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9 janvier 2009 5 09 /01 /janvier /2009 14:45

LABBE DE BLANCHARD

 

    Bénigne Félicité                                                                                              Marie Joséphine

 Labbé de Blanchard  (le chevalier)                                                                         Bordelot         

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   Joseph                    Marie-Françoise           Bienaimé Yves Marie          Marie Josseline

né en 1775                    née en 1778                      né en 1783                      née en 1789

 

 

 

L’affaire du tabac :

 

Le dimanche 2 août 1818, tapis dans la dune, deux hommes aux allures de conspirateurs surveillent les manœuvre d’un sloup qui entre à Pors-Paol. Une heure plus tard le voilier est rejoint par un autre bateau. Nos deux guetteurs s’éclipsent, ils en savent assez. Faisons leur connaissance : l’un se nomme Vital Dupuis, il est propriétaire terrien, l’autre est André Allard, le garde-champêtre. Ils ont eu vent d’un trafic de marchandises prohibées, mais n’ont pas été invités à se joindre aux fraudeurs. Pour se venger, ils vont dénoncer les participants.

La nuit tombée, nos deux hommes sortent de chez Yves Le Noret, cabaretier, et descendent vers le port pour épier la suite des opérations. Par malchance pour eux, ils tombent sur un groupe d’une quinzaine d’hommes qui remontent de la grève des caisses et des ballots vers le magasin de Charles Balanger. Dupuis réussit à s’enfuir, mais Allard démasqué reçoit une sérieuse correction et on lui prend même son fusil. A la première heure le lendemain matin nos deux compères vont expliquer l’affaire au maire et au juge de paix, puis portent plainte. Les autorités acceptent de considérer les coups et blessures, mais ne veulent pas entendre parler de soupçons de fraude, toute l’île s’adonne à la contrebande, il n’est pas nécessaire d’attirer l’attention du continent sur ce sujet.

Dépités ils sortent et c’est l’occasion pour Allard d’être à nouveau rossé, cette fois par le fils Balanger qui l’attendait. C’en est trop pour le garde-champêtre qui se fait conduire en bateau au Conquet puis gagne Brest, et revient dans l’île accompagné du receveur des contributions indirectes et de son adjoint.

Conscients du danger, les contrebandiers avaient rapporté à bord du sloup la plus grande partie des marchandises, mais coincé par la morte-eau le bateau ne flottait plus. Les deux inspecteurs découvrent sur le sloup 66 balles de tabac, dépourvues des marques des manufactures de France, puis conduits par Dupuis, ils font saisie de 4 livres de tabac dans le grand clos de Balanger, de 2 livres de tabac en poudre dans le jardin du Gouverneur et enfin de 5 kilos de tabac cachés dans un tas de gazon chez Le Noret.

 

L’enquête va fournir abondance de détails sur l’affaire :

D’abord le sloup : il s’appelle Les Cinq Sœurs et appartient à Bienaimé Labbé du Conquet. C’est un de ces bateaux que l’on appelle « cendrier » car son principal trafic est de transporter depuis l’archipel de Molène les cendres de goémon, engrais réputé, vers les port de la rade de Brest et en particulier Landerneau. Le patron habituel en est Fiacre Cariou, mais pour la circonstance Labbé l’a remplacé par Jean Louis Berthelé, pilote d’Ouessant, compétent pour assurer une navigation au large. L’équipage est à la solde de Balanger d’Ouessant. Un personnage mystérieux  est aussi du voyage, il disparaîtra au retour à Ouessant. Il s’agit  du sieur Dubois de Douarnenez. Le bateau quitte Molène le 12 juillet 1818,  et arrive sans encombres à Guernesey. Là, Dubois négocie avec un nommé Henri de Garis, un chargement de tabac, 5 tonnes de charbon et diverses marchandises. Les Cinq Sœurs appareille bientôt, destination officielle Gibraltar, mais en réalité nous venons de le voir, Ouessant.

 

Tous les complices identifiés se retrouvent convoqués devant le tribunal correctionnel à Brest le 19 septembre à savoir :

Berthelé Jean Louis, pilote lamaneur

Malgorn Jacques, matelot

Balanger Baptiste Théodore, novice

Calvarin Charles, cultivateur

Cozan Thomas, marin

Cassol François, marin

Balanger Charles, négociant

Labbé de Blanchard Bienaimé, négociant

Le Noret Yves, débitant de boissons

Stéphan Paul, marchand

Ils sont prévenus de colportage de tabac étranger et de voies de fait sur un garde-champêtre. Le fils Balanger est signalé absent à l’audience (embarqué sur le brick l’Euryale), Berthelé, Malgorn, Balanger père, Labbé et Le Noret y sont représentés par un un avoué, monsieur de la Porte.

Témoins :

des soldats de la garnison,

André Allard, commissionnaire faisant fonction de garde-champêtre, 37 ans

Vital Dupuis, propriétaire à Ouessant, 37 ans

Noël Cariou, capitaine habituel du navire Les Cinq sœurs,  41 ans, demeurant à Molène

Jean Marie Cariou, marin, 16 ans, demeurant à Molène

 

 

Les prévenus affirment que l’île d’Ouessant étant affranchie du régime des Douanes par l’article 2 de la loi du 10 juillet 1791, l’est par suite de celui des contributions indirectes en ce qui concerne les tabacs. Le tribunal correctionnel renvoie l’affaire devant le tribunal de première instance.

 

En ce qui concerne les voies de faits, Balanger fils, Calvarin, Cozan, Cassol et Stéphan sont condamnés à dix mois de prison chacun, d’une amende solidaire de cent francs et du paiement des frais de procès 178 francs, puis Paul Stéphan est relaxé.

 

Au cours du procès sur la contrebande, Dupuis explique qu’avec Allard, ils étaient depuis longtemps convaincus que le sieur Balanger se livrait avec sécurité aux spéculations d’un trafic frauduleux qu’il faisait avec succès. Il était l’âme d’une société de contrebandiers organisée par ses soins à Brest, au Conquet, à Ouessant et ailleurs. Et il ajoute, j’ai appris que dans le courant de juillet, Labbé négociant au Conquet avait équipé un navire pour une expédition secrète que je soupçonnais être les îles anglaises de la Manche. Quelques temps plus tard, poursuit Dupuis, les intéressés inquiets du sort de leur navire qui a été signalé aux Douanes, s’entendent avec Marc Chaouen ancien patron du bateau de la ligne sémaphorique, pour aller à sa rencontre et lui donner des instructions. Sachant que le retour des bateaux doit se faire sur Ouessant, et que les magasins de Balanger sont prêts à recevoir les marchandises, Dupuis précise avoir écrit au commandant militaire de l’île pour l’en aviser. Celui-ci un nommé Dorée qui se trouvait alors au Conquet, a fait prévenir le garde-champêtre de mener l’enquête et Dupuis s’est offert en volontaire pour l’accompagner, c’est ainsi que les deux hommes se sont retrouvés pour surveiller la baie de Lampaul.

 

Nouvelle relation des faits :

 

Dupuis a rencontré Allard sur la dune le dimanche 2 août à une heure de l’après-midi : « Vois-tu ici ce sloup, et vois-tu là cet autre grand bateau, celui de Chaouen ? »

Les deux navires mouillent à Pors-Paol et trois étrangers conduits par François Cassol, Thomas Cozan et Michel Colin descendus du sloup se rendent chez Balanger. Dupuis et Allard vont alors chez le maire qui ne trouve pas nécessaire de visiter les papiers du sloup, ils passent alors chez Paul Stéphan, gendre de Balanger où ils ont confirmation qu’un sloup chargé de tabac a mouillé en rade et que la marchandise doit être transférée chez Balanger à 11 heures du soir. Nos « enquêteurs » en partant se poster à nouveau dans la grève, passent chez Yves Le Noret, cabaretier intéressé dans la cargaison du sloup. Cinq ou six insulaires, hommes de main de Balanger sont là à consommer. Dupuis et Allard en sortant de l’estaminet tombent sur un convoi de quinze à vingt hommes portant chacun une caisse de tabac ou une caisse de sucre. Le garde-champêtre est saisi à la gorge par Calvarin et désarmé de son fusil. Théodore Balanger le jeune fils de Balanger père, lui porte un coup de crosse au visage. Dupuis dit qu’il a été aussi maltraité et s’est enfui. Dans la nuit, Allard et Dupuis sont allés porter plainte devant le maire et le juge de paix, le maire veut bien accepter la plainte mais à condition qu’on ne parle ni de sloup ni de tabac, quant au juge de paix, il est le père de Paul Stéphan impliqué dans l’affaire. En sortant Allard et Dupuis rencontrent le jeune Balanger qui rosse une nouvelle fois le garde-champêtre.

Le 3 à 6 heures du matin,  Charles Calvarin, Thomas Cozan, François Cassol, Yves Le Noret, Paul Stéphan, Balanger père et fils, interpellés par le maire et le juge de paix, soutiennent qu’ils n’ont pas connaissance de tabac embarqué sur un sloup et qu’ils n’ont pas rencontré le garde-champêtre et Dupuis.

 

Allard part en bateau au Conquet et de là à Brest d’où il revient le 6. Le 7 août, deux employés de l’administration des contributions indirectes venus de Brest fouillent l’île et ne trouvent rien chez Balanger. Le lendemain montent à bord du sloup de Labbé et y saisissent 66 balles de tabac exotique, pour un poids d’environ 1 800 kilos, dépourvues des marques des manufactures royales de France. L’île d’Ouessant n’étant pas soumise au régime général des Douanes, les préposés de la régie prennent seulement note des autres marchandises trouvées à bord du sloup, à savoir mousseline, velours, sucre etc…

Selon Dupuis, Charles Balanger avait fait reporter de nuit le tabac à bord du sloup,  Conquet, si la mer avait monté d’un pied plus haut, le sloup aurait flotté et avec Balanger fils aîné arrivé du Conquet, Cozan et Cassol, auraient quitté Ouessant.

On assiste ensuite à la découverte de 4 livres de tabac dans le grand clos à Balanger, de 2 livres de tabac en poudre dans le jardin du Gouverneur, de 5 kilos (trouvés par Dupuis) dans un tas de gazon sec chez Le Noret.

Dupuis toujours dans sa déclaration au tribunal, fait allusion à une affaire de sel. Il accuse Balanger d’être le voleur de 3 milliers de sel . Allard et un nommé Vivenol, pas clairs dans cette affaire, craignant d’y être impliqués, refusent de témoigner contre Balanger.

 

Par jugement du 7 mai 1819,  le tribunal  civil de première instance de Brest condamne Labbé et Balanger chacun à 500 francs d’amende, à la confiscation du tabac et du sloup, et ensemble aux frais de procédure soit 608 francs. Leurs complices au nombre de 8 ont été condamnés à une amende personnelle de 300 francs. Jugement confirmé par le tribunal de Quimper.

Balanger a été nommé syndic des gens de mer à Ouessant,  malgré la mauvaise opinion du Préfet.

 

Pièce jointe :

2e division, 2e bureau.

Note pour le Ministre

Le sieur Dupuis, propriétaire à l’île d’Ouessant adressa à son Excellence en août dernier un mémoire justificatif de la conduite qu’il avait tenue avec le garde-champêtre Allard à l’occasion d’un débarquement de tabac et autres marchandises prohibées effectuées sur cette île en août 1818 par le sieur Balanger et consorts. Cette pièce contenant quelques accusations très graves contre le maire, il paraît constant d’après le rapport du préfet du Finistère, que tous les habitants d’Ouessant se livrent à la fraude, que le sieur Balanger, ancien maire, que Malgorn nouveau maire, Allard et  Dupuis eux-mêmes se sont rendus coupables de ce commerce illicite. Il y avait autrefois inimitié entre Balanger et Malgorn, estompée depuis que Balanger est devenu syndic des marins. Les habitants d’Ouessant semblent être tous des fraudeurs qui se dénoncent quand ils ne participent pas aux actions ou qu’on n’achète pas leur silence, (copie de mémoire venant de la préfecture du Finistère).

 

 

Autre pièce

Henri de Garis, négociant à Guernesey a sous loué par charte-partie à monsieur Pierre Bois jeune, négociant à Douarnenez le 18 juillet 1818, le sloup Les Cinq Sœurs du Conquet alors à Guernesey, capitaine Berthelé et trois hommes d’équipage, pour aller à Gibraltar.

Que l’exposant a chargé à l’ordre du porteur du connaissement (détail du tabac)

Que conformément à la même charte-partie, le sieur Bois avait chargé pour son propre compte à bord du navire à Guernesey cinq tonnes de charbon et quelques ballots de marchandises à destination d’Ouessant

Le sieur de Garis porte plainte contre le directeur général de l’administration des contributions indirectes de France

-pour saisie irrégulière du navire

-de son tabac

-des pertes de temps

 

Autres pièces,  7U3 21 AN

Cariou dit le 2 avril 1819 que Labbé l’a prié de faire le voyage en disant que c’était pour faire de la fraude.  Il a refusé de faire le voyage, disant qu’il ne voulait par continuation ne faire que des voyages de cendres vers la rivière de Landerneau. Labbé se rend à Ouessant le 12 juillet et revient à Molène où est mouillé le bateau, avec Jean Louis Berthelé, pilote lamaneur et un équipage. Dans la même nuit du 12 au 13 vers 3 heures du matin, Cariou est débarqué, illégalement,  sans lui donner le temps de prendre ses effets. Sans nouveau rôle d’équipage, le bateau met à la voile  avec à bord un sieur Bois comme passager.

Cariou fait cette déclaration au maire de Molène le 13 juillet et au bureau des classes au Conquet le 18 juillet.

 

Balanger qui a 44 ans est originaire du département du Cher

Labbé de Blanchard bienaimé, 35 ans, négociant patenté de 1ère classe au Conquet, y demeurant, le bateau Les Cinq Sœurs lui appartient.

 

L’objection de franchise tombe, car si Ouessant reste exempte des droits de Douanes, elle reste soumise à la règle générale en matière de prohibition. Or les tabacs étrangers étant prohibés à l’entrée du royaume, ils le sont aussi à Ouessant

 

Complément concernant la journée du 6 août :

 

Le receveur à cheval des contributions indirectes, arrivant de Brest au Conquet, va chez le commandant d’Ouessant le 6 août au soir, puis chez le le contrôleur de la brigade des Douanes qui lui arrange la patache des douanes pour le lendemain. Mais le commissaire des classes expédiant sa péniche à Ouessant,  le receveur y embarque à midi et arrive dans l’île à 6 heures du soir. Le sloup Les Cinq Sœurs se trouvaient dans le port de Lampaul, amarré en dedans de la jetée en pierre.

A Ouessant avant l’arrivée du receveur, une partie du tabac débarqué pouvait déjà être achetée auprés de Paul Stéphan, interrogatoire des soldats qui en ont acheté.

Tentatives de corruption par Balanger des soldats qui montent la garde devant son magasin.

A propos du bateau parti à la rencontre du sloup, il appartient à divers propriétaires de l’île, il est presque aussi grand que le sloup, il est commandé par Marc Chaouen qui a été pendant cinq ou six jours en croisière dans la Manche pour prévenir le sloup qu’il pourrait être arrêté par la Douane .

Marc Chaouen chez Paul Stéphan : j’ai donc trouvé le bateau, le voici arrivé.

Berthelé déclare : arrivés à Ouessant, Bois m’a payé pour le voyage et, je suis rentré chez moi. A Guernesey on lui avait demandé de conduire le bateau à Ouessant mais qu’il ne savait rien des papiers enfermés dans une boîte en fer blanc.

Balanger dit qu’il n’a rien à voir avec Bois, celui-ci lui a demandé son magasin pour quelques jours. Il connaît Labbé pour avoir participé à des ventes dans l’île comme associé avec lui.

 

Le sloup Les Cinq Sœurs ayant son nom derrière, plat-bord blanc, hiloire jaune, Labbé dit : je n’ai jamais proposé le voyage à Cariou que ne sait ni lire ni écrire et qui était « yvre » au débarquement à Molène.

« Les cinq sœurs », sont les  filles de Bienaimé Labbé et de Perrine Guillemette Barbé 

Marie Françoise Olimpe, (1807-1820)

Clarisse Marie, 1808

Jeanne Joséphine Atalie, 1810

Marie Aimé Josseline, 1812

Hortense Victorine, 1815-1821

 

Le samedi 8 août,  Jean Louis Berthelé, Jacques Malgorn et Balanger fils sont en prison pour navigation sans rôle d’équipage, sur ordre de La Fosse commissaire des classes au Conquet, par Pennec syndic à Ouessant

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