri. Arrivés sur rade, force leur fut de constater qu’il était impossible d’accoster à la digue neuve. La seule solution était de ressortir et de faire route Camaret. J’ai encore dans le souvenir l’image du « Mon ami Pierre » de Lesconil, dressé l’étrave en l’air, en passant la tourelle des Renards, avant de replonger dans le creux de houle, l’hélice presque hors de l’eau. Enfin leur transit s’est passé sans incident. (JPC).



Un drame : une passagère tombe à la mer :

L'Enez-Eussa effectuera ses rotations sans accident majeur (à ma connaissance, compléter si nécessaire) jusqu'à ce triste jour du 16 janvier 1974

 

Les faits :
Vents d'ouest 45 à 50 noeuds avec violentes rafales, tournant au noroît, mer très forte à grosse, visibilité 2 à 5 milles. Au milieu de l'après-midi, l'Enez Eussa quitte le port du Stiff  avec une vingtaine de passagers. A 17h45, une passagère souffrant de mal de mer sort sur le pont en dépit de l'interdiction formulée par le capitaine Raoul. Le bateau se trouve alors à un demi-mille dans le sud-ouest de Charles-Martel. Un paquet de mer balaye le navire, l'adolescente est emportée par dessus bord. Le capitaine de l'Enez avise aussitôt Radio-Conquet mais précise qu'il ne peut faire demi-tour la mer est trop grosse avec des creux de 7 à 8 mètres. Radio-Conquet contacte directement par téléphone le patron du canot de sauvetage, Louis Marec.


Le Patron-Aristide-Lucas lancé dans des conditions épouvantables franchit Penzer en sous-marin, suivi sur la côte par la population du Conquet.  Il fait nuit, la visibilité est nulle dans les grains, le patron Louis Marec préoccupé par la sécurité de son canot ne s'attarde pas à l'endroit de l'accident, la mer y déferle avec trop de force. Impossible de faire demi-tour vers Le Conquet, impossible d'aller se réfugier à Camaret. Au ralenti dans une mer d'enfer, en prenant le goulet par la passe sud, le P.A Lucas fait route Brest où il arrive tard dans la nuit. Les canotiers rentrent en taxi, un équipage réduit viendra chercher le canot une fois la tempête apaisée (17 janvier au matin). Le corps de la jeune fille (16 ans) sera retrouvé une quinzaine de jours plus tard en baie de Camaret.

 

(Patron Louis Marec, sous-patron Alexis Vaillant, canotiers Marcel Riou, Jean Yves Le Guen, Jean Le Bris, volontaires : Joseph Larsonneur, Jean Charles Bernugat. Treuilliste non embarqué : Joseph Floch).

arilucbr74---Copie.jpg











Le 17 janvier 1974, la tempête apaisée, un équipage réduit est venu à Brest chercher le canot de sauvetage, que l'on voit ici quittant le port de commerce, route Le Conquet. (photo JPC)

Anecdotes : 24 avril 1991,  Desserte de Molène et Ouessant, une liaison pirate.


Article du journal Le Télégramme :  "Les marins du SMD (Service Maritime Départemental), poursuivent leur mouvement de grève en ce qui concerne la desserte de Molène et Ouessant... L' Enez-Eussa III est resté encore à quai hier... Aujourd'hui il va tout de même se passer quelque chose. En pleine illégalité : une liaison entre le continent et les îles par un bateau du SMD. Une liaison pirate! le navire qui appareillera à 10h au port de commerce de Brest, ne sera pas l' Enez-Eussa III , mais son prédécesseur, pourtant placé hors service, bien qu'en état de prendre la mer (il est d'ailleurs question de l'utiliser cet été entre Camaret et les mêmes îles. Tout en poursuivant leur action, les marins du SMD ont décidé d'assurer une rotation afin de livrer des vivres aux îliens et de ramener sur le continent une centaine de personnes bloquées là-bas. Mais attention, nous n'embarquerons aucun voyager à Brest ni au Conquet, prévient le secrétaire général du syndicat. Pourquoi l'Enez-Eussa II plutôt que son successeur qui vient d'être inauguré ? "Il n'est pas encore en conformité avec l'administration prévient le leader syndical...etc...

Eté 1991, trois bateaux du SMD en panne

Article découpé sans la date, dans le journal Le Télégramme : Le Service Maritime Départemental en "rade"
"Les pannes tombent toujours mal. A fortiori s'agissant du trafic avec les îles lorsque les touristes arrivent sur nos côtes. Après l'Enez-Eussa III qui n'avait pu appareiller jeudi matin en raison d'une avarie relativement bénigne, c'est le Fromveur qui a connu samedi matin un problème de réducteur sur le moteur tribord alors qu'il arrivait à Ouessant, il a cependant rejoint l'île débarquant ses passagers. Le Fromveur est alors rentré sur Brest sur une seule ligne d'arbre, à vitesse réduite... L' Enez-Eussa II, désarmé en mai dernier, s'est substitué au Fromveur le samedi après-midi. Mais le dimanche matin, peu après avoir quitté le quai à Brest à 8h30, l'ancêtre de la ligne a aussi déclaré forfait. Voilà donc les trois unités du SMD à nouveau à l'amarrage. Tous les espoirs se portaient alors sur l' Enez Eussa III  dont les travaux de remontage touchaient à leur fin.
Le dernier né du service départemental a pu en effet quitter Brest à midi avec les 75 passagers de l'Enez II.

----------------------------------------------------------------------------

L'Enez a été rejoint dans la flottille du Service Maritime Départemental par la vedette Bugel Eussa, puis par le Fromveur (1977) 


enz-le-stiff-couleur-cp-yca--avec-from.jpg
L'Enez et le Fromveur dans la baie du Stiff.
Carte postale YCA












---

sbrb-embarquement-cale-cs.jpg
Par grande marée, l'Enez ne pouvait pas entrer dans le port du Conquet, il mouillait à l'extérieur et ses deux canots faisaient les navettes. On distingue d'autres passagers à l'embarcadère de la digue Sainte-Barbe. Ils attendent le Bugel Eussa dont le tirant-d'eau était moindre. Photo JPC (septembre 1975)



Ci-dessous, l'Enez se présente  pour accoster au débarcadère de la digue Sainte-Barbe.
Par vents forts ou forts courants la manoeuvre n'était pas toujours aisée.  Elle nécessitait parfois plusieurs tentatives. (Le navire n'était pas équipé de propulseur d'étrave). Photo JPC.

sbrb-enez-2-accostant-mole.jpg

La fin de l'
Enez :

Avec la mise en service de l' Enez Eussa III, l' Enez sera réformé en 1991/1992 et désarmé à quai à Brest.

enz-1991-entree-conquet.jpg

Un des derniers voyages, l'escale au Conquet, au quai Vauquois, (1991)
Photo JPC








---

1992, le bateau est désarmé à Brest, premier bassin, sur le grill de carénage. Photo JPC

enz-1992-slipway-brest--2-.jpg








---




                
Juillet 1993, au quai est du premier bassin, photo JPC

enz-1992-slipway-brest-avant.jpg












enz-1992-slipway-brest-canot-copie-1.jpg
















La fin de l'
Enez :
Avec la mise en service de l' Enez Eussa III, l' Enez sera réformé en 1991/1992 et désarmé à quai à Brest.

-Un projet avorté :
Des armateurs lui envisageront une seconde vie sur les côtes d'Afrique, à Madagascar. Convoyé à Concarneau, les travaux s'avèreront trop coûteux.


L'Enez à Concarneau quelques semaines avant son "océanisation" Photo JPC

enz-1997-cno--2-.jpg


-Le sabordage :

Le 6 septembre 1997, l' Enez Eussa, deuxième du nom, sera remorqué par le chalutier Amalthée jusqu'à 2 miles dans le sud du Guilvinec aux abords de Basse-Spinec, 47 45 322 N et 04 18 339 W,  et sabordé pour servir de récif artificiel et de site d'entraînement aux les écoles de plongée. L'épave serait actuellement cassée en trois morceaux.

                                                  Fin provisoire de rédaction / JPC 14/01/09

Ajout : dans le magnifique site de Pascal Moreau, phares et épaves dans la région de Sein et du sud-Finistère, vers la fin du diaporama, l'auteur vous présente des photos de l'épave de l'Enez-Eussa prise en 2007.


Pour étoffer cet article, confiez-moi vos souvenirs, (de marins du bord, ou de passagers), vos photos et autres documents. Par mail :
jean.pierre-clochon@wanadoo.fr. Contact téléphonique 06 83 31 53 12.


Partager cet article
Repost0

commentaires